dimanche 26 mai 2019

"Pour une politique culturelle cohérente à Genève" : Faire ensemble, enfin...


Avec 83,18 % des suffrages, c'est un véritable triomphe qu'à obtenu l'initiative "pour une politique culturelle cohérente à Genève". Il est vrai qu'elle n'était combattue que par la droite de la droite (l'UDC, le MCG), mais même une partie de son électorat l'a soutenue. Le canton est donc proclamé par la constitution grand coordinateur de la politique culturelle genevoise, en concertation permanente avec les communes.Ce qui va forcément impliquer, sauf à vider la nouvelle disposition constitutionnelle de toute substance, sa représentation dans les instances dirigeantes des grandes institutions actuellement en mains de la Ville et des communes (le Grand Théâtre, la Nouvelle Comédie, le Théâtre de Carouge... et pourquoi pas les grands musées municipaux ?), mais aussi sa participation financière au fonctionnement de ces institutions. Le débat politique va maintenant se déplacer au niveau de la mise en oeuvre de la disposition votée par le peuple. Et il va être serré, ce débat -les premières déclarations de la droite, en tout cas, le laissent présager. Il n'empêche : ce que le vote populaire a adoubé, c'est un principe qui nous est cher : "faire ensemble", entre le canton, la Ville et les 44 autres communes, une politique culturelle digne de Genève.

Dimanche, les milieux culturels se sont affirmés comme une force politique. Et c'est une excellents nouvelle...


Dans le journal de l'ADC (Association pour la danse contemporaine), en décembre 2017, Fabienne Abramovitch posait la question du "contre-pouvoir" que pourraient, et devraient, exercer les acteurs culturels et sociaux : "les budgets de la culture et du social sont systématiquement menacés : comment éviter cela ? il faut nous penser et nous organiser différemment, instiller un véritable contre-pouvoir". Le triomphe dimanche dernier de l'initiative "pour une politique culturelle cohérente à Genève" peut être pris comme un succès de ce contre-pouvoir, et les initiants ont raison d'y voir "une grande et belle victoire" : l'initiative a été conçue et lancée par les milieux culturels, seuls. Et son acceptation massive donne un mandat clair au Conseil d'Etat et au Grand Conseil -mais aussi aux communes, et donc au Conseil administratif et au Conseil municipal de la Ville de Genève. Le Conseiller d'Etat Thierry Apothéloz avait d'ailleurs pris les devant : en juin de l'année dernière déjà, il plaidait :"La confiance entre le Canton, les communes et les milieux culturels doit être renforcée", un " bilan de la loi sur le répartition des tâches sous l'angle de la culture" doit être établi, en admettant "que des changements sont possibles", notamment en revenant sur "la séparation abrupte entre la création et la diffusion". Et il organise cet automne un "dialogue culturel cantonal" avec les communes et adressera à la fin du mois un "message culturel" qui sera mis en consultation pendant deux mois, puis soumis au Conseil d'Etat à la rentrée.

Le mandat constitutionnel adopté dimanche doit en effet être traduit en actes. Et cette traduction va inévitablement entrer en contradiction avec la loi sur la répartition des tâches en matière de culture (LRT-2), qui se livrait à un découpage assez absurde des tâches en fonction de critères relevant plus de la nomenclature à la Linné que d'une véritable réflexion sur la nature et les enjeux de la politique culturelle. Le PLR Murat Alder ne veut pas que la LRT-2 soit "démantelée". Démantelée, elle ne le sera peut-être pas. Mais détricotée, il faudra bien qu'elle le soit. Et les exécutifs et les parlements cantonaux et communaux ne sont plus seuls à pouvoir le faire :  Dimanche, les milieux culturels se sont affirmés comme une force politique. Et c'est une excellents nouvelle...

dimanche 7 avril 2019

Un Grand Théâtre de Genève tout nouveau, tout beau : Qu'en faire ?



L'Opéra genevois nouveau est arrivé. Le Grand Théâtre rénové à ouvert ses portes, l'Opéra des Nations qui le remplaçait a fermé les siennes (et a migré en Chine). La renaissance du "vaisseau amiral de la culture genevoise" (qui ne va pas tarder à être escorté par la Nouvelle Comédie et la Cité de la Musique) n'a pas été saluée par un excès de flonflons et de discours officiels (d'aucuns et d'aucune, comme Sylvie Bonier dans "Le Temps", s'en sont émus : "le public s'est installé à sa place comme si la dernière représentation datait d'hier"), mais les media en ont plus que largement rendu compte et les visiteurs de la journée "portes ouvertes" ont été "éblouis" par un opéra rajeuni aux décors lumineux : c'était, nous dit-on, le "chantier du siècle" (enfoncés, le CEVA et le "Léman Express" ?) -un chantier de 65 millions de francs (suppléments et incidents non compris). Et puis, le Grand Théâtre n'a pas seulement changé de parure : il a aussi changé de directeur : Tobias Richter, à la tête de l'opéra genevois depuis dix ans, laissera son poste à Aviel Kahn, qui présentera sa première saison en mai. Il est tout nouveau, tout beau, l'Opéra de Genève. Ne lui reste plus qu'à mériter cette parure par sa ramure.

"Immerger" le Grand Théâtre dans "le tissu social qui l'environne"

Le Grand Théâtre de Genève, c'est la plus grosse institution culturelle de Suisse romande (hors l'école), avec un budget de 60 millions de francs par année (à plus des deux tiers couvert par la seule Ville de Genève, qui y consacre près du quart de ses dépenses culturelles), plus de 300 employés (dont la moitié sont en fait employés par la Ville), un chœur et un corps de ballet... mais un public (une centaine de milliers de spectateurs par année) dont le renouvellement, acquis grâce au déménagement provisoire à la place des Nations, doit être garanti par un renouvellement de la programmation. La Tetralogie wagnérienne, ça vous pose sans doute un opéra, mais ça n'y amène pas celles et ceux qui n'y ont jamais mis ni les pieds, ni le coeur. Et puis, il faut bien qu'on vous l'avoue : Wagner nous emmerde...

Dès la saison 2019-2020, Aviel Kahn, directeur depuis 2008 de l'Opéra des Flandres (qui chapeaute ceux d'Anvers et de Gand) succèdera à Tobias Richter à la tête du Grand Théâtre, qui assure quitter "une institution en très bon état". Aviel Kahn déclarait dans la "Tribune de Genève" du 26 mai dernier imaginer "un théâtre actif, immergé dans le tissu social qui l'environne", et vouloir "multiplier les liens avec les acteurs culturels présents pour faire en sorte que l'opéra ne se replie pas sur lui-même". Fortes résolutions, pour "replacer Genève à la première place parmi les scènes lyriques en Suisse", ce qui n'est guère aimable pour son prédécesseur. Le nouveau directeur est convaincu de pouvoir compter sur "une des plus grandes salles du pays" et sur "un orchestre de qualité", dirigé par un chef qu'il "apprécie beaucoup". Que demander de plus ?

L'Opéra genevois a les moyens d'une ambition culturelle plus grande que sa présence actuelle : les dimensions de sa scène, le volume de son budget, la qualité de son orchestre attitré (l'OSR) et, souvent, de sa programmation, pourraient faire de lui l'une des meilleures scènes d'Europe -or il n'est, selon les analystes des scène lyriques, que dans une bonne moyenne. Le critique de la NZZ, Peter Hagmann, l'explique par le conservatisme du public genevois -mais la programmation de Jean-Marie Blanchard avaient su le bousculer, alors que celle de Tobias Richter est plutôt de nature à le conforter. Une scène à peu près équivalente de la genevoise, celle de Lyon, fait mieux -et sa fréquentation s'en est trouvée améliorée, et son public rajeuni. C'est cet enjeu que le GTG doit remporter, à la faveur de sa rénovation.

lundi 26 mars 2018

Invalidation de l'Initiative populaire législative « Le Plaza ne doit pas mourir » : on recourt



Dans un mois se tiendra le premier tour de l'élection du Conseil d'Etat. L'un des dernier actes du gouvernement sortant aura donc été de tenter de priver les Genevoises et les Genevois du droit de se prononcer sur une initiative signée par plus de 11'000 d'entre elles et eux : l'initiative populaire législative "Le Plaza ne doit pas mourir", qui propose de déclarer d'utilité publique le maintien de la plus belle salle de cinéma genevoise, et, par le moyen de l'expropriation dans le cadre de la loi et de cette utilité publique, d'en faire un espace culturel novateur, au centre d'un quartier qu'il pourrait redynamiser -et qui en a grand besoin. Hier, le Conseil d'Etat sortant a décidé d'invalider l'initiative, et donc de ne la soumettre ni au parlement, ni au peuple. Le Comité d'initiative fera, bien sûr,recours contre cette invalidation.

"in dubio pro populo"

Il faut bien, aujourd'hui, rappeler au gouvernement genevois sortant un principe, fondamental de la démocratie telle qu'elle est (ou devrait être) défendue dans cette République : "in dubio pro populo" (dans le doute, c'est au peuple de décider). Le Conseil d'Etat, et le Grand Conseil sont maîtres de leurs propres recommandation au peuple, mais tenus de laisser le peuple décider : s'ils sont opposés au contenu d'une initiative, qu'ils le disent, l'assument et proposent aux citoyennes et citoyens de la repousser, quitte à lui proposer un contre-projet -mais qu'ils ne se cachent pas, pour complaire aux propriétaires d'un ensemble architectural et d'un lieu culturel méritant toute protection, derrière des arguties juridiques qui ne trompent personne, pas même ceux qui s'y livrent.

A au moins deux reprises, la Ville de Genève (soit, respectivement, son Conseil administratif et son Conseil municipal) a fait montre de son opposition à la démolition de la salle du "Plaza", et de son engagement pour son maintien comme salle de cinéma. D'abord, le Conseil administratif a délivré un préavis positif à la demande de classement de l'ensemble dans lequel la salle de cinéma est insérée, "Mont-Blanc Centre", puis un préavis défavorable à la demande d'annulation du classement de cet ensemble, et enfin un préavis négatif à la demande faite par le propriétaire du "Plaza" de l'autoriser à démolir la salle. Ensuite, le Conseil municipal, par son soutien à une pétition lancée en ce sens, a donné mandat au Conseil administratif d'"entreprendre toute démarche et de faire toute proposition, y compris de rachat, le cas échéant en partenariat, afin de maintenir l'affectation de la salle du Plaza en salle(s) de cinéma, dans le respect de son architecture". En acceptant la pétition, le Conseil Municipal saisit la Ville de Genève de l'enjeu, comme en faisant aboutir l'initiative, ses 11'000 signataires en saisissent le canton. La Commission des Arts & de la culture du Conseil Municipal a également préavisé en faveur de l'acceptation par le Conseil Municipal d'une motion ayant la même teneur que la pétition.

Le Comité d'initiative fera donc recours auprès de toutes instances utiles contre la décision du Conseil d'Etat sortant d'invalider une initiative signée par plus de 11'000 citoyennes et citoyens, et de priver l'ensemble des citoyennes et citoyens genevois du droit de se prononcer sur les propositions de l'initiative. Il appelle les Genevoises et les Genevois à tenir compte, lorsqu'ils choisiront, dans un mois, leur nouveau gouvernement, de l'une des dernières décisions de leur gouvernement sortant, de l'une de ses dernières erreurs politiques et de l'une de ses dernières manifestations de pusillanimité face aux propriétaires fonciers.

dimanche 28 janvier 2018

Musée d'Art et d'Histoire de Genève : ça se décante


Fin juin dernier, la commission externe chargée par le Conseil administratif de la Ville de Genève de dessiner les pistes à emprunter pour rénover non seulement le bâtiment du Musée d'Art et d'Histoire mais aussi son projet, avait présenté son premier rapport intermédiaire. Elle avait alors remis à l'heure une pendule qui s'obstinait à faire tourner ses aiguilles à l'envers, quand on s'interrogeait sur le bâtiment avant que de réfléchir sur ce qu'il devait abriter, et à quoi il devait servir. La défaite en votation populaire du projet de rénovation du MAH aura donc eu au moins cette utilité, de rappeler que le contenu importe plus que le contenant. Six mois après la commission d'experts, c'est Patrimoine Suisse qui rend son propre rapport, "Demain le Musée d'Art et d'Histoire de Genève", un rapport qui se veut -et est- une "contribution utile au travail des autorités", "Patrimoine Suisse expliquant qu'il lui est paru "opportun de quitter la posture d'opposition dans laquelle nous étions afin de lancer des propositions dans un mouvement optimiste". Après des années de polémique pas toujours bien inspirée, et ne portant pas toujours sur l'essentiel, le débat se décante. Il était temps.


"Etre là où on ne vous attend pas, c'est peut-être le sens des musées du futur"


Le directeur du Centre d'Art Contemporain de Genève, Andrea Bellini faisait (dans "Le Courrier" du 23 juin, le même constat que celui que nous distillions ad nauseam : , "le futur d'un musée est moins lié à des enjeux architecturaux qu'à la cohérence et à l'ambition du projet culturel qui définit le musée lui-même. Sans un projet culturel de qualité (...) le musée sculpture n'est qu'une coquille certes attirante, mais vide. Il est alors culturellement vain".

Il y a sans nul doute à Genève, depuis bientôt 500 ans (depuis l'ouverture en 1559, par Calvin, de l'Académie qui se dotera d'une "Chambre des curiosités"), une culture du patrimoine, mais une culture muséale ?  Le Musée d'ethnographie a certes reçu en mai dernier le Prix 2017 du Musée européen pour son offre culturelle, son engagement sociétal et sa scénographie, le Musée de la Réforme le Prix du Musée 2007 du Conseil de l'Europe, pour sa contribution à la connaissance du patrimoine culturel européen, et le Musée de la Croix-Rouge le Prix Kenneth Hudson en 2015 pour sa présentation de la mission humanitaire, mais si cela constate la qualité des musées genevois,  cela fait-il de Genève un "pôle muséal" ?

"Un musée est un point de vue avant d'être un lieu", considère le responsable du développement du Musée de l'Elysée, à Lausanne. Admettons. Mais un point de vue de qui, sur quoi ? sur le musée lui-même? A l'heure des réseaux sociaux, de la circulation quasi immédiate d'une information indistincte de la rumeur, de la confusion du vrai et du faux, de l'essentiel et de l'accessoire, du fondamental et de l'anecdotique, le musée devrait être un lieu producteur de repères, parce qu'il est "gardien de mémoire, rempart contre l'oubli, l'ignorance, l'infondé". Cette tension entre l'histoire (celle du bâtiment, celle de la muséologie) et le projet culturel donne d'ailleurs tout son intérêt au débat sur le contenu du musée : s'il ne s'agissait que de préserver le bâtiment, on pourrait se contenter de moderniser le projet muséologique "encyclopédique" du XIXe siècle, et s'il s'agissait de se doter d'un nouveau projet sans égard pour le bâtiment, on pourrait de celui-ci faire table rase. Or ni, évidemment, Patrimoine Suisse, ni le groupe d'experts commis par le Conseil administratif ne préconisent l'un de ces deux termes d'une alternative aussi simpliste.

"Etre là où on ne vous attend pas, c'est peut-être le sens des musées du futur", suggère Marie-Pierre Bathany, directrice du Fonds Leclerc pour la culture. Il reste à espérer qu'avec le nouveau MAH, Genève proposera précisément un musée "là où on ne l'attend pas".










mercredi 15 novembre 2017

Saison des intempéries sur le Grand Théâtre


Coitus interruptus

Comme on le sait, le Grand Théâtre prend l'eau. Le 13 octobre dernier, le département municipal de Constructions et de l'Aménagement avait annoncé d'importantes infiltrations d'eau en sous-sol, retardant de quatre mois le chantier de rénovation du bâtiment de la place Neuve, et d'autant le retour de l'Opéra sur son site -ce qui du même coup l'empêche d'ouvrir chez lui sa saison 2018-2019, avec tout ce que cela implique de perturbations de sa programmation (exit, la Tétralogie wagnérienne prévue), de pertes de ressources et de dépenses supplémentaires à sa charge. Le PLR a d'ailleurs sauté sur l'occasion pour exiger (par voie de motion qui ne peut rien exiger, le Conseil administratif en faisant à peu près ce qu'il veut) la nomination d'un expert "indépendant". Et presque en même temps (c'est la saison des intempéries), le Conseil d'Etat annonçait qu'il renonçait à proposer au Grand Conseil que le canton prenne sa part de la "gouvernance" de la principale institution culturelle (hors l'école) de la région.


Le champ culturel n'est pas un jeu de legos, qu'on assemble ou disjoint à sa guise

Au printemps, on semblait proche d'un accord entre les exécutifs du canton et de la Ville de Genève sur la "gouvernance" et le financement du Grand Théâtre. La majorité de la commission des finances du Grand Conseil avait certes préavisé négativement la subvention cantonale de trois millions de francs au Grand Théâtre, mais le Grand Conseil l'avait finalement votée : elle restait de toute façon quatre fois moins importante que celle accordée par la Ville, laquelle se charge en outre des salaires de la moitié du personnel de l'institution, de l'entretien et de la rénovation du bâtiment et de l'équipement technique (au total, la Ville paie chaque année autour de 45 millions de francs pour "son" opéra). Le budget du Grand Théâtre, de 64 millions pour la saison 2017-2018, ne pouvait être équilibré si la subvention cantonale ne lui était pas accordée (elle avait d'ailleurs été inscrite au budget cantonal), alors même que les dépenses artistiques de l'opéra sont couvertes par les recettes des spectacles. La subvention cantonale avait finalement été accordée, mais il y a quelques jours, le Conseil d'Etat annonçait qu'il suspendait la négociation avec la Ville sur la répartition de leurs tâches, charges et responsabilités respectives dans le Grand Théâtre et qu'il se retirait du Conseil de Fondation de l'institution (dont au passage le président du gouvernement cantonal disait toute l'absence d'importance qu'il lui accordait). "Nous renonçons à mettre le pied dans le Grand Théâtre", résumait François Longchamp - à vrai dire, ce n'était pas son pied que la Ville attendait que le canton il y mette, mais un peu de sa tête. Il n'y mettra donc qu'un peu d'argent, sans garantie de pérennité.

Que signifie le coitus interruptus du canton ? D'abord, sans doute, une pression sur la Ville : la participation pérenne du canton à la "gouvernance" et au financement du Grand Théâtre est une garantie de sécurité pour l'institution, dont le déficit structurel, depuis plus de dix ans, est de plusieurs millions, et qui n'est tant bien que mal comblé qu'en prélevant une partie des recettes des spectacles -ce qui réduit les ressources artistiques de l'opéra. Se retirer de la Fondation, et ne pas garantir d'apport durable à son fonctionnement, c'est évidemment la prendre en otage mais c'est aussi exercer sur la Ville, dont dépend l'existence même du Grand Théâtre, une forme de chantage : soit vous faites ce qu'on vous dit de faire, soit vous assumez seuls les conséquences de votre refus de le faire.
Mais c'est aussi prendre le personnel du Grand Théâtre en otage : la majorité de celles et ceux qui y travaillent sont des employés de la Ville, au bénéfice du statut du personnel municipal. Le projet plane depuis des années d'une unification du statut de tout le personnel, non pas en incluant les employés de la Fondation dans le personnel municipal, mais en faisant passer les employés municipaux sous statut de droit privé. Le canton en fait même, explicitement, une condition d'un accord avec la Ville, alors que les personnel et ses syndicats se mobilisent contre "toute forme d'externalisation" de l'emploi dans l'institution.
Enfin, c'est bien dans le cadre, contesté et contestable, de la "répartition des tâches" entre le canton et les communes -ici, la Ville- qu'il faut replacer l'épisode. Négociée, s'agissant du champ culturel, directement entre les exécutifs de la Ville et du canton, sans concertation avec les acteurs culturels, ni avec le personnel des institutions concernées, elle trouve dans le conflit sur le sort du Grand Théâtre ses évidentes limites politiques. Le champ culturel n'est pas un jeu de legos, qu'on assemble ou disjoint à sa guise, ni un terrain vague dont on peut faire ce qu'on veut. Et s'il n'est pas surprenant que ce soit sur le sort de la principale institution culturelle du canton que s'immobilise cette "nouvelle répartition des tâches", c'est sans grands regrets qu'on prendra acte de cet échec. Pour que le canton et la Ville puissent "faire ensemble" une politique culturelle, il faut bien qu'ils le veuillent ensemble, et veuillent à peu près la même chose.
Et qu'ils n'oublient ni l'un, ni l'autre, qu'ils ne sont ni l'un, ni l'autre, les acteurs réels de la culture vivante -et qu'ils n'ont donc pas à prendre en otage le Grand Théâtre et les 300 personnes qui y travaillent.

dimanche 17 septembre 2017

«Pour une politique culturelle cohérente à Genève»



Une évidence à imposer

Une initiative populaire cantonale «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» a été lancée par un groupe d'acteurs culturels, le 30 août dernier. Elle  propose d'inscrire dans la constitution genevoise les conditions d’une nouvelle politique culturelle, fondée sur une collaboration active entre les communes, les villes et le canton. Les initiants souhaitent que le canton coordonne, en concertation avec les communes, une politique culturelle dans les domaines de la création artistique (production et diffusion), du patrimoine, de l’accès à la culture et des appuis aux institutions et co-finance la création artistique et les institutions culturelles. Cette initiative s'inscrit, évidemment, dans le débat sur la "nouvelle répartition des tâches", après que le mouvement "Culture Lutte", pour qui les acteurs culturels se sont "fait avoir" par une négociation qui s'est faite"dans leur dos", ait diffusé une lettre ouverte, signée par 400 acteurs et actrices culturels genevois, alertant sur les conséquences du pseudo "désenchevêtrement" des tâches et actions culturelles entre les communes (à commencer par la Ville) et le canton.  Pour les initiants comme pour "Culture Lutte" et comme pour la gauche genevoise, il conviendrait à Genève que la politique culturelle se mène en assumant le  "faire ensemble" plutôt que le "chacun chez soi". Une évidence ? Sans doute. Mais on est à Genève, où les évidences ont parfois quelque peine à s'imposer. Alors si une initiative peut y concourir... Des listes de signatures peuvent être téléchargées sur
http://prenonslinitiative.ch/

Sous la répartition des tâches se niche, précautionneusement, l'épuration culturelle.


Dans une "déclaration conjointe" du 18 novembre 2015, la Ville et le canton annonçaient qu'un "désenchevêtrement" sera effectué dans le champ cuélturel pour les institutions "intermédiaires", l'aide à la création dans les arts de la scène, l'aide à la diffusion et au rayonnement, la politique du livre, les musées et diverses institutions jusque là financées à la fois par la Ville et le canton. Et cette "première phase" du "désenchevêtrement" dans le champ culturel interviendrait "dans le cadre du budget 2017"... Suivait, dans la déclaration, une liste dont on vous fait grâce, sauf à en relever l'incohérence, des bénéficiaires de subventions de la Ville qui seront reprises par le canton, de bénéficiaires de subventions du canton qui seront reprises par la Ville et de bénéficiaires de subventions croisées qui continueront à en être bénéficiaires, les "questions qui fâchent" (le Grand Théâtre, l'OSR, la Bibliothèque de Genève... mais surtout pas le Musée d'Art et d'Histoire...) étant remises à traitement ultérieur. Ces contradictions se retrouvent dans la loi : elle ne transfère pas les "grandes institutions" au canton, puisque la Nouvelle Comédie est remise intégralement à la Ville, que le MAH y reste, et que le sort du Grand Théâtre est pour le moins nébuleux. En ce qui concerne les domaines culturels, la cohérence de la répartition des tâches est tout aussi contestable : le théâtre va à la Ville, le cinéma au canton. La politique du livre passe au canton, les bibliothèques restent à la Ville. Et les conséquences de cette répartition sur la politique culturelle, son contenu, ses choix, pourraient bien se révéler perverses : ainsi, en faisant de la Ville le seul subventionneur du domaine théâtral, on contraint les deux théâtres publics (le Grütli et la Comédie) et les théâtres privés subventionnés, non seulement à ne plus dépendre désormais que d'une seule source de financement stable, mais aussi à devoir financer eux-mêmes les invitations à des compagnies extérieures (étrangères ou non).

Les initiants de "pour une politique culturelle cohérente à Genève" ne sont certes pas opposés à un désenchevêtrement, là où il y a quelque chose à "désenchevêtrer", ils sont opposés au "désenchevêtrement" dont a accouché la "nouvelle répartition des tâches" mise en oeuvre entre le canton et la Ville. L'enjeu, finalement, est assez clair : il s'agit d'éviter que la Ville et les autres communes menant réellement une politique culturelle se retrouvent seules ou presque à assumer le soutien à la création, pendant que l'effort du canton se concentre sur les grandes institutions (et encore, pas toutes : le fonctionnement de la Nouvelle Comédie sera entièrement à la charge de la Ville, et une majorité de droite de la commission du Grand Conseil refuse le projet du Conseil d'Etat d'accorder une modeste subvention cantonale au Grand Théâtre). Il s'agit aussi d'affirmer la nécessaire complémentarité entre les diverses sources de financement publiques, ce que d'ailleurs la loi cantonale sur la culture recommande. Certes, comme l'a relevé Sami Kanaan dans une réponse à la lettre ouverte de "Culture Lutte", la nouvelle répartition des tâches (LRT) en matière culturelle, si elle s'inscrit "dans un contexte politique particulièrement difficile pour la culture", avec des offensives constantes de la droite cantonale et de la droite municipale contre les budgets et contre les projets culturels (ainsi le PLR municipal a-t-il refusé d'entrer en matière sur l'installation d'un Pavillon de la Danse contemporaine...), mais, ajoute-t-il, "elle n'en est pas la source". Elle en est plutôt, en effet, le produit, et l'expression.

Dans ces conditions, et dans le rapport de force politique qui règne à Genève (surtout au niveau cantonal), c'est sans doute à tort que l'on prend les grandes institutions culturelles comme l'enjeu principal du débat. En réalité, le Grand Théâtre, la Nouvelle Comédie, l'OSR, le MAH, n'ont pas grand chose à craindre : nul ne se risquera à les mettre en réel danger -on se contentera de les mettre en difficultés, sans d'ailleurs que cela procède d'une stratégie délibérée : l'incompétence, l'inconsistance et l'inconstance y suffisent. Il en va tout autrement de la culture émergente, expérimentale : sur celle-là, ses lieux, ses acteurs, ses créateurs, et son public, pèse la menace d'une "rationalisation" administrative et technocratique sans projet culturel, mais avec, toujours, à droite, une sorte d'arrière-pensée : concentrons-nous sur les lieux de prestige (ou "d'excellence") et laissons tomber ses agitateurs et ces agitatrices dont le public n'a aucun intérêt électoral.

Sous la répartition des tâches se niche, précautionneusement, l'épuration culturelle.

samedi 8 juillet 2017

Appel : LE CINEMA "LE PLAZA" NE DOIT PAS ETRE DETRUIT





Vous trouverez ci-dessous (et sur https://www.fichier-pdf.fr/2017/07/06/appel-plaza/) le texte d'un appel à soutenir l'initiative populaire  pour sauver le cinéma "Le Plaza", menacé, pour de pures raisons de "rentabilité" financière, d'être détruit et remplacé par un centre commercial.

Nous vous invitons à signer cet appel en le renvoyant à son expéditeur (
pascal.holenweg@infomaniak.ch), et vous en remercions par avance.

Ensemble, nous pouvons faire reculer la loi du fric.

     

Appel : LE CINEMA "LE PLAZA" NE DOIT PAS ETRE DETRUIT
et nous soutenons donc l'initiative populaire législative
"Le Plaza ne doit pas mourir"


C'est, ou c'était (mais il peut-et doit-renaître) le plus beau cinéma genevois : "Le Plaza", à Chantepoulet. Aujourd'hui, le projet de ses propriétaire (qui n'ont jamais eu la moindre intention de reprendre son exploitation comme salle de cinéma, après que le groupe Metrociné l'ait abandonnée) est de le détruire pour y reconstruire à la place un centre commercial, et sous le centre commercial un parking (et sur le centre commercial, histoire de diluer un peu les objectifs purement financiers de l'exercice, des "logements pour étudiants" qu'on pourrait d'ailleurs parfaitement créer au-dessus du cinéma sans l'avoir détruit). Ce projet a obtenu l'autorisation de construire -et donc celle de détruire la salle- qui lui était nécessaire. Il l'a obtenue malgré toutes ses tares (à commencer par celle de nécessiter, pour pouvoir être autorisé, une dérogation générale à quasiment toutes les lois qu'un projet de ce genre est supposé respecter). Sous réserve du sort qui sera réservé à une opposition déposée contre cette autorisation de démolir et de construire, et compte tenu de la passivité, de la résignation et de l'inertie des autorités cantonales et municipales dans ce dossier*, il ne reste donc que la voix populaire qui puisse être assez forte pour sauver le Plaza et en faire le centre d'un véritable "quartier du cinéma". C'est cette voix que nous sollicitons, par une initiative proposant l'expropriation, pour cause d'utilité publique et au bénéfice de la Ville de Genève, de la société propriétaire de la salle.

Comme le rappelle le directeur de la Cinémathèque suisse, Frédéric Maire, "Se retirer du monde, dans le noir et en silence, avec des inconnus autour (de soi), (en se concentrant) pendant deux heures sur une seule activité, où le corps et la pensée ne sont pas divisés : seule la fascination du cinéma peut réaliser cela". C'est le "miracle du cinéma". Et il ne se produira jamais dans un centre commercial.
Et c'est ainsi qu'à Genève, se battre pour sauver une salle aussi emblématique (et aussi belle) que celle du Plaza, c'est se battre pour sauver le lieu d'un miracle.

Comme nous, soutenez et signez l'initiative populaire législative
"Le Plaza ne doit pas mourir"

Nom, prénom            ........................................................................................
Fonction, qualité       ........................................................................................

Des feuilles de signatures sont téléchargeables sur
https://www.facebook.com/PlazaCitta/

Pour plus d'informations et d'éléments de débat :
Groupe Facebook "Le Plaza ne doit pas être démoli"
http://fb.me/PlazaCitta
dialoguez sur http://m.me/PlazaCitta