mercredi 29 octobre 2008

L'opéra dans (et hors) la Cité


Que le Grand Théâtre soit un opéra régional se mesure de la manière la plus simple : en examinant la provenance de son public régulier (c'est-à-dire la domiciliation de ses abonnés), public auquel s'ajoute évidemment un public occasionnel, variable selon les spectacles. Sans que la répartition géographique des abonnés soit totalement représentative de celle de l'ensemble du public, elle en donne néanmoins quelque idée. La première donnée à retenir est celle ci : les résidents de la Ville sont depuis une trentaine d'années minoritaires, et de plus en plus minoritaires (sous réserve des chiffres les plus récents, dont nous ne disposons pas), parmi les abonnés du Grand Théâtre.
Lors de la saison 1991/1992, 45,42 % des abonnés du GT étaient résidents de la Ville ; sept ans plus tard, cette proportion était tombée à 40,6 %. A l'inverse, les abonnés résidant dans d'autres communes genevoises, qui formaient le 40,58 % du total des abonnés en 1991/1992, en formaient le 43,38 % en 1998/1999, la proportion des abonnés " vaudois " et " français " passant quant à elle de 13,97 % à 16 % dans le même temps. Le rapport entre abonnés résidents de la Ville et abonnés résidents dans d'autres communes s'est donc inversé. Inutile, sans doute, d'insister sur le fait que ce changement n'en a entraîné pratiquement aucun dans les sources de financement. On notera également que la majorité (50,68 %) des membres du club " Labo-M ", destiné aux jeunes, proviennent de l'extérieur de la Ville de Genève.

Une étude datant de 1989 (145) tentait de cerner à l'époque le rôle économique du Grand Théâtre. Elle estimait les retombées économiques du GT dans l'économie (cantonale) genevoise à 153 % de la subvention totale qui lui était accordée par la Ville, et à 215 % de son coût effectif. Certes, il s'agissait déjà de répondre à l'interrogation politique sur le volume des ressources affectées par la collectivité à l'institution, et le résultat de l'étude peut donc apparaître comme trop opportun pour être admis sans distance, mais il n'en reste pas moins que ces chiffres, si critiques que l'on puisse -et doive- être à leur égard, confirment que l'investissement dans " la culture " est aussi un investissement économique. Cela vaut d'ailleurs autant pour la culture " institutionnelle " que pour l' " autre culture ", et une démonstration comparable à celle faite pour le Grand Théâtre pourrait être faite pour l'Usine… ou aurait pu être faite pour la Cave12…
Ø A l'époque, la collectivité publique (la Ville, seule) assumait pour le GT une charge de 22,886 mios de FS (9,159 de subvention directe, 11,815 mios de dépenses directement prises en charge par le budget municipal, 1,912 d'autres dépenses de la Ville liées au GT). Les retombées économiques étant estimées à 35,838 mios FS, l'auteur de l'étude concluait que " pour chaque franc de subvention nette, c'est-à-dire la subvention au Grand Théâtre moins l'impact fiscal, environ 2 francs et 15 centimes de revenu cantonal est généré par l'activité du Grand Théâtre " (146)
Ø Bref, avec un budget de 31,8 millions de francs à l'époque, couvert à 28 % seulement par ses recettes propres, le Grand Théâtre avait généré dans la saison 85/86, selon l'étude, des dépenses de 35 mios FS dans le canton.

Les dépenses culturelles ont toujours, quels qu'en soient les bénéficiaires (le Grand Théâtre ou l'Usine...) un effet multiplicateur sur les rentrées fiscales directes (les intervenants culturels payent des impôts et créent des emplois dont les titulaires payent des impôts) et indirectes (les intervenants culturels consomment, passent des commandes, font travailler des entreprises et leurs salariés, amènent à Genève des spectateurs -et donc des consommateurs, et donc des contribuables- venant d'au-delà des " frontières " fiscales genevoises).
Cela étant, pour que les contribuables, les citoyens et les élus locaux aient pleinement conscience de l'importance de l'investissement culturel, il importe que celui-ci se fasse à comptes ouverts, c'est-à-dire que la logique et la structure des dépenses soient compréhensibles et que le fonctionnement des institutions qui bénéficient du mécénat public puisse être analysé et, le cas échéant, améliorés.
Socialement, cependant, la nature même d'institution culturelle " lourde " qui est celle du GT, comme de tout opéra, le distingue des autres institutions culturelles genevoises, par le nombre de ses emplois, le type de formations et de spécialisations des travailleuses et travailleurs qu'il emploie, le volume des salaires versés, le volume des commandes passées à des entreprises locales -mais aussi par l'importance attachée à son renom international, et à des opérations comme sa participation, avec deux opéras et deux ballets, au festival de Mexico en 2001 (147), ou la création mondiale d'ouvrages.. Près de 500 emplois dépendent directement du GT, qu'ils soient financés sur le budget de la Fondation (c'est-à-dire par la subvention municipale) ou sur la masse salariale du personnel municipal. Des dizaines d'autres emplois dépendent indirectement du GT, en dépendant des commandes passées par lui aux entreprises fournisseuses.
Pour autant, si important que soit le poids de l'opéra dans la cité, et si large que soit sa notoriété, (jusqu'à être internationale), il reste localement un lieu relativement élitaire et exclusif : Si le Grand Théâtre est l'institution culturelle " lourde " la plus connue des Genevois, elle est aussi l'une de celles qu'ils fréquentent le moins : selon une enquête réalisée en 1996 sur demande du Conseil administratif, 95 % des personnes interrogées connaissaient le Grand Théâtre, mais 53,6 % n'y avaient jamais mis les pieds. En 2004, une nouvelle enquête du même genre donnait des résultats de la même eau : 95 % des habitants de Genève fréquentent au moins une fois par année une manifestation ou un lieu culturels, mais seuls 19 % allaient au moins une fois par année au Grand Théâtre, même si 32 % reconnaissent (mais comment ?) la valeur de sa programmation. Le GT est ainsi l'un des rares lieux culturels pérennes de Genève que tous les Genevois connaissent mais que la majorit
é d'entre eux ne fréquentent jamais ; seules les discothèques municipales, les concerts de musique alternative, de rock et de jazz, ainsi que les musées de l'Ariana et de l'Horlogerie se retrouvaient dans cette même situation, d'un lieu culturel que tout le monde (ou presque) connaît mais dont la majorité de la population se détourne. Ceci contribuant à expliquer cela, 70,1% des personnes interrogées considéraient en 1996 que le prix des places au GT était trop élevé -alors que les places les moins chères y sont offertes à un prix à peine supérieur à celui d'une place de cinéma. Mais en 2004, le prétexte prend la place de l'explication lorsqu'on demande aux Genevois pourquoi ils ne se rendent pas à telle ou telle manifestation culturelle : ils invoquent alors (mais tous lieux confondus) à 56 % le manque de temps et à 25 % le prix du billet. On ajoutera à ces symptômes de la nature (encore) " de classe " de l'opéra (comme institution, non comme forme d'expression artistique) que le Cercle du Grand Théâtre ne comptait, pour la saison 2000/2001, que 264 membres (individus ou sociétés), contribuant certes pour 800'000 FS aux spectacles (ce qui correspondait à un peu plus de 3000 FS par membre en moyenne).

Les programmations de la direction sortante (celle de J.-M. Blanchard) contenaient plusieurs collaborations entre le GT et d'autres acteurs culturels genevois, pratique fort heureuse, qui insère effectivement le Grand Théâtre dans le " tissu culturel " régional au lieu que de l'en distinguer. Le GT a ainsi collaboré avec Contrechamps (concert Boulez) et la Comédie (spectacles Deschamps et Claudel, Coda aux Bastions), en accueillant sur sa scène un spectacle invité par la Comédie, pratique ancienne mais qui avait été abandonnée, et avec laquelle il est heureux que le GT renoue.

NOTES

(145) François Abbé-Décarroux, Le rôle économique du Grand Théâtre de Genève, octobre 1989

(146) Ibid., p. 13

(147) L'opération " mexicaine " a coûté 755'409 FS au GT, et lui en a rapporté (par le mécénat, le sponsoring et des subventions fédérales et municipales) 586'000, soit un déficit de 169'409,24, couvert (à 500 francs près) par " Pro Helvetia " et " Présence Suisse ", une partie (25'000 FS) des frais administratifs ayant été rétrocédés au Festival de Mexico, ainsi que les bénéfices opérés sur des opérations de change (14'000 FS).

dimanche 19 octobre 2008

GTG : Conclusions (récurrentes, voire obsessionnelles)

Conclusions (récurrentes, voire obsessionnelles)

Rapport (saison 2008-2009) du représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre
Le rapport complet (saison 2008-2009) du représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre :peut être téléchargé (au format PDF) à l'adresse suivante :
http://www.perso.ch/troubles/RapportGTG-PSvG.pdf

Le Grand Théâtre est à Genève le meilleur exemple de ces institutions culturelles d'importance pour le moins régionale, mais dont le financement reste essentiellement municipal (si l'on fait abstraction de sa capacité d'autofinancement partiel). Reconnu pour la qualité de ses productions, essentiel au " tissu " (ou plutôt au réseau) culturel genevois (154), seul théâtre lyrique de la région genevoise (155), c'est-à-dire seule institution pérenne (puisque publique) capable de représenter cette synthèse de la musique, du théâtre, de la littérature et de la création visuelle qu'est l'opéra, présent " internationalement " (en témoignent à la fois ses tournées et l'audience internationale de ses représentations à Genève même), désireux enfin de renforcer cette présence, le Grand Théâtre n'a plus rien de municipal, sinon son financement. Or il n'y a pas d'opéra " bon marché " : l'institution et le genre même qui y est représenté coûtent cher (156) (et coûteront de plus en plus cher), la première pour être maintenue, le second pour être représenté (157) ; comme on ne peut être à la fois un opéra de prestige et un théâtre municipal, il faudra donc bien que l'on fasse le pas menant du Grand Théâtre municipal à l'Opéra régional, sachant que l'on ne peut prétendre durablement assurer le second par le financement du premier, et qu'il y a quelque chose d'absurde à " asseoir " sur le seul financement (et le seul contrôle) municipal un opéra capable de se déplacer (matériel, décors et personnel compris) jusqu'à Mexico pour y représenter deux ouvrages lyriques et deux ouvrages chorégraphique. Le refus du Conseil d'Etat d'entrer en matière sur une demande de la Fondation du GT d'ouvrir un débat sur un financement partagé, Ville-canton, du GT, avant que la " Conférence culturelle " ait fait la preuve, par l'acte, de son utilité, ou, par l'inaction, de son inutilité (158), ce refus relève de l'aveuglement politique (volontaire, l'aveuglement) : dire (ou écrire) que " le contexte économique laisse peu de marge à l'Etat de Genève pour prendre de nouveaux engagements " et que " ni le moment, ni le lieu ne sont donc propices à un débat de fond " n'est qu'une forme polie du refus de discuter -ou du refus de prendre en compte le risque, pour l'institution elle-même, de voir perdurer la situation actuelle.

Par ailleurs, la réduction du débat de fond à une alternative simpliste du genre " Genève ne peut pas entretenir son Grand Théâtre sans y mettre les moyens. Mais elle pourrait par contre tout à fait se priver d'opéra " n'est pas, non plus acceptable politiquement, même (ou surtout) dans la bouche du Conseiller administratif en charge de la culture (159), même si ainsi exprimée, cette alternative a toutes les apparences d'une évidence. Le choix ne se fait pas entre " un opéra à n'importe quel prix " et " pas d'opéra du tout " : il se fait entre un grand opéra régional financé régionalement, et un petit opéra municipal financé municipalement. Certes, le " besoin " d'opéra n'est pas, au sens strict, un besoin social. Genève a " besoin " d'un service du feu, d'un service de voirie, d'un service des eaux, pas d'un Opéra. Genève a un Opéra parce qu'elle en a envie et qu'elle a fait le choix de satisfaire cette envie. L'existence de l'Opéra ne relève ni d'une obligation, ni d'une nécessité, ni de la moindre rationalité économique, mais d'un choix politique, parfaitement volontariste. Genève pourrait se passer du Grand Théâtre. Si elle n'a pas décidé de s'en passer, elle n'a jamais été contrainte à cette décision. Genève a un Opéra parce qu'elle a choisi d'en avoir un, et d'y mettre le prix. Cela posé, reste à assumer ce choix. Or il ne peut être réellement assumé tant qu'il reposera sur la seule volonté de la seule municipalité de la Ville.

Le Grand Théâtre est l'Opéra de la région, payé par la commune. Il n'est probablement plus personne, ni au sein du Conseil de Fondation de l'institution ni au sein du Conseil municipal (et du Conseil administratif) de la Ville qui n'ait conscience, plus ou moins confusément, et que cela soit exprimé ou non, que cette situation ne peut durer, et que la Ville ne peut (politiquement, plus encore que financièrement) continuer à supporter seule ou presque la charge financière de la plus " grosse " institution culturelle de la région -de même qu'à l'inverse, le Grand Théâtre ne peut continuer à dépendre si étroitement qu'actuellement de la seule source municipale de financement public. Si rien n'est changé à la structure du financement public du Grand Théâtre, l'alternative restera donc celle à laquelle depuis des années la GT et la Ville sont confrontés : ou bien la subvention municipale augmente année après année, (en plus de son indexation puisque l'opéra est un secteur économique sur-inflationniste), pour maintenir l'outil de production à un niveau quantitatif et qualitatif constant ; ou bien la municipalité maintient sa subvention à un niveau constant, en termes réels, ou la réduit, mais le GT manquera de moyens et, comme l'écrit le Conseil de fondation dans son " commentaire " au budget 2005-2006, il faudra " envisager des coupes structurelles " à son budget, coupes structurelles dont la victime (expiatoire) est d'ores et déjà désignée : le Ballet. Mais quelles qu'en soient les victimes, et même si plutôt que de supprimer le Ballet la Fondation décidait de réduire la programmation lyrique, ces coupes structurelles affaibliraient la capacité du GT à jouer le rôle central qui est le sien dans le tissu culturel genevois.
Une institution culturelle, si importante soit-elle, est toujours fragilisée par sa dépendance à l'égard d'une source de financement unique, ou hégémonique, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une source de financement publique soumise aux décisions d'organes politiques qui sont toujours le lieu de rapports de force, et souvent celui de marchandages, politiques. Si la puissance publique est pérenne, ses décisions sont changeantes. La multiplicité des sources de financement de la culture est donc une condition de la liberté culturelle, ce que d'excellents auteurs confirment : " La meilleure protection du statut des artistes et de leur rôle, ce sont les structures complémentaires de subventionnement. Je suis totalement contre le guichet unique, contre le désenchevêtrement, parce que, quand la femme ou l'homme politique passe, la liberté artistique doit demeurer. Et le fait d'être exposé à un seul prince me semble être le pire des dangers " (Charles Beer ). (160)

C'est en refusant d'admettre la nécessité de la recherche d'autres sources de financement public que l'on met le plus gravement en danger l'institution que l'on affirme par ailleurs vouloir préserver : cela vaut pour le Grand Théâtre comme pour le Théâtre de Carouge, cela vaut pour la culture comme pour les autres champs d'intervention publique (du moins si l'on parle d'institutions pérennes, et pas de sociétés anonymes ou de fondations privées faillibles : le Grand Théâtre n'est pas le Stade de Genève…) et cela vaut à Genève comme ailleurs (161). Le PS ne doit pas lâcher cet os là, quelle que soit la situation financière de la Ville ; ce n'est pas pour " faire des économies " qu'il faut se battre pour le partage des responsabilités publiques en matière d'institutions culturelles, mais pour accroître l'implication de toutes les collectivités publiques de la région dans la politique culturelle de la région, et pour ouvrir plus encore cette politique culturelle à de nouvelles formes d'expression, et à de nouveaux discours culturels.

" Il faut montrer qu'une politique culturelle ne produit pas une esthétique d'Etat. (…) L'institution doit être un lieu de liberté, de division, de confrontation politique "
(Olivier Py, " Le Monde " du 4 mai 2007)

La politique culturelle ne se réduit pas à la politique du patrimoine, c'est-à-dire à la représentation (et à l'entretien) de la création passée. Elle doit aussi porter sur la création présente, dite par pléonasme " contemporaine " ou " vivante ", et cela sans exclusive et en renonçant a priori à définir une culture officielle. La programmation des dernières saisons du Grand Théâtre, de ce point de vue, manifestait un souci d'ouverture à la création contemporaine qu'il convient de saluer encore une fois, même (ou à plus forte raison) si l'ensemble du public " habituel " (ou habitué) du GT ne s'y retrouve pas, et même (ou à plus forte raison) si la réussite de la politique artistique de la direction a été lourdement " plombée " par sa gestion et sa conception des relations avec le personnel et les syndicats.
Si nous nions au pouvoir politique (même municipal) tout droit à déterminer les formes de la culture (s'arrogerait-il ce droit, d'ailleurs, qu'il serait bien en peine d'en concrétiser l'ambition), nous entendons bien lui imposer l'obligation de concentrer ses efforts sur la part la plus novatrice de la création et de la représentation culturelles, c'est-à-dire la part qui nécessite un soutien public parce qu'elle ne représente pas (ou pas encore) un " marché " culturel, une source de profit possible pour le secteur privé.
C'est par leurs marges que tiennent ensemble les pages des livres ; c'est par leurs marges aussi que tiennent les réseaux culturels. Un soutien à la création culturelle implique donc un soutien à ce qui est, au départ, création dans les marges. La collectivité a à la fois le devoir de soutenir la création culturelle marginale et celui de réduire ce soutien lorsque cette création (ou sa représentation) devient institution, patrimoine ou marché, et conquiert un terrain (marchand ou social) où d'autres sources de financement se font jour.
Ainsi, la part actuellement affectée aux grandes institutions culturelles (dont le GTG) des ressources affectées par les collectivités publiques, et en premier lieu par la Ville, à la culture, doit-elle être réduite, pour que la part et le volume affectés à la création non-institutionnelle puissent être accrus -ce que 61,7 % des personnes interrogées à Genève en 1996 souhaitaient.
Le problème de la répartition de la charge financière des institutions culturelles entre les collectivités publiques se pose en termes explicitement politiques : il ne s'agit pas de " faire des économies " pour réduire déficit ou dette, mais de définir une politique culturelle

Pascal Holenweg
23 octobre 2009


NOTES

(154) Le Conseil de fondation, dans ses commentaires sur les comptes 2003-2004, estime -de manière quelque peu autoproclamatoire- que le GT joue un rôle de " modèle à suivre ", et souligne que les " retombées " de son activité " rejaillissent (…) sur l'ensemble des acteurs culturels du canton par un effet d'entraînement "… métaphore dont la lourdeur stylistique ne doit pas empêcher d'être approuvée, puisqu'elle constate ce qui, effectivement, qualifie le rôle d'une institution culturelle dans un " paysage culturel " régional.

(155) Et l'un des trois ou quatre opéras d'importance plus que locale en Suisse (à titre de comparaison, la France en compte une vingtaine)

(156) Si l'Opéra de Genève coûte cher à la Municipalité, son coût global n'atteint de loin pas celui des grands opéras européens, et sa situation financière n'est de loin pas aussi déséquilibrée que celle de ses homologues. A titre de comparaison, le budget de la Scala de Milan atteint les 115 millions d'euros, soit entre quatre fois plus que le coût total du GTG pour la Ville, et cinq fois plus que le budget du GTG (pour 2,5 fois plus de spectateurs et un personnel deux fois et demi plus important). En outre, les comptes de la Scala sont en déficit régulier de 500'000 à 1 million d'euros par année, et l'institution a dû prélever 7,5 millions d'euros sur son propre patrimoine pour équilibrer ses comptes 2004. En 2004, la Scala a reçu 44 millions d'euros de subventions publiques (en gros, cinq fois plus que le GTG) et l'Opéra de Paris 94 millions (mais pour deux scènes, et l'emploi de 1600 personnes). … En revanche, la charge du Grand Théâtre pour la collectivité publique re
ste, en comparaison européenne, assez considérable : les treize principaux opéras italiens ont reçu, ensemble en 2004, 104 millions d'euros des collectivités locales, soit, à treize, quatre fois plus que le seul opéra genevois (ou, en moyenne par opéra, trois fois moins…), 239 millions d'euros de l'Etat central et 95 millions des mécènes et sponsors privés. Le problème n'est donc pas un problème de coût global (l'opéra genevois est plutôt moins onéreux financièrement que ses homologues européens), mais un problème de répartition de ce coût (il repose à Genève de manière disproportionnée sur la seule collectivité locale). En Italie, l'Etat central donne deux fois plus, et les " privés " autant, que les collectivités locales pour les opéras (en 2004, pour treize institutions lyriques : 239 millions d'euros de l'Etat central, 104 millions des collectivités locales, 95 millions des " privés ")

(157) Le coût de l'opéra, comme mode d'expression culturelle, c'est-à-dire le coût de toute représentation lyrique, exclut d'ailleurs que l'on puisse raisonnablement attendre de mesures d'économies portant sur la programmation qu'elles soulagent réellement la Ville de la charge financière de l'opéra. A titre d'exemple, lorsqu'à l'examen du budget de la saison 2007-2008, et pour l'équilibrer, le Conseil de fondation a cherché où il pourrait faire des économies, il s'est penché sur l'hypothèse de la déprogrammation d'un opéra, ou de sa réduction en version de concert, en prenant comme " cibles " Lohengrin, d'une part, et Les Voyages de Monsieur Broucek d'autre part. Compte tenu des recettes escomptées pour chacune de ces deux œuvres, la déprogrammation du Wagner ferait perdre plus qu'elle ne ferait économiser, avec au bout du compte une perte sèche d'un demi-million, et celle du Janacek de près de 560'000 francs. Quant à leur réduction à une version de concert, elle aboutirai
t à une perte de près de 400'000 francs pour le Wagner et de près de 500'000 francs pour le Janacek. Des " économies " de programmation ne sont donc pas des économies budgétaires, au contraire -outre qu'elles remettent en cause la fonction même de l'institution…

(158) Ce qui a été le cas : aucune commune n'a proposé de mettre le moindre argent dans un " pot commun " et la Conférence culturelle ne réunissait, fin octobre 2006, que les seules communes de Lancy, Plan-Les-Ouates et Genève (outre les représentants de l'Association des communes genevoises, qui n'a pas le moindre fonds propre à disposition, autre que le fonds d'équipement). Quant à son premier projet, celui de la Maison de la Danse, il a sombré en vote populaire à Lancy.

(159) A qui Le Courrier attribue ces propos, tenu lors du débat au Conseil municipal, le 17 mai 2005 sur la demande de crédit (de 6,4 millions) pour la rénovation des ponts de scène du GT. Pour Patrice Mugny, réduire la charge financière du Grand Théâtre ne pourrait se faire qu'en supprimant le Baller, en exportant la réalisation des décors (ce qui priverait des artisans genevois de travail) ou en baissant la qualité ou le nombre de spectacles, au détriment des rentrées financières (Le Courrier du 8 juin). Autant dire -et nous sommes de cet avis- qu'on ne peut espérer " faire des économies " sur le budget du GTG, et que la question est bien celle d'un partage de son financement.

(160) in Journal de l'ADC, janvier-mars 2005

(161) Les opéras italiens sont souvent très endettés (ATS 20 juillet 2004 18:20)
ROME - Les finances des plus grands opéras d'Italie sont alarmantes. Seuls trois des treize fondations responsables de leur gestion présentent des chiffres noirs. Ce sont la Fenice à Venise, l'Opéra de Rome et l'Académie Sainte-Cécile, à Rome également. Les autres institutions plongent dans le rouge, indique une étude du journal économique milanais "Sole 24 Ore". La Scala de Milan par exemple a enregistré l'an passé une perte de 9,7 millions d'euros (15 millions de francs). La dette des Arènes de Vérone s'est élevée en 2003 à presque 3 millions d'euros (4,5 millions de francs). Les pertes globales des treize plus grandes institutions lyriques italiennes totalisent 28,2 millions d'euros (43 millions de francs), rapporte le journal dans son édition de lundi. Les bilans sont principalement lestés par les salaires du personnel.