lundi 22 décembre 2008

L'audience, le public

Rapport (saison 2008-2009) du représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre
Le rapport complet (saison 2008-2009) du représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre :peut être téléchargé (au format PDF) à l'adresse suivante : http://www.perso.ch/troubles/RapportGTG-PSvG.pdf

L'audience, le public

" J'ai appris qu'il ne faut jamais sous-estimer le public, mais le surestimer "
(Gérard Mortier)

Bon an, mal an, le GTG accueille, pour ses spectacles payants, une centaine de milliers de personnes (en chiffres cumulés), et certains spectacles drainent un public (de Genève, du reste de la Suisse et de l'étranger) équivalent à 5 % des habitants de tout le canton (tel a par exemple été le cas de La Flûte Enchantée en 2007, qui a attiré 23'000 spectateurs et spectatrices, en quatorze représentations). La saison 2007-2008 proposait huit ouvrages lyriques, quatre ballets (dont deux donnés par le Ballet du GTG, dont une création mondiale), quatre récitals et deux concerts. Le taux d'occupation moyen pour l'ensemble des spectacles lyriques a été de 84,92 % des places disponibles, et de 81,85 % des places payantes.
La saison 2008-2009, la dernière totalement maîtrisée par Jean-Marie Blanchard proposait 59 représentations lyriques (dont 9 au BFM), 14 représentations chorégraphiques (dont 8 au BFM) et 5 récitals : sept opéras, une œuvre de commande par le GTG de " théâtre musical " en collaboration avec la Comédie, trois ballets (en deux soirées), quatre récitals et un concert, ainsi que, dans le cadre d'un partenariat avec d'autres institutions et formations musicales, des " journées Webern " comportant cinq concerts et un récital. Pour la saison 2009/2010, la première programmation finalisée par le nouveau directeur général (mais largement conçue par son prédécesseur) semble manifester des choix plus prudents (voire plus conformistes) que les précédentes, et une volonté de caresser le " public des fidèles " dans le sens du répertoire, tout en promettant pour la suite " une programmation originale ", Pour les saisons ultérieure, Tobias Richter (141) annonce certes des " lignes directrices fortes et permanentes ", mais laissant une place plus restreinte (une création mondiale d'une œuvre de commande, ou une création suisse d'un ouvrage contemporain) que Jean-.Marie Blanchard à des œuvres nouvelles, en création ou en re-création. Tobias Richter assure que le GTG étant une " grande institution francophone ", le répertoire français " aura certainement une place " dans la programmation à venir (il en avait d'ailleurs déjà une dans la programmation passée), ce qui ne mange pas de pain, qu'en 2012 l'année sera consacrée à Jean-Jacques Rousseau et à son temps et que l'année 2013, bicentenaire de Verdi et de Wagner, sera marquée par les premières notes d'une Nième Tétralogie.
On relèvera la charge financière (c'est-à-dire le manque à gagner) représentée par les servitudes imposées au GTG sur l'attribution de ses places, soit les invitations et les places gratuites accordées à diverses autorités, subventionnantes ou non, ainsi (sans que cela soit une servitude, puisque c'est à " bien plaire ") qu'aux membres du Conseil de Fondation : ces " servitudes " (142) représentent entre 3 et 4 % du volume financier des places disponibles, ce pourcentage " grimpant " à 5 ou 6 % du volume financier des places disponibles pour la " première ".
Le " socle " du public de l'opéra est constitué par ses abonnés, qui forment à la fois la majorité du public, et, par définition le public le plus stable. Les abonnés constituent également le " public type " de l'opéra :le coût de l'abonnement " écrémant " socialement ce public, on peut donc légitimement supposer qu'il s'agit d'un public se situant dans les couches sociales " favorisées ", et relativement âgé : pour la saison 2005-6, l'âge moyen de l'abonné-e se situe à 57 ans et l'âge médian à 59 ans, plus de 45 % du total des abonnés étaient âgés de plus de 60 ans (et si l'on ne tient compte que des " grands abonnements ", les plus de 60 ans sont majoritaires au sein des abonnés). Lors de la saison 2007-8, 405 " abonnements jeunes " ont toutefois été délivrés (dont 65 " grands abonnements "), et l'âge moyen des abonnés a baissé pendant la période de la direction de Jean-Marie Blanchard (il était de 63 ans en 2001). En octobre 2008, le GTG a inauguré un " club jeune ", le "
Labo-M ", qui compte environ 200 membres de 18 à 30 ans, déjà spectateurs de l'opéra.
Comme beaucoup d'institutions culturelles (notamment des domaines lyrique, chorégraphique et dramatique) (143), le GTG perd régulièrement des abonnés (entre 1 et 3 % par saison), au profit des acheteurs de billets " au spectacle ". Les abonnements représentent cependant toujours la majorité des entrées, mais leur part régresse, et pour la maintenir, ou du moins en freiner le recul, le système des abonnements a changé, pour se présenter sous la forme de forfaits, et offrir la possibilité de changer de dates de spectacles. Dès la saison 2009-10, la taxe d'abonnement a été supprimée, un abonnement surtaxé (garantissant une place au premier balcon lors de chaque première) a été créé, et le prix de certains billets augmenté de trois francs. Le plan de salle sera un peu remanié.
Le taux d'occupation " physique " moyen des places, payantes ou non, lors de la saison 2008-2009 a été d'environ 85 %. Les taux d'occupation moyens des salles pour les spectacles du GT varient finalement assez peu selon les oeuvres ou les mises en scènes proposées pour autant qu'il s'agisse d'œuvres du répertoire (" Les Noces de Figaro " et " Don Carlos " dépassent les 100 % d'occupation physique, le premier ouvrage atteint 98 % de taux d'occupation financier); ils varient par contre sensiblement entre les œuvres " du répertoire " et les oeuvres " hors répertoire ", les œuvres baroques, les œuvres du XXème siècle (" Le Tour d'Ecrou ", ou " Le Nain - Une Tragédie florentine ", par exemple), lesquelles remplissent évidemment moins la salle, mais entraînent tout de même des taux d'occupation appréciables (autour de 80 %). On relèvera également le beau succès d'une œuvre contemporaine comme " Les Oiseaux ", avec des taux d'occupation physique et financier frôlant les 92 %. La même cause produisant des effets comparables, les ouvrages contemporains sont également souvent ceux qui coûtent le plus cher (financièrement parlant), dans la mesure où ce sont ceux qui rapportent le moins en billetterie, tout en étant de ceux qui constituent l'identité de l'opéra et de sa programmation -et le différencient d'une simple salle d'accueil de spectacles. Ainsi, le " Paysage avec parents éloignés " de Goebbels s'est-il soldé par un excédent de dépenses de 735'000 FS sur un coût total des frais directs de production de 1,467 mios), avec un taux d'occupation financier de 66 % (et physique de 74 %). En termes de rentabilité, si ce terme a un sens dans le domaine artistique, la programmation d'un tel ouvrage est un risque ; en termes de rôle culturel de l'opéra, elle est indispensable.

L'occupation de la salle varie en outre de manière importante selon qu'il s'agit de spectacles lyriques ou chorégraphiques, les premiers connaissant des taux d'occupation globalement plus élevés que les seconds et ceux-ci attirant, à l'instar des spectacles lyriques, d'autant plus de spectateurs qu'il s'agit d'une œuvre du répertoire (" Cendrillon ", par exemple, lors de la saison 2000/2001) ou d'un " événement " dû à la personnalité d'un artiste ou d'une troupe invités (Pina Bausch, par exemple lors de la saison 2002/2003). Les récitals de chant entraînent quant à eux des taux d'occupation moindres, mais que la direction du GT considère néanmoins comme satisfaisants (dépassant généralement les 50 %) pour ce genre de représentations.
Restait un problème récurrent : l'optimisme exagéré des prévisions budgétaires en ce qui concerne les taux d'occupation des salles où se jouent les œuvres programmées. Les budgets jusqu'à la saison 2006-7 prévoyaient un taux d'occupation financier moyen de 90 % pour les opéras et de 80 % pour les ballets. Ce taux irréaliste n'était pas atteint (144). De l'avis de l'auteur du présent rapport, avis exprimé à de réitérées reprises avant que d'être, au bout de sept ans, finalement pris en compte, ce taux d'occupation moyen devait être globalement revu de cinq points à la baisse afin d'éviter les " mauvaises surprises " (financières, mais pas artistiques) au terme de la représentation des œuvres les plus difficiles, ou les moins connues. Il s'agissait de rendre le budget plus crédible qu'il n'était quand il reposait sur des taux d'occupation exagérément optimistes. Ainsi, une " moyenne " de 85 % pour les opéras (et de 75 % pour les ballets) serait plus réaliste, et permettrait de
prévoir pour les opéras des taux d'occupation prudents de 75 % pour les œuvres les plus difficiles, compensés par des taux de 95 % pour les œuvres du répertoire. On notera qu'un taux de 60 % suffit à couvrir les frais variables d'une représentation lyrique " normale ", et qu'il est donc parfois financièrement avantageux, pour les ouvrages dont on peut présumer qu'ils dépasseront largement cette jauge, de programmer une représentation supplémentaire qui contribuera ainsi à couvrir les frais globaux de la programmation de l'ouvrage, et fera monter le taux d'occupation moyen pour cet ouvrage. Une telle représentation supplémentaire, pour un ouvrage dont on peut s'attendre à ce qu'il remplisse la salle, pourrait en outre être un moyen de contribuer au financement de travaux exceptionnels, ou de travaux d'entretien particulièrement coûteux (machinerie de scène, façade du bâtiment etc.). Après être intervenu année après année pendant sept ans pour proposer des taux prévisionnels d'occupation plus bas que ceux, exagérément et systématiquement optimistes proposés lors des discussion s budgétaires, le socialiste de service peut s'estimer satisfait : le premier pré-budget de la saison 2009-2010, la première sous la direction de Tobias Richter, prévoit un taux d'occupation financier moyen de moins de 80 %, spectacles lyriques et chorégraphiques ensemble.
Quelques exemples suivent -le premier chiffre est celui du taux d'occupation physique moyen (places occupées/places disponibles), tenant compte des places accordées gratuitement (servitudes et invitations), le second celui du taux d'occupation financier moyen (places vendues/places à vendre) :


Grand Théâtre : 1512 places (récitals : 977 places)
BFM : 985 places
Taux d'occupation
physique financier
Opéras
Don Carlos (GTG, juin 2008) 102,66 % 95,63 %
La Flûte Enchantée (GT, décembre 2007) 100,47 % 96,38 %
Le Trouvère (GTG, juin 2009) 92,02 "% 81,79 %
Les Contes d'Hoffmann (GT, octobre novembre 2008) 98,36 % 91,01 %
Freischutz (GTG, octobre-novembre 2008) 97,37 % 89,61 %
La Damnation de Faust (GT, octobre-novembre 2008) 96,63 % 89,61 %
Lohengrin (GTG, mai 2008) 94,94 % 87,40 %
Salomé (GTG, février 2009) 91,94 % 85,17 %
Ariodante (GTG, novembre 2007) 91,50 % 86,93 %
La Cenerentola (GT, février 2008) 91,39 % 84,77 %
Peter Grimes (GTG, mars-avril 2009) 88,01 % 76,02 %
La Chauve Souris (GTG décembre 2007) 81,25 % 73,56 %
Da gelo a gelo (BFM, janvier 2008) 74,96 % 68,97 %
Conversations à Rechlin (BFM, mai 2009) 71,04 % 65,02 %

Ballets
Roméo et Juliette (GTG, mai 2009) 101,68 % 86,49 %
Petrouchka / Le Sacre (GTG octobre 2007) 79,45 % 70,56 %
Kelemnis/Ossola/Cherkaoui (BFM novembre 2008) 66,76 % 58,70 %

Récitals, concerts
Michel Dalberto (GT novembre 2005) 27,62 % 18,02 %

Théâtre
Le Soulier de satin (GT, octobre 2003) 88,04 % 87,33 %

Plus de la moitié des places sont occupées par des abonnés. Le nombre des spectateurs à l'abonnement est cependant, sur une période longue, tendanciellement en baisse, cette baisse étant compensée par l'augmentation des billets en vente libre, les servitudes " pesant " en gros 3 % des places.

Le prix des places et des abonnements
La Saison 2001/2002, la première saison de Jean-Marie Blanchard, s'était ouverte sur une augmentation du prix des abonnements et des billets, augmentation acceptée par le Conseil de Fondation au motif d' " assurer l'équilibre budgétaire de la saison ". Cette première augmentation avait été acceptée contre les oppositions (divergentes quant à leurs motifs) des représentants du Parti radical (qui s'y opposait par crainte de voir une partie du public habituel du GT s'en détourner) et du Parti socialiste (qui s'y est opposé parce que cette augmentation lui semblait de nature à éloigner du GT un public qui n'y est pas accoutumé, et dont les disponibilités financières sont moindres). Cette première augmentation était trois fois plus forte que ce que nécessitait le " rattrapage de l'inflation " évoqué pour la justifier. Pour la saison 2002/2003, une nouvelle augmentation des tarifs a été décidée, correspondant en moyenne à 3 %, soit un effort excédant l'inflation, demandé au public. Cette nouvelle augmentation reposait sur la classe tarifaire la plus élevée. Cette révision des tarifs était accompagnée d'une révision des plans de salle augmentant le nombre de places vendues à moins de 100 FS, et d'entre elles le nombre des places à moins de 30 FS (qui passaient de 165 à 198 places).
Pour le budget 2003/2004, la direction et le Conseil de fondation décidaient d'une nouvelle augmentation du prix des billets de 5 % en moyenne par rapport à 2002/2003), augmentation excédant l'inflation, mais progressive en fonction du coup du billet (à quelques paliers près), c'est-à-dire, empiriquement, par rapport au revenu du spectateur : Cette seconde augmentation a également été acceptée par le Conseil de fondation. Les craintes exprimées par le socialiste de service quant aux effets de la première augmentation s'étant révélées infondées, le susdit socialiste de service a pu se rallier aux augmentations suivantes. Le budget 2004-2005 intégrait en effet une nouvelle hausse tarifaire de 5 %, mais en même temps un redécoupage de la salle en six catégories de prix (au lieu des huit précédentes). Le prix des places les moins chères est passé à 29 francs, au début de la saison 2005. Par ailleurs le GT s'est associé à l'opération de la " carte jeune " (" 20 ans, 20 francs ") lancée par la Ville, et offrant des billets d'entrée à 20 francs pour les jeunes de 13 à 20 ans.
Le budget 2006-2007 a intégré une nouvelle hausse du prix des billets, de 6 %, et le premier pré-budget de la saison 2009-2010 suggérait une augmentation du prix des places de 5 %, en échange de la suppression de la taxe d'inscription perçue auprès des abonnés(mais une taxe de réservation serait introduite pour les abonnés qui désirent conserver les mêmes places pendant toute la saison -c'est-à-dire pour celles et ceux qui attachent plus d'importance à leur voisinage qu'à l'œuvre représentée).

Lors de la saison 2006-7), les tarifs abonnements étaient les suivants :
- Grand abonnement (10 spectacles, dont 2 danse) : de 313 à 1880 FS (jeunes : de 129 à 441 FS)
- Abonnement lyrique (8 spectacles) : de 276 à 1743 FS (jeunes : de 113 à 398 FS)
- Demi-abonnements (5 spectacles, dont 1 danse) : 162 à 985 FS (jeunes : 66 à 229 FS)
- Abonnements découvertes (3 spectacles, dont 1 danse) : 88 à 417 FS (jeunes : 48 à 121 FS)
- Abonnements danse (4 spectacles) : 90 à 377 FS (jeunes : 42 à 115 FS)
- Abonnements récital (4 récitals) : 86 à 166 FS (jeunes : 44 à 124 FS)
411 abonnements " jeunes " ont été délivrés, et 4016 places " jeunes " vendues.

Un nouveau système d'abonnement avait été introduit à l'ouverture de la saison 2003, au prix de quelques grincements de dentiers de quelques très fidèles abonnés, attachés à la possibilité de retrouver la même place (et les mêmes voisins) pour chaque spectacle. Le nouveau système permettait aux abonnés de choisir leurs dates pour chaque spectacle, mais en contrepartie ne leur donne plus la garantie de retrouver la même place (et les mêmes voisins) dans la salle. Dans un premier temps, 18 % des abonnés ont résilié leur abonnement (contre 5 % en moyenne lors des saisons précédentes), mais ces " anciens abonnés " ont été remplacés par de " nouveaux abonnés ". Pour autant, année après année, le nombre d'abonnés (c'est-à-dire le " socle " du public du GT) s'effrite, et par conséquent la proportion de spectateurs " captifs " sur l'ensemble du public du théâtre. A contrario, et fort logiquement, les spectateurs " par choix ", prenant (ou non) leurs billets en fonction de leur désir (ou de son absence) d'assister à un spectacle, augmente. Or ce public est plus difficile à fidéliser, et doit être attiré spectacle après spectacle, d'où un rôle toujours plus grand de la programmation, et un besoin pour le GT de " créer des événements " afin de s'attirer un public.
Enfin, on relèvera que le budget de communication (publicité générale et publicité des spectacles) du Grand Théâtre reste relativement restreint, et représente en 2006-7, avec un million de FS moins de 3 % de son budget global, et une dépense " par siège " moindre que pour l'OSR ou la Comédie.

NOTES

(141) Qui, lors de sa candidature, expliquait qu'il lui semblait " indispensable que la mise en place d'un nouveau projet artistique soit précédé par le rétablissement d'un climat de travail positif et de confiance (…) (et) essayer à tout prix de retrouver cet esprit de collégialité et de partenariat avec tous ceux qui sont impliqués dans le processus de création d'un spectacle "…

(142) servitudes dont le soussigné avoue humblement avoir d'ailleurs profité et fait profiter…

(143) Il semble que l'OSR fasse exception : les abonnements y sont en hausse

(144) Lors de la saison 2006-7, cette surévaluation du taux de remplissage s'est traduit par des recettes inférieure de près de 450'000 francs aux prévisions budgétaires.