dimanche 26 mai 2019

"Pour une politique culturelle cohérente à Genève" : Faire ensemble, enfin...


Avec 83,18 % des suffrages, c'est un véritable triomphe qu'à obtenu l'initiative "pour une politique culturelle cohérente à Genève". Il est vrai qu'elle n'était combattue que par la droite de la droite (l'UDC, le MCG), mais même une partie de son électorat l'a soutenue. Le canton est donc proclamé par la constitution grand coordinateur de la politique culturelle genevoise, en concertation permanente avec les communes.Ce qui va forcément impliquer, sauf à vider la nouvelle disposition constitutionnelle de toute substance, sa représentation dans les instances dirigeantes des grandes institutions actuellement en mains de la Ville et des communes (le Grand Théâtre, la Nouvelle Comédie, le Théâtre de Carouge... et pourquoi pas les grands musées municipaux ?), mais aussi sa participation financière au fonctionnement de ces institutions. Le débat politique va maintenant se déplacer au niveau de la mise en oeuvre de la disposition votée par le peuple. Et il va être serré, ce débat -les premières déclarations de la droite, en tout cas, le laissent présager. Il n'empêche : ce que le vote populaire a adoubé, c'est un principe qui nous est cher : "faire ensemble", entre le canton, la Ville et les 44 autres communes, une politique culturelle digne de Genève.

Dimanche, les milieux culturels se sont affirmés comme une force politique. Et c'est une excellents nouvelle...


Dans le journal de l'ADC (Association pour la danse contemporaine), en décembre 2017, Fabienne Abramovitch posait la question du "contre-pouvoir" que pourraient, et devraient, exercer les acteurs culturels et sociaux : "les budgets de la culture et du social sont systématiquement menacés : comment éviter cela ? il faut nous penser et nous organiser différemment, instiller un véritable contre-pouvoir". Le triomphe dimanche dernier de l'initiative "pour une politique culturelle cohérente à Genève" peut être pris comme un succès de ce contre-pouvoir, et les initiants ont raison d'y voir "une grande et belle victoire" : l'initiative a été conçue et lancée par les milieux culturels, seuls. Et son acceptation massive donne un mandat clair au Conseil d'Etat et au Grand Conseil -mais aussi aux communes, et donc au Conseil administratif et au Conseil municipal de la Ville de Genève. Le Conseiller d'Etat Thierry Apothéloz avait d'ailleurs pris les devant : en juin de l'année dernière déjà, il plaidait :"La confiance entre le Canton, les communes et les milieux culturels doit être renforcée", un " bilan de la loi sur le répartition des tâches sous l'angle de la culture" doit être établi, en admettant "que des changements sont possibles", notamment en revenant sur "la séparation abrupte entre la création et la diffusion". Et il organise cet automne un "dialogue culturel cantonal" avec les communes et adressera à la fin du mois un "message culturel" qui sera mis en consultation pendant deux mois, puis soumis au Conseil d'Etat à la rentrée.

Le mandat constitutionnel adopté dimanche doit en effet être traduit en actes. Et cette traduction va inévitablement entrer en contradiction avec la loi sur la répartition des tâches en matière de culture (LRT-2), qui se livrait à un découpage assez absurde des tâches en fonction de critères relevant plus de la nomenclature à la Linné que d'une véritable réflexion sur la nature et les enjeux de la politique culturelle. Le PLR Murat Alder ne veut pas que la LRT-2 soit "démantelée". Démantelée, elle ne le sera peut-être pas. Mais détricotée, il faudra bien qu'elle le soit. Et les exécutifs et les parlements cantonaux et communaux ne sont plus seuls à pouvoir le faire :  Dimanche, les milieux culturels se sont affirmés comme une force politique. Et c'est une excellents nouvelle...

dimanche 7 avril 2019

Un Grand Théâtre de Genève tout nouveau, tout beau : Qu'en faire ?



L'Opéra genevois nouveau est arrivé. Le Grand Théâtre rénové à ouvert ses portes, l'Opéra des Nations qui le remplaçait a fermé les siennes (et a migré en Chine). La renaissance du "vaisseau amiral de la culture genevoise" (qui ne va pas tarder à être escorté par la Nouvelle Comédie et la Cité de la Musique) n'a pas été saluée par un excès de flonflons et de discours officiels (d'aucuns et d'aucune, comme Sylvie Bonier dans "Le Temps", s'en sont émus : "le public s'est installé à sa place comme si la dernière représentation datait d'hier"), mais les media en ont plus que largement rendu compte et les visiteurs de la journée "portes ouvertes" ont été "éblouis" par un opéra rajeuni aux décors lumineux : c'était, nous dit-on, le "chantier du siècle" (enfoncés, le CEVA et le "Léman Express" ?) -un chantier de 65 millions de francs (suppléments et incidents non compris). Et puis, le Grand Théâtre n'a pas seulement changé de parure : il a aussi changé de directeur : Tobias Richter, à la tête de l'opéra genevois depuis dix ans, laissera son poste à Aviel Kahn, qui présentera sa première saison en mai. Il est tout nouveau, tout beau, l'Opéra de Genève. Ne lui reste plus qu'à mériter cette parure par sa ramure.

"Immerger" le Grand Théâtre dans "le tissu social qui l'environne"

Le Grand Théâtre de Genève, c'est la plus grosse institution culturelle de Suisse romande (hors l'école), avec un budget de 60 millions de francs par année (à plus des deux tiers couvert par la seule Ville de Genève, qui y consacre près du quart de ses dépenses culturelles), plus de 300 employés (dont la moitié sont en fait employés par la Ville), un chœur et un corps de ballet... mais un public (une centaine de milliers de spectateurs par année) dont le renouvellement, acquis grâce au déménagement provisoire à la place des Nations, doit être garanti par un renouvellement de la programmation. La Tetralogie wagnérienne, ça vous pose sans doute un opéra, mais ça n'y amène pas celles et ceux qui n'y ont jamais mis ni les pieds, ni le coeur. Et puis, il faut bien qu'on vous l'avoue : Wagner nous emmerde...

Dès la saison 2019-2020, Aviel Kahn, directeur depuis 2008 de l'Opéra des Flandres (qui chapeaute ceux d'Anvers et de Gand) succèdera à Tobias Richter à la tête du Grand Théâtre, qui assure quitter "une institution en très bon état". Aviel Kahn déclarait dans la "Tribune de Genève" du 26 mai dernier imaginer "un théâtre actif, immergé dans le tissu social qui l'environne", et vouloir "multiplier les liens avec les acteurs culturels présents pour faire en sorte que l'opéra ne se replie pas sur lui-même". Fortes résolutions, pour "replacer Genève à la première place parmi les scènes lyriques en Suisse", ce qui n'est guère aimable pour son prédécesseur. Le nouveau directeur est convaincu de pouvoir compter sur "une des plus grandes salles du pays" et sur "un orchestre de qualité", dirigé par un chef qu'il "apprécie beaucoup". Que demander de plus ?

L'Opéra genevois a les moyens d'une ambition culturelle plus grande que sa présence actuelle : les dimensions de sa scène, le volume de son budget, la qualité de son orchestre attitré (l'OSR) et, souvent, de sa programmation, pourraient faire de lui l'une des meilleures scènes d'Europe -or il n'est, selon les analystes des scène lyriques, que dans une bonne moyenne. Le critique de la NZZ, Peter Hagmann, l'explique par le conservatisme du public genevois -mais la programmation de Jean-Marie Blanchard avaient su le bousculer, alors que celle de Tobias Richter est plutôt de nature à le conforter. Une scène à peu près équivalente de la genevoise, celle de Lyon, fait mieux -et sa fréquentation s'en est trouvée améliorée, et son public rajeuni. C'est cet enjeu que le GTG doit remporter, à la faveur de sa rénovation.