jeudi 24 juin 2010

La Fondation du Grand Théâtre a besoin de sous.

La Fondation du Grand Théâtre a besoin de sous. Elle a d'ailleurs constamment besoin de sous, puisqu'elle souffre d'un manque structurel de financement : il lui manque chaque année autour de deux millions de francs pour être sûre de pouvoir équilibrer son budget, même sans faire des conneries dans ses prévisions. Comme pour la saison en cours, elle en a fait, des conneries dans ses prévisions budgétaires, c'est de deux millions et demi dont elle a besoin, la Fondation du Grand Théâtre. Elle pensait pouvoir bénéficier de 870'000 francs que la Ville de Genève avait inscrits sur son budget pour les lui attribuer mais qu'elle n'avait pas dépensés (il s'agissait du coût salarial de postes fixes, restés finalement vacants). Le Conseil administratif (sauf Sandrine Salerno) était d'accord, et a donc demandé au bailli cantonal l'autorisation d'utiliser ce « non-dépensé » pour boucher une partie du trou budgétaire de l'Opéra. Las ! Le Conseil d'Etat a refusé. Motif : ça va à l'encontre des règles comptables. Et donc, le Grand Théâtre va devoir, ou bien se passer de ces 870'000 francs, ou bien puiser dans son fonds de réserve après avoir bouclé la saison sur un déficit, ou bien reporter ce déficit sur la saison suivante (et la plomber), ou bien, enfin, demander au Conseil administratif de proposer au Conseil municipal un crédit extraordinaire pour accorder une rallonge à l'institution. Le problème, c'est que le Conseil administratif, pas sûr du tout de disposer d'une majorité au Conseil municipal pour faire passer cette rallonge (c'est d'ailleurs une nouveauté, puisqu'habituellement, quand le Grand Théâtre demande, la majorité du Conseil raque, tout en promettant que « c'est la dernière fois »...), voulait précisément éviter d'en passer par son parlement. Damned ! c'est raté ! Quoique... la majorité qui se dessinait pour refuser d'accorder une fois de plus au Grand Théâtre une subvention extraordinaire (ou une garantie de déficit, ce qui revient au même quand le déficit est certain), ne se dessinait que dans les déclarations des uns et des autres. Au pied du mur de l'opéra, c'est marrant, les héroïques résistances politiques ont jusqu'à présent eu une curieuse tendance à l'effritement. Surtout à droite, mais pas seulement.

mardi 1 juin 2010

Drôle de comédie à la Comédie : « Main basse sur la culture », le remake...

« Nous n’avons cédé ni au copinage ni à l’arbitraire », a déclaré Bernard Paillard, président de la Fondation d’art dramatique (FAD) lors d’une conférence de presse visant à répondre aux critiques dont elle est l’objet dans le processus de nomination du nouveau directeur de la Comédie de Genève. Critiques provenant du canton, par la voix du Conseiller d'Etat Charles Beer, qui s’est désolidarisé du processus en retirant sa représentante de la commission de sélection des candidats. Bouderie après laquelle chacun est monté sur son grand cheval, comme si la nomination du successeur d'Anne Bisang était l'enjeu réel de l'épisode, quand il devrait être évident qu'on est toujours, ou une fois de plus, dans un débat biaisé sur la répartition des charges, des compétences et des pouvoirs dans la politique culturelle des collectivités genevoises. La Comédie n'est qu'un prétexte et la nomination de son futur directeur qu'une opportunité pour les deux grands partenaires publics de la culture genevoise, la Ville et le canton (par ordre d'importance réelle sur le terrain) de montrer leurs muscles. Piètre spectacle, dans lequel la couleur (politique) du maillot des deux culturistes cultureux n'a que l'importance d'une anecdote.

Mauvaise pièce

« Lorsqu'un Conseiller d'Etat confond le fonctionnement démocratique d'une fondation avec un service de l'Etat à ses ordres » : ainsi était titré le dossier de presse diffusé par la Fondation d'Art Dramatique (FAD), répliquant à Charles Beer accusant la Fondation de dysfonctionnements divers et variés. Admettons donc que le fonctionnement d'une fondation puisse être démocratique, ce qui n'est pas toujours d'une évidence lumineuse. Admettons aussi, avec Patrice Mugny, le « bon fonctionnement de la FAD », en se disant qu'après tout, il n'est au moins pas plus mauvais que celui d'autres fondations culturelles de droit public... Admettons... mais surtout, essayons de démêler l'écheveau d'accusations, de procès d'intentions et de dénonciations publiques qui masque l'enjeu de ce qui se passe à la Comédie. Le Président de la FAD, Bernard Paillard, se demande si « le Conseiller d'Etat ne cherche pas à paraître comme le seul arbitre légitime de la politique culturelle »... drôle d'arbitre, alors, qui sortirait du terrain au moment du match... On se retrouve ainsi dans un remake, mais à fronts inversés, de la pièce jouée il y a quelques années lors de la tentative de transférer la responsabilité de la politique culturelle genevoise à la presque seule Ville de Genève. La pièce, « Main basse sur la culture », avait eu un beau succès public et politique : On y avait applaudi Patrice Mugny dans le rôle du méchant, Charles Beer dans le rôle du Chevalier blanc, et le RAAC en choeur antique. Ils étaient d'ailleurs très bons tous les deux, Patrice et Charles, chacun dans son rôle. Et les voilà, les deux même, échangeant leurs rmasques pour nous rejouer la pièce à rôles inversés. Mais la pièce commence à lasser. Et quelques unes des scènes de sa dernière version sentent le bâclage : si le fonctionnement de la Fondation d'Art Dramatique est si chaotique que le Conseiller d'Etat le dit, pourquoi ne pas avoir proposé de le réformer, puisqu'il s'agit d'une fondation de droit public dont les statuts sont votés par le Grand Conseil, à qui le Conseil d'Etat peut faire toutes les propositions qu'il veut ? La question ne se pose d'ailleurs pas pour la seule FAD, elle se pose aussi pour le Grand Théâtre, dont les statuts vont fêter bientôt leur demi-siècle... Le canton arbitre de la culture ? Mais qui se veut arbitre ne peut pas en même temps être joueur... La République n'a pas a priori dans le champ culturel (ni dans aucun autre) une légitimité plus forte que la Commune. Elle a la légitimité d'une partenaire de la Ville. Ni d'une cheffe, ni d'une subordonnée : d'une égale en charges, et en responsabilités. Nous avons assez déploré l'absence de la République, ou la modestie de sa présence, dans le champ culturel, et salué une volonté nouvelle d'y être présente avec des moyens accrus pour pouvoir en attendre des projets lisibles dont on puisse débattre, plutôt qu'une bouderie à la Comédie ou une absence au Grand Théâtre.