dimanche 7 février 2010

Politique culturelle genevoise : Ote-toi de là que je m'y mette ?

Depuis le début de l'année, les cantons voisins de Zurich contribuent au financement de la politique culturelle zurichoise, dont ils profitent sans, jusque-là, en assumer le coût : Schwytz, Zoug, Uri, Lucerne et Argovie ont signé avec Zurich une convention portant notamment sur les grandes institutions culturelles d'importance régionale (le Grand Théâtre, l'Opéra, le KKL de Lucerne), auxquelles Zurich consacrait 100 millions de francs par année sans qu'il y ait de raison pour que seuls les contribuables zurichois financent une offre culturelle dont les habitants des cantons voisins profitent aussi -et dont ces cantons faisaient d'ailleurs, et font toujours, un argument de campagne promotionnelle pour attirer de riches contribuables et de juteuses entreprises. Et à Genève, où la situation est grosso modo la même, à ceci près que ce n'est pas le canton qui casque pour les autres, mais la Ville ? Ben, à Genève, on réfléchit...

Tais-toi et RAAC...
A Genève, donc, on réfléchit à la politique culturelle : la Constituante y réfléchit et une commission d'experts créée en mai de l'année dernière par le canton prépare pour fin avril ou début mai prochain un avant-projet de loi avec l'objectif fort louable de « doter Genève d'une vision cantonale et régionale des arts et de la culture » en « repensant les conditions cadre de la culture dans le canton »... Tout cela serait fort bien s'il ne se sussurrait dans quelques arrière-salles que cette « repensée des conditions cadre » aurait une fâcheuse tendance à ne fonctionner que dans un sens, que cette « vision cantonale et régionale » aurait quelque difficulté à regarder ailleurs que vers la concentration des compétences sans partage des charges, et qu'on pourrait bien nous proposer une sorte de gouvernance culturelle par le haut, sans frais pour qui décide et sans pouvoir pour qui paie. Bref : un exercice du même genre, mais en sens inverse, que celui qui avait été tenté il y a quelques années (refiler la politique culturelle à la Ville) et qui avait suscité une levée de boucliers. Autrement dit : que le canton prenne tous les pouvoirs de décision et laisse les communes en général et la Ville en particulier exécuter... et surtout payer. Là où il devrait s'agir de renforcer l'action culturelle de toutes les collectivités publiques, la concertation entre elles et le partage entre elles des charges financières de la politique culturelle, on se retrouverait dans un cadre où une collectivité (cantonale) décide pour toutes les autres. Le Grand Théâtre, par exemple, serait peut-être cantonalisé... mais pas son financement, la Ville continuant d'y consacrer chaque année des dizaines de millions de francs. Passer du principe « qui paie commande » au principe « tais-toi et paie », c'est passer d'une ânerie à une autre, sur un terrain, la culture, où rien n'est plus absurde et stérile que la concentration du pouvoir de décision. Quelque chose nous dit que nous pourrions être à nouveau amenés à tenter d'expliquer aux « politiques », y compris aux nôtres, que « politique culturelle » et « main basse sur la culture » ne sont pas synonymes.