lundi 31 octobre 2011

Budget culturel de la Ville de Genève : C'est pas le moment de mollir...

Vendredi 18 et samedi 19 novembre prochains, le Rassemblement des artistes et acteurs culturels genevois (le RAAC) tiendra son 4ème Forum public sur un thème que l'actualité politique locale a, à grands pas, rattrapé : « culture et politique » . Et précisément, demain mardi, à 16 heures 30, devant l'Hôtel de Ville, un rassemblement est organisé pour protester contre les intentions de la droitunie municipale, du PDC au MCG en passant par le PLR et l'UDC, de ratiboiser de 10 millions le budget culturel de la Ville. Les élagueurs culturels de droite font mine de faire marche arrière ? Peut-être. Mais seulement parce qu'ils n'ont pu perpétrer leur mauvais coup en douce (une pétition lancée contre leur tentative a déjà recueilli plus de 4000 signatures : www.petitions24.net/signatures/pas_de_coupe_dans_le_budget_de_la_culture_a_geneve/). La mobilisation s'impose donc toujours. Le budget de la Ville de Genève, et donc son budget culturel, sera soumis au vote du Conseil Municipal le 11 décembre. D'ici là, il s'agit bien, pour la gauche et pour les milieux culturels, de ne pas baisser la garde. Parce que la droite ne renoncera que si elle y est contrainte, par notre mobilisation, dans et hors du parlement.

A demain, 16 heures 30, devant l'Hôtel-de-Ville...


Rappelons les faits (ou plutôt les hypothèses, restons couverts, secret de fonction oblige -on ne ricane pas, au fond, à gauche) : la droitunie (du PDC au MCG) proclame que le budget culturel, dans son ensemble, est par définition trop lourd (forcément, puisque ce n'est pas elle qui le propose), alors que cela fait cinquante ans que la culture pèse en gros le quart du budget global de la Ville, quelque soit la couleur politique du magistrat ou de la magistrate chargé-e de la culture : libéral (Pierre Bouffard), radicale (Lise Girardin), PDC ( René Emmenegger), Verts Alain Vaissade, Patrice Mugny), socialiste (Sami Kanaan). Cette droitunie proposerait donc, d'abord, une réduction linéaire, à la hache, de 3,4 % de tout le budget de la culture (et des sports ?) de la Ville -laquelle assume la plus grande part de la politique culturelle régionale, avec un budget municipal affectant à cette politique le triple de ce que lui affecte le canton... Ensuite de quoi, et faute d'avoir pu opérer cette première coupe, elle taillerait, cette droitunie, au hasard ou à la tête du client dans les subventions (et les postes). Sans aucun argument (on couperait ainsi, pour le plaisir ou la pulsion, un million dans le fonds général pour le théâtre, que l'on réduirait de plus de la moitié), ou avec des arguments du genre : le Festival international du film sur les droits humains a une «idéologie qui nous déplaît» ? on lui sucre donc 100'000 balles, na ! Il serait inutile (ils ne sont pas en état de le comprendre) de rappeler aux brillants auteurs de ces brillantes propositions qu'une subvention à un théâtre, un cinéma, un orchestre, ce n'est pas seulement une ligne dans un budget, dont on peut faire ce que l'on veut au gré de ses humeurs, de ses calculs politiciens, de ses envies de revanche personnelle ou de son ignorance : une subvention, c'est des moyens de créer, de représenter, de travailler. Ce que l'on coupe quand on coupe une subvention, ce sont des postes de travail et des places de spectacles; ceux que l'on punit, ce ne sont pas les politiciens d'en face, ce sont des actrices et des acteurs, des musiciennes et des musiciens, des cinéastes, des spectatrices et des spectateurs, toutes et tous pris en otages d'un infantile réglement de comptes. Au fond, de quelle conception de la culture témoigne la tentative de la droite genevoise d'en ratiboiser le budget ? Nous en aurions donc fini avec la grande ambition culturelle des Lumières, celle d'une culture émancipatrice, de l'égalité des droits acquise par la diffusion des savoirs, de la citoyenneté acquise par leur compréhension, de la liberté conquise par leur usage critique, contre les Ténèbres religieuses, morales, politiques ? Nous n'en serions plus à Post Tenebras Lux, et serions entrés dans Post lucem nebulae, dans le monde du « tout culturel », le monde de la marchandise, d'où la politique est effacée et la culture mise au service des marchands ? Si l'art est le geste, le mot, l'acte par lequel un individu souverain se met en danger face au monde social qui l'entoure, la culture à laquelle la politique culturelle telle que semble la concevoir la droite genevoise ne serait plus que patrimoine et spectacle -une culture sans art, paradoxalement dépolitisée par des politiciens..

A demain, 16 heures 30, devant l'Hôtel-de-Ville...

vendredi 14 octobre 2011

Budget culturel de la Ville de Genève : En quel état la droite se meuh...

Les commissions spécialisées du Conseil municipal de la Ville de Genève examinent en ce moment les projets de budgets qui les concernent. La Commission municipale des arts et de la culture (Carts) examine donc le budget culturel de la Ville de Genève. Compte tenu de l'importance de ce budget, due à l'importance de la Ville de Genève dans la politique culturelle de toute la région (la Ville en est depuis un siècle et demi le premier acteur public, le premier contributeur et le premier soutien), on est en droit d'attendre des élues et élus municipaux siégeant au sein de la Carts qu'ils fassent leur boulot avec tout le sérieux qui s'impose, et avec le souci de défendre à la fois l'engagement culturel de la Ville auprès des artistes et les prestations que les différents lieux culturels genevois offrent à la population. Mais l'attendre de toutes et tous, c'est méconnaître l'état en lequel se meut (ou se meuh...) désormais la droite municipale genevoise...

Petit exercice budgétaire d'obscurantisme culturel


Or donc, comme il se sait désormais (ou commence à se savoir), les représentant-e-s de la droite municipale, tous partis confondus du PDC au MCG, se sont attaqués, à la hache, au budget culturel de la Ville de Genève. Ils et elles ont d'abord proposé une réduction linéaire, arbitraire et aveugle de l'ensemble du budget 2012, pour le ramener mécaniquement au niveau de celui de 2011. Cette proposition ayant été refusée en raison de son imbécilité, la droite s'est mise à tailler au hasard dans les propositions du Conseil administratif, en ne donnant généralement aucun argument pour justifier ces coupes (ainsi de celle d'un million de francs dans le fonds général pour le théâtre, ramenant ses disponibilités à moins de la moitié de celles de 2011), ou ne donnant que des arguments où la sottise le dispute au sectarisme : ainsi de la suppression de 100'000 francs au Festival international des droits humains, « dont l'idéologie nous déplaît ». Dans cet exercice d'obscurantisme culturel, les représentant-e-s du PDC et du PLR se sont servilement alignés sur ceux de l'UDC et du MCG, dont on n'attendait d'ailleurs rien de plus, si on attendait encore, sans doute naïvement, de la part de la droite démocratique autre chose que cette nouvelle manifestation de déliquescence intellectuelle et de décadence politique. Il convient évidemment de dénoncer, comme le PS vient de le faire dans un communiqué, la participation du PDC et du PLR à ce qui apparaît comme une entreprise de sabordage de la politique culturelle de la Ville de Genève. Et même si l'on peut encore se trouver disposé à témoigner aux radelibes et aux démo-chrétiens un peu de la compassion que doit susciter l'état dans lequel leurs deux partis se trouvent, il convient aussi d’appeler les milieux culturels, les artistes, les créateurs genevois, à faire preuve de la plus grande vigilance dans les deux mois à venir, afin de vouer à l'échec les tentatives de la droite et de l'extrême-droite genevoise de réduire l'engagement culturel de la Ville de Genève à quelques opérations touristiques. Et dans l'immédiat, on peut (ça mange pas de pain, et ça peut aider à la mobilisation) signer la pétition lancée par le Syndicat Suisse Romand du Spectacle pour « permettre à « Genève ville de culture » de rester une réalité et pas un slogan du passé ! » :


www.petitions24.net/pas_de_coupe_dans_le_budget_de_la_culture_a_geneve

mardi 11 octobre 2011

Rénovation du Musée d'Art et d'Histoire (suite, et pas fin) : Etudier TOUS les projets...

Le Conseil administratif de la Ville de Genève propose au Conseil Municipal un nouveau crédit d'étude de 2 millions et demi de francs, s'ajoutant aux trois millions et demi déjà accordés, pour terminer l'examen du projet « Nouvel » d'extension du Bâtiment principal du Musée d'Art et d'Histoire. L'objectif affiché du Conseil administratif est de « disposer d'un projet concret et complet avant de décider du dépôt d'un crédit de construction ». Objectif louable, nul n'ignorant que le Musée a besoin d'être rénové et agrandi. Mais la décision de déposer un crédit de construction pour un ouvrage qui coûtera au minimum 60 millions à la Ville ne devrait pas se prendre sans que les alternatives au seul projet étudié jusqu'à présent soient aussi examinées, sérieusement et sans a-priori...

La crainte du vote populaire comme début de la sagesse politique ?


La demande par la Municipalité d'un crédit d'étude supplémentaire pour le projet Nouvel signale bien que ce projet, le seul étudié jusqu'ici, et dont il s'agit de prolonger l'étude, n'est pas un projet abouti. Dans ces conditions, l'étude d'un autre projet, sans abandonner celle du projet Nouvel, relève de l'évidence méthodologique. Un amendement à la proposition du Conseil administratif sera donc soumis au Conseil Municipal. Ce que cet amendement propose, c'est simplement de tenir compte du fait que l'opposition au projet Nouvel lui propose désormais une alternative -le projet présenté par la section genevoise de Patrimoine Suisse. Ce projet alternatif doit être lui aussi étudié, et avec le même sérieux que le projet Nouvel. On pourra, après l'avoir étudié, considérer le projet de Patrimoine Suisse comme insuffisant, ou irrecevable. Mais on ne peut ni refuser, ni accepter valablement un projet qu'on n'a pas étudié. Et cela vaut pour le projet Nouvel comme pour le projet de Patrimoine Suisse. La poursuite de l'étude du projet Nouvel se justifie, l'étude du projet de Patrimoine Suisse aussi, et pour les mêmes raisons. Nous ne partons pas du principe que le projet Nouvel soit intrinsèquement mauvais, ni ne le considérons forcément comme inacceptable. Mais nous partons du principe qu'on ne peut se prononcer sur un projet de cet ampleur que si on en a aussi étudié et débattu les alternatives comme le projet lui-même. Surtout quand celui-ci a déjà été modifié entre le moment où il a été accepté et le moment où l'on demande un crédit d'étude supplémentaire pour en étudier les modifications, ce qui confirme que le projet initial ne tient plus la route, et que si on devait le soumettre au peuple dans son état et son contenu actuels, il serait balayé. Ce projet, établi en 2001, sans réelle mise au concours mais au terme d'un appel d'offre calibré par les services de la Ville pour que l'atelier Nouvel, qui n'avait aucun autre projet à Genève, puisse l'emporter avec ses associés genevois, a été modifié parce qu'il avait besoin de l'être. Et nul, aujourd'hui, ne peut garantir qu'il n'aura pas encore besoin de l'être, ni que les modifications qui pourront encore lui être apportées ne sont pas contenues dans le projet de Patrimoine Suisse, ni que ce projet ne contienne quelques idées qui mériteraient d'être retenues, par exemple celle de l'utilisation de la butte de l'Observatoire, en deuil désormais de son hêtre pourpre, et en vacance d'utilisation. Que le projet Nouvel ait été adopté sans qu'il y ait réellement eu concours fut déjà une erreur. Vouloir aujourd'hui l'imposer sans confrontation avec un autre projet serait une faute : ce serait le plus sûr chemin vers un refus du projet en votation populaire, puisqu'alors, à toutes les oppositions déjà certaines, financière, patrimoniale, architecturale, politique, s'ajouterait l'accusation d'avoir voulu faire passer un projet en force. Partir en votation populaire après avoir refusé d'étudier les alternatives au projet officiel, c'est se garantir d'avoir à passer toute la campagne référendaire à se défendre de l'accusation d'avoir tronqué le débat, d'avoir fermé le jeu, d'avoir voulu imposer un seul projet, en n'étudiant que ce seul projet. Il s'agit donc bien de ne pas porter, sur la rénovation et l'agrandissement du MAH, un regard borgne pour une étude hémiplégique, aboutissant à un refus populaire.

lundi 3 octobre 2011

Projet d'agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire :Echec et MAH ?

Le Conseil administratif de la Ville de Genève présente au Conseil municipal, la semaine prochaine (et aujourd'hui aux media, lors d'une conférence de presse) une demande de crédit d'étude complémentaire de deux millions et demi (après celui de 3 millions et demi voté en 2007) pour le projet « Nouvel » d'agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire -mais seulement pour ce projet, modifié (deuxième entrée publique, plate-forme élévatrice, deux niveaux supplémentaires nouveaux espaces pour les collections d'horlogerie, émaillerie, bijouterie, miniatures, instruments anciens de musique, jardin des sculptures sur le promenade de l'Observatoire) et dont le coût estimé à été revu à la hausse de plus de 50 % (il passe de 80 à 127 millions). Or ce projet a désormais une alternative... dont on ne saura ce qu'elle vaut que si on consent à l'étudier aussi...

denak ala inor ez, dena ala ezer ez ?*


S'agissant du Musée d'Art et d'Histoire de Genève, le seul point qui fasse consensus est la nécessité de la rénovation et de l'agrandissement de son bâtiment principal. De sa rénovation, parce qu'après tout, le but d'un musée n'est pas de se transformer lui-même en objet de musée après s'être en partie effondré sur la tête de ses visiteurs. De son agrandissement, parce qu'une partie considérable de ses collections ne peut être exposée faute de place, et qu'un Musée est autre chose qu'un garde-meuble artistique. Mais au-delà de cette unanimité sur la rénovation et l'agrandissement du MAH pointent les doutes, les divergences, les oppositions. Jusqu'à il y a quelques mois, le seul projet en lice pour un nouveau musée était celui de Jean Nouvel (ou plutôt de son atelier), choisi par la Ville au terme d'une procédure dont on dire par euphémisme qu'elle n'a pas laissé grande place au pluralisme des projets. Et puis les choses ont changé : Un autre projet est aujourd'hui présenté par Patrimoine Suisse-Genève, qui envisage de creuser sous la butte de l'Observatoire pour y installer une extension du musée -extension à laquelle Patrimoine Suisse, qui combat le projet Nouvel, n'est donc pas opposée, si elle l'est à un projet à qui elle reproche de « bourrer » la cour intérieure du bâtiment de 1910, d'attenter à sa valeur patrimoniale et à l'esthétique du quartier, de faire disparaître l'apport de lumière naturelle dans les salles d'exposition et de hausser, du fait de l'implantation d'un restaurant panoramique en surélévation, le bâtiment au-dessus des toitures voisines (ce qui semble d'ailleurs illégal). Patrimoine Suisse-Genève considère que son projet, au contraire du projet Nouvel, préserve la cohérence du bâtiment actuel (inspiré du Petit Palais parisien), non sans en augmenter les surfaces plus encore que le projet Nouvel, qui prévoit certes la construire cinq niveaux supplémentaires dans la cour du musée, maisen consomme pour le musée privé que la fondation Gandur veut (ou voudrait, ou voulait, puisque la contestable convention qu'elle avait signée avec la Ville, c'est-à-dire Patrice Mugny, a été modifiée pour s'appliquer quelle que soit le projet finalement retenu) installer dans le musée public en échange de sa participation au financement du projet Nouvel. Patrimoine Suisse-Genève annonce qu'elle lancera un référendum contre le projet Nouvel si celui-ci était adopté par le Conseil Municipal. Si elle veut éviter de partir perdante dans un vote référendaire, la Ville devrait au moins, comme la demande lui en sera faite au Conseil Municipal, d'accepter d'étudier aussi le projet de Patrimoine Suisse. Car on le sait : tout projet culturel d'envergure (et le projet d'agrandissement du MAH en est un) est combattu (et le projet Nouvel le sera) pour une foultitude de raisons possibles et cumulables : pour des arbres que l'on couperait, pour un coût jugé excessif, pour un impact jugé négatif sur l'environnement, ou pour des raisons esthétiques, ou encore pour des raisons politiques : la Maison de la Danse à Lancy, le projet d'implantation du Musée d'ethnographie sur la place Sturm ont succombé à de telles oppositions -et si le Conseil Municipal de la Ville, ou le Conseil administratif, refusaient a priori d'étudier un projet alternatif au projet Nouvel, à toutes ces oppositions possibles s'ajouterait une accusation : celle d'avoir délibérément fermé le débat et de tenter de forcer la main de la Municipalité, voire des citoyens, en n'ayant étudié qu'un seul et unique projet quand au moins un autre a déjà été présenté. Le plus sûr moyen de couler un projet culturel est sans doute de le présenter comme le seul possible, le seul acceptable, le seul concevable, le pékin de base ne détestant rien tant que le fait accompli. Le « tout ou rien » auquel l'auteur de ces lignes est pourtant attaché dans bien des domaines, ou des postures, est la pire des stratégies concevables pour faire admettre à un Souverain populaire la nécessité d'un investissement de plusieurs dizaines de millions pour un musée qui en a besoin, mais qui pourrait bien en être privé par maladresse, ou par arrogance. Il serait bon que le Conseil Municipal et le Conseil administratif de la Ville de Genève s'en rendent compte, et que les mécènes privés qui se sont engagés à participer au financement du projet Nouvel, l'admettent.


* En basque : « Tout ou rien, tous ou personne »