mardi 17 novembre 2009

La Nouvelle Comédie sur les rails du CEVA

Un nouveau théâtre dans un nouveau quartier, si le 29 novembre...

Le 2 novembre, Rémy Pagani et Patrice Mugny ont présenté le projet retenu, au terme d'un concours lancé en janvier, pour la Nouvelle Comédie : sur le site de la gare des Eaux-Vives, quatre modules vitrés accueillant ateliers, restaurant, librairie, salles de spectacle... un projet devisé à 70 millions de francs -un peu moins que les extensions des musées d'Ethnographie et d'Art et d'Histoire, beaucoup moins moins que deux ans de fonctionnement du Grand Théâtre, mais une dépense que la Ville sera pratiquement seule à assumer, alors que tout le monde politique, ou presque, s'accorde, au moins rhétoriquement, à admettre que les grands projets culturels d'importance régionale doivent être cantonalisés, sinon régionalisés. On ne s'en étonnera qu'à moitié. Et on n'aura garde d'oublier que ce projet n'a pratiquement aucune chance de devenir réalité si le 29 novembre le crédit complémentaire pour le CEVA n'était pas accepté…

Le sens du mot "urbanisme"
Le projet de Nouvelle Comédie s'inscrit dans le cadre, bien plus vaste, dessiné par le CEVA: l'actuel quartier de la Gare des Eaux-Vives devrait en affet accueillir le " nœud " central (l'EV de l'acronyme CEVA) de la liaison ferroviaire Cornavin-Annemasse. Autant dire qu'un refus le 29 novembre du crédit complémentaire indispensable à la réalisation du CEVA) entraînerait l'abandon, ou en tout cas la réduction à pas grand chose, ou à presque rien, du projet de redéfinition du site de la vieille gare mélancolique. Le sort de la Nouvelle Comédie se joue donc, comme celui du CEVA, dans les urnes, fin novembre. Matériellement, ce lien est évident; mais son impact sur le résultat du vote est douteux : sans doute les partisans de la Nouvelle Comédie et de son implantation aux Eaux-Vives, qu'ils soient ou non acquis au projet retenu, vont-ils soutenir le crédit CEVA -mais que pèsent-ils dans les urnes, quand on sait qu'aucun grand projet culturel soumis à Genève au vote populaire, du Musée d'Ethno à la Maison de la Danse, n'a obtenu depuis des années le soutien d'une majorité de votants ? " Si le CEVA est refusé, il faudra tout jeter à la poubelle, la Nouvelle Comédie comprise ", a, franchement, déclaré Rémy Pagani; l'évidence est bien celle-ci : le projet de Nouvelle Comédie est lié à la redéfinition du quartier dans lequel il serait implanté, et cette redéfinition est, aujourd'hui, liée au CEVA puisqu'elle s'articule autour de la nouvelle gare. Cette cohérence entre un projet urbanistique, un projet de transports publics et un projet culturel inscrit dans un espace réel, celui des Eaux-Vives, répond à deux nécessités que nous n'avons jusqu'à présent pu qu'exprimer théoriquement : celle de faire sortir les grandes institutions culturelles régionales de l' " hypercentre " urbain où elles sont actuellement concentrées, et celle de concevoir les " nouveaux quartiers " autour d'équipements publics (ici, une gare) et d'institutions culturelles (ici, un théâtre) qui leur donnent une vie, un sens et une structure. Ce qui est proposé pour les Eaux-Vives, c'est ce qui manque au projet PAV : un sens qui aille au-delà d'une accumulation de logements, de routes et de parkings. Un sens qui est celui du mot " urbanisme "…

lundi 9 novembre 2009

Politique culturelle genevoise : Un grand consensus flou

Les huit candidates et candidats présentés par les partis gouvernementaux au Conseil d'Etat débattaient lundi soir à la Comédie de la politique culturelle genevoise. L'UDC et le MCG, invités, ne sont pas venus, les Communistes, le Bouffon et le Prophète n'étaient pas invités. Un grand consensus flou semble s’être établi entre gens de bonne compagnie, sur le thème « il faut une véritable politique culturelle cantonale, au moins pour les grands projets ». A se demander pourquoi les partis gouvernementaux (à l'exception du PS, qui défend cette idée depuis des années) ont attendu cette élection pour recevoir cette double révélation : une République fondée sur la culture ne peut pas ne pas avoir de politique culturelle, la politique culturelle d'une région ne peut pas être déterminée par une seule commune. C'est sans doute un effet positif des campagnes électorales : la découverte d'évidences, et leur sonore proclamation.

Donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas
Aucun des huits candidats et candidates réunis à la Comédie ne semble s’être opposé à l'idée, défendue par les socialistes (et une partie de la gauche de la gauche) depuis des années, d'un transfert de la charge et de la responsabilité des grandes institutions culturelles de la Ville vers le canton. Mais ce beau consensus n'en cache pas moins, même si elles ne font pas encore véritablement débat (ça viendra) d'assez sérieuses divergences. Ainsi, par exemple, de la nature de ce transfert de charge : un jeu à somme nulle (on réduit le budget culturel de la Ville dans le même temps où l'on renforce celui du canton) ou un renforcement de l'engagement des collectivités publiques dans la culture, le budget culturel de la Ville restant alors au moins ce qu'il est, celui des autres communes étant accru, et celui de la République atteignant au moins celui de la Ville ? Et puis cette interrogation : quelle place et quelle participation aux décisions (et au financement) de la politique culturelle régionale pour les communes françaises et vaudoises de la région ? Quelle participation des créateurs aux décisions ? Quel espace pour la culture émergente, la culture d'expérimentation, la culture alternative ? Enfin, et surtout : qu'attend-on de la politique culturelle ? Qu'elle soit un instrument de cohésion sociale ? Mais la création culturelle n'est pas un instrument, et surtout pas un instrument de cohésion sociale... Après tout, les sociétés d'Ancien Régime étaient socialement cohérentes, et une société bien carcérale l'est aussi : la « cohésion sociale » n'est pas une valeur en soi ; Quand chacun est dans son petit monde, que ces mondes sont séparés, socialement mais aussi géographiquement, que toutes les institutions culturelles sont concentrées dans un carré de deux kilomètres de côté au centre des villes, que les abonnés du Grand Théâtre ne mettent pas les pieds à l'Usine ni les habitués de l'Usine le bout de leur nez à la Comédie, on n'a plus affaire qu’à un agrégat de cohortes aussi conservatrices et rétives au changement les unes que les autres, Comme si de la politique culturelle on donnait la définition que donnait de l'amour Jacques Lacan : « donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas »…

mercredi 4 novembre 2009

Rapport (saison 2008-2009) du représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre

Rapport (saison 2008-2009) du représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre


" J'ai fait voir qu'il est absolument impossible qu'un théâtre de comédie se soutienne à Genève par le seul concours des spectateurs. Il faudra donc de deux choses l'une : ou que les riches se cotisent pour le soutenir, charge onéreuse qu'assurément ils ne seront pas d'humeur à supporter longtemps ; ou que l'Etat s'en mêle et le soutienne à ses propres frais "
(Jean-Jacques Rousseau, Lettre à M. d'Alembert sur les spectacles, 1758)

Avertissement préliminaire (et précautionneux) :
Il n'est pas totalement exclu que dans ce texte (1) puissent se trouver quelques informations ayant échappé, évidemment par inadvertance, au strict et fétichiste respect du secret de fonction requis par le défunt Bureau d'un précédent Conseil de fondation du Grand Théâtre, qui enjoignait aux représentants des partis politiques de n'" en aucun cas rapporter les prises de positions " d'autres membres dudit Conseil, ce qui aurait dû, si l'auteur du présent rapport s'y était soumis, lui interdire de noter, par exemple, qu'il avait été le seul représentant de partis de l' Alternative à s'opposer à la proposition de supprimer le Ballet, ou que seuls les représentants socialistes et de l'AdG-solidaritéS s'étaient opposés au refus réitéré du même Conseil de fondation de recevoir les syndicats -qui demandaient à l'être.
Au cas, donc, où quelque passage du présent rapport suscitaient quelque interrogation du lecteur sur sa conformité au respect du secret de fonction, l'auteur prie ledit lecteur de bien vouloir :
- se référer à la Loi sur l'information du public et l'accès aux documents (LIPAD) du 5 octobre 2001 (notamment à ses articles 4.2, 16.1 23 et 24) ;
- de considérer, conformément à la LIPAD, la différence qu'il y a, s'agissant d'une commission ou d'un organe d'une instance ou d'une institution publique, entre une séance " non publique " et une séance à huis-clos, seules les délibérations de la seconde devant être tenues secrètes. Si " le public " ne peut se prévaloir d'un droit d'accès aux compte-rendus et procès-verbaux des séances " non publiques ", et si les membres individuels de telles instances ne peuvent en distribuer les procès-verbaux, ils restent totalement libres de rendre compte à l'extérieur des débats tenus lors des séances auxquels ils ont participé (sauf décision de huis-clos).
- de prendre note qu'en conséquence de ce qui précède, l'auteur du présent rapport s'était, comme il est évident, engagé auprès du précédent président du Conseil de fondation (qui lui en demandait bien plus -et bien trop) à respecter la confidentialité des délibérations du Conseil de fondation, dans la mesure où ces délibérations ont fait l'objet d'une décision préalable de huis-clos, tout en précisant que " prendre tout engagement excédant ce qui précède serait de ma part hypocrite, que j'aurais donc tort de le prendre et que si je le prenais, vous auriez tort d'y accorder foi. ". On notera également que le bureau du Conseil de fondation du GTG a tenté de faire pression sur le PS (2) pour que celui-ci musèle son représentant au Conseil de fondation, voire le remplace, et a menacé à la fois de porter plainte contre l'auteur du présent rapport pour " violation du secret de fonction ", et de demander à " l'autorité de tutelle " (le Conseil administratif) de l'exclure du Conseil de fondation s'il persistait (malignement) à transmettre à son parti (pour le moins) des informations qu'il juge utiles, mais que le bureau du Conseil de fondation souhaitait ne transmettre qu'à qui lui convient.
- de consulter par ailleurs le Mémorial des séances du Conseil municipal, lequel rend parfois compte publiquement de débats publics (3) suscités par les débats, non publics, au sein du Conseil de Fondation du Grand Théâtre ;
- de se souvenir de l'appel lancé par le Conseiller administratif Patrice Mugny aux " représentants politiques ", lors du Conseil de fondation du 21 novembre 2005, d' " informer leurs partis " ;
- de se demander à quoi pourraient bien servir des représentants du Conseil municipal ne pouvant rendre compte de leur travail à leurs partis et donc, au moins indirectement, au Conseil municipal dont ils sont supposés être les représentants.
Par ailleurs, des erreurs factuelles, notamment de chiffres, peuvent forcément se glisser dans un rapport du genre de celui-ci. L'auteur prie par avance celles et ceux qui relèveraient de telles erreurs de les lui signaler, de telle manière qu'il puisse les corriger. Il en profite pour prier le lecteur de bien vouloir lui pardonner les fautes de frappes et d'orthographe qui auraient échappé à la correction.

(1) Qui se trouve être le dernier rapport que son auteur présente à son parti, un-e nouveau-elle représentant-e du parti socialiste devant alors être désigné-e pour prendre fonction au 1er septembre 2009… (voir ci-dessous la lettre de démission de l'auteur)
(2) … PS dont le président d'alors du Conseil de fondation assurait (au Conseil) qu'il avait été " choqué de la démarche de M. Holenweg, à savoir de diffuser des prises de position et des documents ", ce que rien dans la présentation au PS des dites prises de positions et dits documents, ni du présent rapport, n'atteste -au contraire, puisque le PS, contrairement au parti radical, ne s'est pas plié à l'exigence formulée par le bureau du Conseil de fondation de remplacer son représentant par un-e autre.
(3) ainsi des débats suscités, lors de la séance du Conseil municipal du 14 janvier 2003, par la réponse du Conseil administratif à une interpellation du Conseil municipal radical Michel Ducret, sur la situation financière du Grand Théâtre.


Lettre de démission du Conseil de fondation du Grand Théâtre

Genève, le 14 juillet 2009 (26 Messidor de l'an de votre choix.)

Madame Lorella Bertani
Présidente du Conseil de Fondation
du Grand Théâtre

Madame la Présidente du Conseil de fondation du Grand Théâtre,

Par la présente, en ce jour anniversaire (entre autres) de la prise de la Bastille, je vous informe de ma décision de quitter la Bastille culturelle où le Conseil municipal m'expédia siéger il y a une décennie, et donc de démissionner, avec effet au 31 août prochain, de mon mandat de représentant du Conseil municipal (au titre de représentant du Parti Socialiste) au Conseil de fondation du Grand Théâtre.

Arrivé au Conseil de fondation d'une institution culturelle dont les structures étaient totalement obsolètes, ce que la crise que l'institution a traversée révéla même à qui se refusait à l'admettre, je quitte ce conseil alors que la réforme de ces structures a été engagée, et produit ses premiers effets. Certes, beaucoup reste à faire -mais ce qui reste à faire implique des modifications statutaires et des choix politiques qui requièrent l'approbation, non seulement du Conseil de fondation du GTG, du Conseil municipal et du Conseil administratif de la Ville, mais, in fine, du Grand Conseil, c'est-à-dire du parlement d'un canton dont le soutien au Grand Théâtre ne peut toujours être évalué qu'en usant d'instruments de micro-optique, le canton accordant princièrement au Grand Théâtre 50'000 misérables francs par an, soit à peine plus d'un millième de ce que l'institution coûte à la Ville. C'est désormais le statut (et le coût), municipal, cantonal ou partagé entre la Commune et la République, du Grand Théâtre dont il doit être question, et c'est un chantier de plusieurs années qui va s'ouvrir. Or je crois nécessaire de renouveler un tant soit peu les représentations politiques au sein de l'institution avant l'ouverture de ce chantier ; en outre, le moins que je puisse faire est de m'appliquer ce que je me plais à recommander aux autres : la limitation des mandats. " Dix ans, c'est assez !" : il en va des mandats institutionnels comme des opéras : les plus longs ne sont pas les meilleurs, les fins qui se font trop attendre finissent par lasser autant les interprètes que les spectateurs -et je donne toute la tétralogie pour Didon & Enée…

Débarquant au Conseil de fondation du GTG alors que régnaient dans les ateliers de l'opéra de Genève des pratiques relevant de la tradition féodale, droit de cuissage inclus, je le quitte avec la satisfaction d'avoir pu, avec quelques autres aux engagements politiques fort différents, voire contradictoires, contribuer à faire entrer les syndicats dans l'institution, à faire représenter le personnel au Conseil de fondation et à y faire entendre sa voix. La plèbe est entrée dans le château, et j'espère bien l'y avoir aidé en ouvrant, subrepticement ou publiquement, quelques portes, quitte pour cela à interpréter assez largement et à appliquer assez personnellement, les dispositions légales régissant le secret de fonction -ce dont je n'ai par ailleurs pas la moindre intention de solliciter la moindre excuse de qui que ce soit.
Je tiens d'ailleurs à remercier, au terme de mon mandat, le parti socialiste qui m'y a présenté, re-présenté et supporté (dans tous les sens du terme), en sachant pertinemment qui il y présentait, et ce à quoi il pouvait s'en attendre ensuite. Il fut un temps où il ne se passait guère de semaine sans que soit adressé au PS de la Ville de Genève quelque message, explicite ou implicite, écrit ou oral, l'incitant à purger l'institution lyrique et chorégraphique du mauvais élément qu'il avait eu le mauvais goût de choisir pour l'y représenter; le PS a résisté à ces pressions, alors que d'autres partis politiques représentés au Conseil de fondation y cédaient, se pliaient aux états d'âmes, aux humeurs et aux allergies personnelles de diverses instances du Grand Théâtre et poussaient leurs représentants à la démission ou les limogeaient lorsqu'ils avaient le malheur de déplaire ou de gêner

Je vous prie, Madame la Présidente du Conseil de fondation du Grand Théâtre, (...) de recevoir mes plus amicaux messages, l'expression de mes sentiments fraternels et l'assurance de mon plus sincère respect. Ou, en un résumé moins formaliste et plus républicain : Salut et fraternité !

Pascal Holenweg