lundi 9 novembre 2009

Politique culturelle genevoise : Un grand consensus flou

Les huit candidates et candidats présentés par les partis gouvernementaux au Conseil d'Etat débattaient lundi soir à la Comédie de la politique culturelle genevoise. L'UDC et le MCG, invités, ne sont pas venus, les Communistes, le Bouffon et le Prophète n'étaient pas invités. Un grand consensus flou semble s’être établi entre gens de bonne compagnie, sur le thème « il faut une véritable politique culturelle cantonale, au moins pour les grands projets ». A se demander pourquoi les partis gouvernementaux (à l'exception du PS, qui défend cette idée depuis des années) ont attendu cette élection pour recevoir cette double révélation : une République fondée sur la culture ne peut pas ne pas avoir de politique culturelle, la politique culturelle d'une région ne peut pas être déterminée par une seule commune. C'est sans doute un effet positif des campagnes électorales : la découverte d'évidences, et leur sonore proclamation.

Donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas
Aucun des huits candidats et candidates réunis à la Comédie ne semble s’être opposé à l'idée, défendue par les socialistes (et une partie de la gauche de la gauche) depuis des années, d'un transfert de la charge et de la responsabilité des grandes institutions culturelles de la Ville vers le canton. Mais ce beau consensus n'en cache pas moins, même si elles ne font pas encore véritablement débat (ça viendra) d'assez sérieuses divergences. Ainsi, par exemple, de la nature de ce transfert de charge : un jeu à somme nulle (on réduit le budget culturel de la Ville dans le même temps où l'on renforce celui du canton) ou un renforcement de l'engagement des collectivités publiques dans la culture, le budget culturel de la Ville restant alors au moins ce qu'il est, celui des autres communes étant accru, et celui de la République atteignant au moins celui de la Ville ? Et puis cette interrogation : quelle place et quelle participation aux décisions (et au financement) de la politique culturelle régionale pour les communes françaises et vaudoises de la région ? Quelle participation des créateurs aux décisions ? Quel espace pour la culture émergente, la culture d'expérimentation, la culture alternative ? Enfin, et surtout : qu'attend-on de la politique culturelle ? Qu'elle soit un instrument de cohésion sociale ? Mais la création culturelle n'est pas un instrument, et surtout pas un instrument de cohésion sociale... Après tout, les sociétés d'Ancien Régime étaient socialement cohérentes, et une société bien carcérale l'est aussi : la « cohésion sociale » n'est pas une valeur en soi ; Quand chacun est dans son petit monde, que ces mondes sont séparés, socialement mais aussi géographiquement, que toutes les institutions culturelles sont concentrées dans un carré de deux kilomètres de côté au centre des villes, que les abonnés du Grand Théâtre ne mettent pas les pieds à l'Usine ni les habitués de l'Usine le bout de leur nez à la Comédie, on n'a plus affaire qu’à un agrégat de cohortes aussi conservatrices et rétives au changement les unes que les autres, Comme si de la politique culturelle on donnait la définition que donnait de l'amour Jacques Lacan : « donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas »…

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