samedi 19 décembre 2015

Brèves


La campagne pour la votation municipale du 28 février sur la rénovation et l'agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire de Genève est donc lancée. Des deux côtés : celui des partisans du projet Nouvel-Jucker, celui de ses opposants. Et ça va être saignant. Surtout que ça pas vraiment être un combat gauche contre droite et réciproquement, vu que de la gauche et de la droite, y'en a chez les « oui » comme chez les « non ». Chez les « oui », aux côtés du MCG,  du PLR et du PDC, on trouve le PS. Chez les « non », aux côtés de l'UDC, on trouve « Ensemble à Gauche »  et les Verts, tardives recrues ralliées avec pas mal d'hésitations (ils avaient d'abord refusé de soutenir le référendum, mais, faut aussi se souvenir que le projet que le référendum combat est un héritage vert, de Patrice Mugny...). Le Cercle de soutien au projet rassemble des gens de droite et de gauche, les organisations de défense du patrimoine qui combattent le projet rassemblent des gens de gauche et de droite. Le PDC, le PLR et le MCG qui passent leur temps politique à exiger que la Ville « réduise sa voilure »et son budget, notamment son budget culturel, acceptent une augmentation de 20 % des charges du musée assumées par la Ville, les Verts et Ensemble à Gauche qui dénoncent le financement du projet par un Jean-Claude Gandur se retrouvent à le combattre aux côtés d'un Thierry Barbier-Muller... Bref, un concentré de confusions politiques, d'alliances à la mord-moi-le-noeud et d'argumentaires bidouillés à la truelle (du genre : « le projet Nouvel-Jucker, pour le MAH c'est Daech à Palmyre »...). Pas de doute : on est bien à Genève, terre de contrastes...



Les Verts libéraux ont décidé d'appeler au refus, le 28 février prochain, du projet de rénovation-extension du Musée d'Art et d'Histoire de Genève, combattu par référendum. Décision prise, nous précise sans rire « Le Courrier », à une « large majorité » (70 %) de leur assemblée. Qui réunissait 20 personne. Un front de masse se dessine....



Le directeur du Grand Théâtre de Genève, Tobias Richter, a viré le metteur en scène (Daniel Kramer) de la production de fin d'année, la « Flûte Enchantée » de Mozart à cause de «choix de mise en scène qui ne pouvaient pas marcher, qui ne répondaient pas aux attentes de cette production ». Et quand la « Tribune de Genève »  lui demande s'il n'a pas fait une « erreur de casting » en choisissant Kramer, Tobias Richter admet cette erreur. Bon, et alors ? Virer des gens qu'on a choisi parce qu'on s'est aperçu qu'ils ne faisaient pas ce qu'on attendait quand on les a choisi, des milliers de Genevois et voises en rêvent quand ils pensent au Conseil d'Etat. Mais eux, ils doivent encore attendre trois ans. Il a de la chance, finalement, Richter, de pouvoir faire le ménage lui-même...



Le projet de délibération voté par la droite coagulée du Conseil Municipal de la Ville de Genève, qui voulait obliger le Conseil administratif à couper les subventions de l'Usine si elle ne se soumettait pas aux normes administratives a été transformé par le Conseil d'Etat en résolution non contraignante. La subvention, diminuée de 2% (comme toutes les subventions) lors du vote du budget, est donc sauve, suite à une plainte des conseillers municipaux du DAL (Ensemble à Gauche) Stéphane Guex-Pierre et Pierre Gauthier. Pour l’Etat, le Délibératif (c'est-à-dire sa droite) a outrepassé ses droits en suspendant une subvention qu’il n’avait pas encore voté. Le projet de délibération qui l’oblige à couper les subventions du site s’il ne se met pas aux normes administratives a été transformé par l’Etat en résolution, un texte non contraignant. La cheffe de groupe PLR Natacha Buffet-Desfayes déplore, que « la politique dérive sur le terrain juridique »... Ben fallait lire la loi avant de tenter de sucrer une subvention pour punir l'Usine de ne pas respecter un règlement sur les débits de boisson... Voila. Que ferait la gauche sans la Gauche Dugong, on se le demande...


Petite question innocente : est-ce qu'après le débat budgétaire en Ville de Genève, et les coupes qu'elle a imposées dans les subventions et les fournitures matérielles (eau et électricité comprises) de tous les lieux culturels (sauf le Grand Théâtre), y compris le Musée d'Art et d'Histoire, la droite municipale se rend compte qu'elle vient de condamner le projet Nouvel-Jucker qu'elle est supposée soutenir, et qu'il ne devrait pas y avoir grand monde dans les milieux culturels pour soutenir un projet soutenu par les mêmes qui coupent dans les subventions à la culture émergente, et même à toutes les autres institutions sauf le Grand Théâtre) ?

Des « amis des arts, de la culture et de l'éducation » vont appeler à voter en faveur du projet Nouvel-Jucker d'extension du MAH... On est impatients de savoir combien de ces « amis des arts, de la culture et de l'éducation » le sont aussi des coupes budgétaires dans les subventions et les crédits pour les arts, la culture et l'éducation...


mardi 15 décembre 2015

Ville de Genève : le quatrième débat sur le budget commence. Dans la rue.

Qu'a imposé la droite coagulée en Ville de Genève ? Pour nous en tenir à la politique culturelle, première visée par ces coupes, elle a imposé une coupe de 10 % dans les fonds de soutien à la création et à sa représentation (les « fonds généraux ») et une coupe de 2 % dans les subventions directes. Sauf pour le Grand Théâtre, mais en revanche, pour son orchestre attitré. On admire la logique. Cette coupe dans les subventions municipales s'ajoute à une coupe cantonale proposée de 1 % par année pendant cinq ans dans les subventions directes. Un théâtre comme Am Stram Gram y perdrait 30'000 francs, dont 20'000 francs du seul fait de la Ville. Une économie ridicule sur le budget de la Ville. Une perte importante sur celui d'un théâtre qui n'a pas vu augmenter depuis 10 ans le soutien public qu'il, reçoit... A elle seule, et sans compter, évidemment, les coupes dans les lignes de biens et marchandises qui concernent des lieux culturels la création culturelle devrait assumer, pour 1 million 400'000 francs de coupes dans les fonds de soutien et les subventions, soit 9 % de toutes les coupes proposées, pour économiser à peine plus d'un pour mille des dépenses municipales.  On est donc bien face à une attaque en règle contre, non pas tant la politique culturelle de la Ville, ce qui serait déjà inacceptable puisque la droite n'en proposez aucune qui soit alternative, sinon ne plus financer que le Grand Théâtre et le Musée d'Art et d'Histoire, mais contre l'ensemble du champ culturel genevois, du tissu culturel genevois, de ses lieux, de ses acteurs, de ses salariés. Avec une cible prioritaire : la culture émergente, la création indépendante des institutions, et, évidemment, la culture alternative. Et le secteur le plus fragile de l'économie et du si bien nommé « marché » du travail, celui des intermittents du spectacle. Ces choix budgétaires frappent un secteur qui a fait travailler, et vivre de leur travail, près de 1900 personnes l'année dernière, sans compter le personnel des institutions. Ni, évidemment, le personnel municipal affecté aux institutions. Les coupes dans les fonds de soutien à la création et à leur représentation vont en outre affecter toutes les manifestations qui permettent cette représentation comme les festivals de cinéma (Black Movie, Filmar, Cinetransat et les autres), les fêtes du théâtre et de la danse.

Rétablir ce que l'inculture a amputé à la culture.

Ce qui caractérise, ce qui définit, la scène culturelle genevoise, ce ne sont pas quelques institutions phares, c'est un réseau de centaines de lieux, de scènes, de groupes, dans tous les domaines, dans tous les champs culturels, par toutes les formes d'expression. C'est cela que le rabotage budgétaire met en péril, en même temps qu'il met en cause la démocratisation de l'accès à la culture. C'est cela qu'il met en péril, parce que c'est cela qu'il ignore, volontairement ou non : la diversité du paysage culturel genevois, et la richesse qui naît de cette diversité, dont le soutien public à toutes les formes d'expression, à tous les champs culturels, est la condition. En coupant aveuglément dans les moyens accordés aux acteurs culturels, que ces moyens soient portés sur les subventions directesou accordés par des fonds généraux, en additionnant les unes aux autres ces coupes, et en les additionnant au surplus à celles opérées par le canton, on ne présente à la politique culturelle que mène la Ville, aucune autre alternative que celle de l'abandon de toute politique culturelle, et de tout soutien public au pluralisme des lieux, des formes et des expressions. 
Et qu'on nous fasse grâce des poussiéreuses dénonciation du « saupoudrage » culturel auquel se livrerait la Ville : ce que la droite (PDC en tête) appelle « saupoudrage » (et qui a été inauguré par un magistrat PDC, René Emmenegger), ce n''est ni plus, ni moins, que la condition du pluralisme, la condition de la diversité et la condition de la richesse de l'offre. Et ce que la droite (PDC en queue) appelle « priorités », ce n'est que l'euphémisme culturellement correct de la promotion quasi exclusive d'une culture officielle. Avec le Conseil municipal -du moins sa majorité agglomérée- dans le rôle du Bureau politique du Parti communiste de l'Union Soviétique de la grande époque : ça, c'est dans la ligne, on soutient, mais ça, c'est pas dans la ligne, on condamne, et ça, c'est ni dans la ligne ni hors de la ligne, une autocritique s'impose, convoquez-moi le camarade Chostakovitch. Ne nous manque plus que de déterminer la programmation, le style et le contenu des oeuvres à soutenir. Il faut bien reconnaître que là aussi, le MCG avait été précurseur, lorsqu'il proposait de transformer la Commission des Arts et de la Culture du Conseil Municipal en jury de concours -le PDC n'avait plus qu'à suivre. Il fait d'ailleurs cela très bien, suivre. A se demander s'il sait faire autre chose.

La droite municipale n'aime pas le Conseil administratif de gauche. C'est son droit, et c'est normal puisqu'à l'exception du PDC, elle est infoutue d'y faire élire qui que ce soit. Mais que cette droite fasse payer au monde culturel le prix de sa propre incompétence électorale est minable : ce ne sont pas lui qui est coupable de l'impuissance politique de la droite, et les prendre en otage ne l'en guérira pas.

Le quatrième débat budgétaire en Ville de Genève commence. Il ne se tiendra pas dans la salle du Conseil municipal, mais dans la rue, sur les lieux de travail, les lieux de création, les lieux de représentation : cela s'appelle un référendum, pour rétablir ce que l'inculture a amputé à la culture.

samedi 5 décembre 2015

MAH : la campagne pour la votation du 28 février est lancée



Pas de doute, on est à Genève...

La campagne pour la votation municipale du 28 février sur la rénovation et l'agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire de Genève lancée. Des deux côtés : celui des partisans du projet Nouvel-Jucker, celui de ses opposants. Et ce ne sera pas vraiment être un combat gauche contre droite et réciproquement, puisque de la gauche et de la droite, on en trouve côté  "oui" comme côté "non". Côté "oui", aux côtés du MCG,  du PLR et du PDC, on trouve le PS. Côté "non", aux côtés de l'UDC (et des Verts libéraux en prime), on trouve "Ensemble à Gauche" et, tardive recrue ralliée avec pas mal d'hésitations (ils avaient refusé de soutenir le référendum), les Verts. Le Cercle de soutien au projet rassemble des gens de droite et de gauche, les organisations de défense du patrimoine qui combattent le projet rassemblent des gens de gauche et de droite. Le PDC, le PLR et le MCG qui passent leur temps politique à exiger que la Ville "réduise sa voilure" et son budget, notamment son budget culturel, acceptent une augmentation de 20 % des charges du musée (charges assumées parla Ville), les Verts et Ensemble à Gauche qui dénoncent le financement du projet par Jean-Claude Gandur se retrouvent à le combattre aux côtés de Stéphane Barbier-Muller... Bref, pas de doute : on est à Genève...


Dix questions pour un projet muséal

Dans la lettre que comme chaque année on a envoyé au Père Noël (on y croit puisqu'on est de gauche...), avec la liste des cadeaux qu'on veut recevoir, il ,y avait ceux qu'on demande chaque fois et que ce vieil abruti ne nous amène jamais (le pouvoir absolu, la richesse illimitée, l'amour définitif, tout ça...), il y avait cette année le "Projet scientifique et culturel du Musée d'Art et d'Histoire de Genève". Et voila-t-y pas qu'on annonce qu'il va,  incessamment sous peu, nous être présenté ? Le Père Noël existe donc. Et il se cache quelque part entre les hallebardes et les mousquets de la salle des armures du MAH... Alors, en attendant de pouvoir lire, analyser, commenter ce projet, et de nous prononcer sur son contenu, résumons les dix principales questions que nous nous posons à son propos (il en est d'autres auxquelles nous attendons réponse, mais pour le moment, contentons-nous de celles-là, posées sur la
page Facebook de questionnement : MAH : quel musée, pour quoi faire, quoi dire, et à qui ?  https://www.facebook.com/MAH-quel-musée-pour-quoi-faire-quoi-dire-et-à-qui--727942464004871/)

1. En quoi la réalisation du projet "Nouvel-Jucker" d'extension du MAH est-elle indispensable à la réalisation d'un nouveau "projet scientifique et culturel" (PSC) pour le musée ? Est-il vraiment inconcevable de réaliser ce PSC sans cette extension ? Et ne court-on pas après une "modernisation" du musée, de son enveloppe, de sa démarche, de son projet, qui serait déjà dépassée le jour de l'inauguration du "nouveau" musée ?

2. Le projet d'extension du MAH est-elle réellement l'une de ces opportunités de faire "bouger les choses" quand à la définition du rôle même du musée ?

4. On estime à près de 10'000 le nombre de nouveaux musées qui s'ouvriront dans le monde dans les cinq prochaines années. Pour qui, ou  pour quoi, sont-ils faits ? Les musées sont-ils fait d'abord pour les objets, les oeuvres, qu'ils contiennent, ou d'abord pour le public, ou d'abord pour les scientifiques, les historiens, les spécialistes du champ qu'expose le musée ?

5.
N'est-ce pas toujours une forme muséale "usée que l'on tente au MAH de rénover, en même temps que le musée -alors que la question qui désormais se pose est de savoir si le dispositif muséal, les musées en tant que tels, ne sont pas des survivances obsolètes, du point de vue même de leurs missions traditionnelles (la conservation et l'exposition du patrimoine, la recherche scientifique, la diffusion des connaissances) ?

6.
Quant le MAH, dans ses "éléments pour un Projet culturel" (octobre 2014) assène qu'"un égal intérêt de tous les publics à l'égard de tous les sujets n'existe pas plus qu'un langage universel de médiation" (entre ce qu'expose le musée et le public), que faut-il comprendre ? que le musée va raconter à chaque visiteur l'histoire que le visiteur a envie d'entendre et que le musée suppose que le visiteur est capable de comprendre ?

7.
Sur l'ensemble des oeuvres et objets qu'il conserve, le MAH actuel ne peut en exposer que 1,5 %, faute de place. Le projet Nouvel-.Jucker prévoit de rendre possible l'exposition de 8 % des collections, y compris celles d'horlogerie et d'instruments anciens de musique. Comment se fera le tri entre ce qui sera exposé et ce qui ne le sera pas ? Peut-on mesurer la qualité d'un musée à la proportion exposée de ses collections ? Le nouveau Musée d'ethnographie ne peut toujours montrer, dans son expo de référence, qu'un peu plus de 1000 de ses 80'000 pièces -en est-il dévalué pour autant ?

8.
"Les musées sont amenés, depuis une vingtaine d'années, à jouer un rôle croissant -et actif- dans le développement culturel et économique de leur région", écrit le MAH dans une première réponse, en janvier 2015, à la motion de la gauche réclamant que le contenu culturel du projet d'extension du musée soit exprimé. Pour autant, peut-on attendre (et faut-il espérer) du MAH qu'il puisse, avec le projet Nouvel-Jucker d'extension, devenir à Genève ce que le Guggenheim est devenu à Bilbao : le motif d'un séjour de la ville ?

9.
A un Conseiller municipal l'interrogeant, lors des "Etats généraux des musées genevois" (octobre 2013) sur l'articulation des rôles des institutions publiques et des acteurs privés (comme la Fondation  Gandur), le directeur du MAH, Jean-Yves Marin, a répondu : "On ne délègue rien. Si on nous propose un partenariat, il faut se poser les questions de façon analytique. Nous avons la main et nous devons servir et protéger l'intérêt public. Mais nous ne devons pas nous priver de l'intérêt privé". Après avoir posé "de manière analytique" les questions que suggèrent le partenariat entre le MAH et la Fondation Gandur pour l'Art, partenariat codifé dans une convention, quelles réponses peut-on apporter à ces questions ?

10.
"Il n'y a plus une pensée, un geste, un produit de la culture existante qui témoigne d'une compréhension de notre époque. La culture est réduite à zéro !", proclamait en 1959 la "section hollandaise de l'Internationale Situationniste" -pour qui "La culture se situe là où finit l'utile" : c'est la "part maudite" de Georges Bataille -donc lorsque tout doit être utile, plus rien ne peut être "culturel", pas plus un musée qu'une bibliothèque, un cinéma ou un orchestre... Alors, pourquoi rénover et agrandir un musée, qu'y mettre, et qui y convier ?

11.
Enfin, puisque l'on part d'un musée existant (le MAH actuel), qu'est-ce qui caractérise ce musée, quelle est son identité, sa personnalité, son originalité, sa spécificité par apport à un autre musée ou un autre équipement, qu'est-ce qui définit son image et fait que le public viendra le visiter plutôt qu'un autre musée ?  Quel est son rôle dans la cité ?