mercredi 27 janvier 2016


Coupes budgétaires en Ville de Genève : Lettre de l'Union des Théâtres Romands :
Mesdames et Messieurs les chef-fe-s de groupes du Conseil municipal,
La majorité du Conseil municipal de la Ville de Genève a adopté un budget 2016 dans lequel le secteur de la culture est fortement malmené par des coupes incompréhensibles et contestables.
L’Union des Théâtres Romands, regroupant des institutions de toute la Suisse romande tient à manifester son désaccord avec de telles réductions qui aggravent inutilement les conditions de travail et de productions sans apporter par ailleurs de véritable répit aux finances de la Ville.
L’attaque ciblée par ces mesures semble dès lors être d’ordre politique et vise les lieux où se forme l’esprit critique des citoyens et où les jeunes s’ouvrent au monde. Cela nous paraît singulièrement grave et malvenu.
Il nous semble au contraire indispensable de laisser aux artistes un maximum de moyens pour qu’ils nous disent notre société en ces temps particulièrement troublés. À l’exemple de l’Italie qui investit massivement tant pour doter les producteurs que pour faciliter l’accès des jeunes adultes, renforçant ainsi l’action culturelle malgré ses difficultés financières, plutôt qu’à l’exemple de la Pologne ou de la Hongrie où la liberté d’expression tangue fortement sous les attaques grossières des parlements en place, nous invitons le Conseil municipal à renoncer à ces coupes.
La Ville de Genève a jusqu’ici souvent été exemplaire en matière de politique culturelle et nous espérons que le Conseil municipal reverra sa position pour perpétuer cet esprit ouvert et positif qui fait de Genève une référence loin à la ronde
Pour toutes ces raisons l’Union des Théâtres Romands  soutient les actions du Comité référendaire.
Nous vous prions d’agréer, Mesdames et Messieurs les chef-fe-s de groupes du Conseil municipal, l’expression de notre très haute considération.

Union des Théâtres Romands
Sophie Gardaz,  Présidente
Éric Lavanchy, Secrétaire général 

Un mois et-demi après avoir voté avec toute la droite coagulée des coupes linéaires dans le budget municipal de la culture (entre autres), le PDC de la Ville de Genève se dit prêt à en « rediscuter », alors qu'un référendum a été lancé contre le résultat de son vote. Mieux vaut Tartuffe que jamais.

Les Rialto ont cessé toute activité le dimanche 10 janvier. Sept écrans vides, d'un seul coup. Sept écrans de moins au centre-ville. La salle unique était devenue un multiplexe, le plus grand de Romandie, en 1993, et c'est le groupe Pathé qui exploitait les Rialto depuis dix ans. On ne supposera pas qu'il n'ait pas les moyens d'assurer leur activité -on supposera seulement que leur rentabilité, sans être illusoire, était devenue insuffisante, face à la concurrence des multiplexes périphériques, comme l'Arena de la Praille (neuf salles, ouvertes en 2014). Les Rialto ne sont que les dernières victimes d'une hécatombe de cinémas au centre-ville : rien que sur la rive-droite, le Titanium a sombré, le Broadway s'est éteint, le Strada s'est vidé, le Caméra2000 a disparu, le Central  est fermé...  Et le Plaza risque d'être démoli, ce contre quoi un groupe s'est constitué («Touchez pas au Plaza », sur Facebook), qui a lancé une pétition, fait déposer une motion au Conseil Municipal, et déposé des recours contre la décision du canton d'autoriser la démolition de la plus belle salle de cinéma de Genève... Le propriétaire des Rialto ne voit pas « de salle de cinéma revenir là-dedans », mais rêve d'y faire une cour intérieure pour l'hôtel Cornavin (dont il est aussi propriétaire). Mais les lieux peuvent tout de même se prêter à un autre usage, social et culturel -et le Conseil municipal sera aujourd'hui saisi de deux motions le suggérant. Parce que pas plus que pour le Plaza, on ne résignera à voir disparaître sans autre un espace où, au centre-ville, on peut faire autre chose que du commerce... du cinéma au Plaza, d'autres formes de création et d'expression culturelles au Rialto...

vendredi 22 janvier 2016

Jean-Claude Gandur, "Le Courrier", le MAH+...


   
Confusion des enjeux

Jean Claude Gandur s'invite dans la campagne contre le projet Nouvel-Jucker d'extension du Musée d'Art et d'Histoire, projet dont il est le principal partenaire financier privé : L'homme d'affaires a déposé deux plaintes contre «Le Courrier», pour calomnie, diffamation et atteinte à l’honneur, à la suite de la parution dans le quotidien d'un dossier lui étant consacré et qui lui a fort déplu. La plainte demande au Tribunal de Première instance de condamner le Courrier à lui verser (ainsi qu'à sa fondation et sa société) 20'000 francs, avec des intérêts à 5 % (Gandur affirmant ensuite qu'il se contenterait d'un franc symbolique), soit condamné aux frais et dépens, et à une participation aux frais d'avocat. L'attaque de Gandur contre "Le Courrier" a été dénoncée par le syndicat des media, Syndicom, et par l'association professionnelle des journalistes, Impressum, comme une "attaque frontale contre la liberté de la presse et l'indépendance du journalisme" (Syndicom). Impressum s'inquiète de la tendance croissante à l'intimidation judiciaire des journalistes, de la part de personnalités publiques, et les deux organisations s'étonnent que Gandur n'ait utilisé ni son droit de réponse, ni son droit de plainte auprès du Conseil suisse de la presse, et se soit adressé directement à la Justice pénale.  Heureusement que, comme le relève Sami Kanaan, "le projet du MAH va bien au-delà du rôle de Jean Claude Gandur dans le montage" financier, parce qu'il ne manquait plus que l'appel à la justice salvatrice de l'amour-propre pour rendre l'enjeu totalement inintelligible...


Ce n'est qu'un débat, continuons le confus...

Jean Claude Gandur s'y refusait, Sami Kanaan s'y était engagé : la convention liant la Ville de Genève et (ou "à") la Fondation Gandur pour l'Art (FGA) a finalement été révisée -une révision, largement éclipsée par la révélation de la procédure engagée par Jean Claude Gandur contre "Le Courrier". La révision de la convention a essentiellement porté sur la forme,  par toilettage (bienvenu) et de une clarification (bienvenue), puisque sa finalité reste la même (l'exposition d'une partie des collections de la FGA par le Musée d'Art et d'Histoire rénové et agrandi, en échange d'une participation de 40 millions de francs de la FGA à cette rénovation et cet agrandissement). Que contient la révision de la convention ? En gros (on se reportera pour plus de détails au tableau comparatif que nous proposerons d'ici peu), une meilleure distinction du partenariat scientifique et culturel et du mécénat (puisqu'on continue à considérer, à tort, comme du mécénat un apport financier faisant l'objet d'une contrepartie matérielle, d'ailleurs redimensionnée par la révision de la convention), la précision du périmètre accordé à la FGA dans les locaux du futur musée ou, nouveauté, en d'autres lieux, une clarification des règles de collaboration et de "gouvernance" du musée (à partir d'un principe de non-ingérence réciproque du MAH et de la FGA), une précision des modalités de partage des revenus, une prise en compte des apports en nature du MAH, et une référence aux codes de déontologie de l'ICOM (Conseil international des musées) et du Conseil administratif. La nouvelle convention rend l'ancienne caduque, mais reste valable 99 ans -à dater de sa signature, intervenue plus de cinq ans après celle de la première convention ce qui prolonge de fait d'autant l'éventuelle collaboration conventionnée de la Ville et de la FGA, pour autant que le projet Nouvel-Jucker soit accepté le 28 février et que les travaux aient commencé le 11 mars 2018...

Par la révision de la convention Ville-FGA, "notre but n'est pas de convaincre les opposants" au projet de rénovation-extension (à l'impossible nul, pas même Sami, n'est tenu), mais de convaincre "les indécis", a précisé Sami Kanaan. Et va y avoir du boulot. Parce que l'annonce de la révision de la convention a été quelque peu éclipsée par celle de la procédure pénale engagée par Jean Claude Gandur contre le quotidien "Le Courrier", pour le portrait fait de lui dans le journal, en mai dernier. Euphémique, Sami Kanaan a regretté "ce conflit contre-productif" du point de vue des partisans du projet -et fort utile aux opposants.
Le résultat du vote du 28 février ne va de toute façon pas clore le débat : quel qu'il soit, ce résultat, il faudra bien que les perdants s'interrogent sur les raisons de leur défaite -et même que les vainqueurs s'interrogent, s'ils le peuvent, sur les conséquences de leur victoire, sur le musée lui-même et sur la politique culturelle genevoise. Parce qu'entre le "non" modèle udéciste (la culture, ça coûte toujours trop cher, vive le sport), le "non" du club des collectionneurs modèle Barbier-Muller qui ne veut pas laisser salir ses tapis par les pieds sales d'un Gandur,  et Gandur lui-même qui veut rétablir la censure préalable (mais seulement pour "Le Courrier", à qui il veut "interdire dans le futur" de porter atteinte à sa personnalité), on va finir par le soutenir, le projet MAH+, rien que par amour des causes perdues, quoi qu'on en pense par ailleurs...

jeudi 21 janvier 2016

Brèves


On se permettra de trouver profondément navrante la polémique surgie autour de l'affiche du comité référendaire contre la rénovation du MAH, affiche réalisée par Excem et reprenant l'imagerie du « Nosferatu »  de Murnau, en la détournant pour en faire une métaphore de la menace que ferait, selon les opposants, peser sur le bâtiment du MAH le projet (ou ce qu'il en reste) attribué à Jean Nouvel (dont on reconnaîtra les traits sous ceux de Nosferatu).  D'aucuns ayant cru bon d'accuser le dessinateur de reprendre une imagerie d'extrême-droite des années trente, à contenu antisémite, on rappellera ce qui suit, histoire de faire un peu d'alphabétisation culturelle :
1. Le dessin d'Excem reprend donc l'imagerie du film de Murnau, «Nosferatu». Un chef d'oeuvre du cinéma allemand, du cinéma expressionniste, du cinéma fantastique -et du cinéma tout court, salué comme tel par les surréalistes. Le film date de 1922. Le nazisme n'est alors qu'un mouvement totalement marginal. Et Murnau est mort avant l'arrivée au pouvoir de Hitler et de sa bande, sans jamais en avoir été proche.
2. Le film et son réalisateur sont exemplaires de l’expressionnisme allemand. Ce courant culturel (essentiellement cinématographique, pictural, mais inspirant tous les autres champs culturels) est fondamentalement antifasciste et antinazi, et a été traité comme tel (et ses créateurs avec lui), comme manifestation de l'« art dégénéré » par les nazi.
3. Le « Nosferatu » de Murnau est une adaptation du « Dracula » de l'écrivain irlandais Bram Stocker. Le personnage central (Nosferatu, Dracula) du roman, est lui-même inspiré d'un personnage historique, le voïvode roumain Vlad Tepes, dit « Vlad l'empaleur », dont le roman fait un homme se vengeant par le vampirisme (et l'éternité) de la douleur d'avoir perdu son épouse. Il n'y a aucun fond antisémite (ni, évidemment, fasciste ou nazi) dans le roman de Stocker, ni dans le film de Murnau (pas plus qu'il y en a dans le Frankenstein de Mary Shelley).
4. La figure du vampire a en effet été largement utilisée par les antisémites pour symboliser ce qu'ils voyaient en les juifs. Ou en les « bolchéviks ». Mais elle a tout aussi souvent été utilisée par la gauche révolutionnaire pour symboliser les capitalistes... et par les antifascistes et les antinazis pour symboliser le fascisme et le nazisme. Le vampire, c'est l'ennemi, quel que soit l'ennemi. Le détournement d'une figure littéraire (ou cinématographique) à des fins de communication politique est une constante de l'histoire de la communication politique depuis 200 ans, tous courants politiques confondus.
5. Les procès d'intention reposent le plus souvent sur une ignorance crasse. Celui auquel il est fait allusion ici n'échappe pas à la règle.
6. Rien dans ce qui vient d'être écrit ne préjuge de la position de celui qui l'a écrit au sujet de l'enjeu du vote du 28 février (et de l'affiche des référendaires).
7. Procurez-vous le film de Murnau en DVD ou en téléchargement, et voyez-le, ou revoyez-le : c'est un pur chef d'oeuvre...

LA CULTURE LUTTE : NON AUX COUPES BUDGÉTAIRES
EN VILLE DE GENÈVE
La culture à Genève est aujourd’hui attaquée de toutes parts. Après les coupes annoncées par le Canton, la majorité du Conseil municipal de la Ville de Genève a imposé des coupes à hauteur de 2,5 millions de francs pour nos secteurs d’activités, alors que le budget présenté par le Conseil administratif était excédentaire de 8,2 millions de francs.

NON à la destruction des moyens de création ;
NON à la diminution des événements culturels ;
NON à la restriction de l’accès à la culture pour les citoyennes et citoyens ;
NON à l’affaiblissement des secteurs social et culturel, et de la fonction publique.

Signez et faites signer les référendums aujourd’hui, afin de garantir un paysage culturel diversifié, des moyens de créations adaptés, des événements culturels de qualité, et surtout une culture accessible à toutes et à tous !

Plus d’infos, les feuilles de signatures et les flyers, tout ça est téléchargeable sur :
http://laculturelutte.ch/

Ce n'est qu'un débat, continuons le confus : on salue comme elle le mérite (et elle le mérite hautement) l'engagement de Jean-Claude Gandur dans la campagne contre le projet Nouvel-Jucker d'extension du Musée d'Art et d'Histoire, dont il est partenaire financier : L'homme d'affaires a déposé deux plaintes contre «Le Courrier», pour calomnie, diffamation et atteinte à l’honneur, à la suite de la parution dans le quotidien d'un dossier lui étant consacré et qui lui a fort déplu. Déjà que le débat s'annonçait particulièrement confus, il ne manquait plus que l'appel à la justice salvatrice de l'amour-propre pour le rendre totalement inintelligible...

Une pétition signée par 23'000 personnes, c'est rare : c'est le cas de la pétition lancée pour soutenir les émissions religieuses de la radio et de la télé publiques suisse romande, émissions menacées par les mesures d'économie décidées par le medium public. On peut donc supposer que ces émissions ont au moins 23'000 téléspacteurs et auditeurs. Le Conseiller national PS Jacques-André Maire résume ce qui peut en effet être considéré comme une tâche de service public (que les media privés n'ont aucun intérêt à assurer) : « les analyses sur les faits religieux, leur décryptage et leur interprétation sont plus nécessaires que jamais, notamment en raison de la montée des intégrismes ». Lesquels intégrismes ne supportent précisément pas que l'on analyse, décrypte et interprète : on doit psalmodier, bégayer, suivre à la lettre et croire. Point barre. La RTS, qui a reçu la pétition, se dit ouverte à la réflexion sur « une nouvelle offre de programme ». A condition qu'elle ne remette pas en cause les économies budgétaires (le budget des émissions religieuses a été réduit à 1,6 million, et la SSR doit économiser 40 millions pour compenser la suppression de la TVA sur la redevance payée par les auditeurs et téléspectateurs). Le choc historique de la culture religieuse et de la position du comptable accroupi s'annonce donc saignant.

Jean-Claude Gandur s'y refusait, Sami Kanaan s'y était engagé : la convention liant la Ville de Genève et (ou « à »...) la Fondation Gandur pour l'Art (FGA) a finalement été révisée. Une révision qui tient surtout du toilettage (bienvenu) et de la clarification (bienvenue), puisque sa finalité reste la même (l'exposition d'une partie des collections de la FGA par le Musée d'Art et d'Histoire rénové et agrandi, en échange d'une participation de 40 millions de francs de la FGA à cette rénovation et cet agrandissement). Les modalités de la collaboration entre la Ville (concrètement, le MAH) et la FGA ont donc été clarifiées. « Notre but n'est pas de convaincre les opposants » au projet de rénovation-extension, « mais les indécis », a précisé Sami Kanaan. Et va y avoir du boulot. Parce que l'annonce de la révision de la convention a été quelque peu éclipsée par celle de la procédure pénale engagée par Jean-Claude Gandur contre le quotidien « Le Courrier », pour le portrait fait de lui dans le journal, en mai dernier. Euphémique, Sami Kanaan a regretté « ce conflit contre-productif » -contre-productif du point de vue des partisans du projet, mais fort utile du point de vue des opposants. Au point qu'on finit par se demander si Gandur n'en fait pas lui-même partie...

vendredi 15 janvier 2016

Musée d'Art et d'Histoire, Nouvelle Comédie : Périlleuse conjonction d'enjeux


L'année politique qui s'ouvre va sceller le sort de deux projets d'investissements lourds dans deux institutions culturelles pérennes : le Musée d'Art et d'Histoire (on  votera le 28 février sur le projet de sa rénovation et de son extension, tel qu'approuvé par le Conseil Municipal, et contesté par un référendum populaire) et la Nouvelle Comédie, projet lui aussi approuvé par le Conseil Municipal mais ensablé au Grand Conseil par les palinodies du PLR cantonal, et menacé d'un référendum par l'UDC et le MCG. La conjonction des ces deux enjeux, auxquels il faut ajouter le référendum contre les coupes budgétaires en Ville de Genève, est périlleuse : elle met en évidence les contradictions de la plupart des forces politiques genevoises (à deux exceptions, antagoniques près, le PS et l'UDC) sur les enjeux culturels. Dans les deux cas du Musée et du Théâtre, les projets ont été approuvés par le Conseil Municipal par des majorités différentes : la gauche, le PDC et le PLR (celui de la Ville, contre celui du canton...) pour la Nouvelle Comédie, une partie de la gauche (le PS et une partie des Verts) et une partie de la droite (le PLR, le PDC et le MCG) contre une autre partie de la gauche (Ensemble à Gauche) et de la droite (l'UDC) pour le MAH+... toute la gauche se retrouvant pour s'opposer aux coupes budgétaires assénées par toute la droite dans le budget culturel (notamment).

"La culture coûte cher ? Essayez l'ignorance"

On a vu l'affiche du comité référendaire contre la rénovation-extension du Musée d'Art et d'Histoire. Très réussie, et très marrante, s'agissant du dessin (un Nosferatu-Nouvel ricanant du plus bel effet, piétinant le bâtiment du MAH). Et très... comment dire... disons "démagopopuliste" côté slogan... avec une lourde insistance sur le coût du projet, alors que la question déterminante est celle de son contenu culturel... Bon, disons que le dessin est la marque d'Ensemble à Gauche et le slogan celle de l'UDC et restons-en là.... De toute façon, ce qu'on a vu des affiches communes des partisans du projet n'est pas plus convainquant, s'agissant précisément du projet culturel : c'est joli, de nous montrer un casque savoyard de l'époque de l'Escalade, ou la Pêche Miraculeuse de Konrad Witz, mais ça ne justifie toujours pas l'extension du musée puisque et le casque et le Witz sont déjà exposés dans le musée actuel... (dont la rénovation n'étant contestée par personne, si elle risque fort d'être refusée en même temps que l'extension puisque de subtils tacticiens ont cru intelligent de lier les deux objets dans un seul crédit, et qu'on ne peut donc plus accepter l'un et refuser l'autre...),

Au fond, les deux seuls partis politiques défendant, par leur mot d'ordre sur le projet MAH+, une ligne cohérente, sont l'UDC et le PS : la première s'oppose à ce projet comme elle s'oppose généralement à tout projet culturel d'envergure, quel qu'il soit, le second soutient ce projet culturel comme il soutient tout projet culturel d'envergure, précisément parce qu'il s'agit d'un projet culturel. Cette cohérence se vérifie dans la conjonction de leurs mots d'ordres sur le MAH d'une part, et la Nouvelle Comédie d'autre part : l'UDC est opposée aux deux, le PS les soutient les deux. Cette cohérence se vérifie aussi dans leur attitude quant aux budgets culturels en général (subventions ou prises en charge directe)  : l'UDC veut les pomper pour gonfler les budgets sportifs et accroître les excédents budgétaires globaux, le PS veut les maintenir, voire les accroître. Tous les autres partis ont, sur ces enjeux, des positions contradictoires : Contre le MAH et pour la Nouvelle Comédie (Verts, EàG), ou contre la Nouvelle Comédie et pour le MAH (PLR cantonal, MCG), ou pour les deux mais pour les restrictions des budgets culturels (PDC)...

Bref, si on veut faire émerger dans le débat référendaire sur le MAH, quelque chose qui ressemble à un discours culturel, il va falloir qu'on s'accroche, que ce soit pour, au bout du compte, soutenir ou combattre le projet soumis au peuple. De cette nécessité de faire entrer dans la campagne un discours qui ne soit ni celui d'une adhésion béate à une extension justifiée essentiellement par le besoin d'exposer plus d'objets, ni celui d'une opposition poujadiste à toute dépense culturelle, le PS s'est rendu compte, puisque sa campagne, distincte de celle du comité "oui au Musée", s'articule autour du slogan "La culture, toute la culture", ce qui va permettre d'au moins, quoi que l'on pense (et dise) du projet Nouvel-Jucker, de faire la différence entre le discours de la droite (l'Entente) et de l'extrême-droite (le MCG) qui soutiennent une dépense publique de 65 millions pour ce projet Nouvel-Jucker tout en coupant dans les subventions culturelles... et même dans les crédits de fourniture pour le Musée existant...

A cette nécessaire mise en évidence du soutien schizophrénique du PDC, du PLR et du MCG à un investissement de 80 millions dans le même temps où ces partis hurlent à la mort de la Ville pour cause de dette, et charcutent les crédits à la culture à proclamant qu'on en fait trop dans ce domaine, soit s'ajouter une non moins nécessaire réponse de gauche -mais celle-là peut aboutir au soutien du projet comme à son refus- à une campagne d'opposition qui serait fondée essentiellement sur le coût du projet : "la culture coûte trop cher ? essayez l'ignorance !"...
Le pire étant que certains, à droite, sont prêts à le tenter, cet essai...

lundi 11 janvier 2016

Brèves

La culture à Genève est aujourd’hui attaquée de toutes parts.
Après les coupes annoncées par le Canton, la majorité du Conseil municipal de la Ville de Genève a imposé des coupes à hauteur de 2,5 millions de francs pour nos secteurs d’activités, alors que le budget présenté par le Conseil administratif était excédentaire de 8,2 millions de francs. Ces coupes n’avaient donc pas lieu d’être et pourtant elles représentent :
- 2 % à toutes les structures subventionnées (groupe 36) ;
- 10 % dans les fonds généraux destinés à la création artistique et au soutien des artistes et compagnies indépendantes (groupe 36) ;
- 2,5 % dans les prestations culturelles et sociales offertes à la population (groupe 31).

Elles interviennent alors que le secteur culturel est déjà fragilisé par un alourdissement des procédures administratives et de nouvelles dispositions légales cantonales contraignantes (Loi sur la culture, Loi sur la répartition des tâches, Loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement).

Ces coupes ont été décidées sans consultation des milieux concernés et sans réflexion sur leurs réels impacts. Les répercussions sur l’offre culturelle et le rayonnement de notre ville seront lourdes à court et long termes. Ce sont non seulement des institutions, des associations, des emplois (artistes, créateurs, personnel technique et administratif, artisans, etc.), et des lieux de travail qui sont en danger, mais plus largement la place de la culture dans notre société.

La culture, dans toute sa diversité, est une force vitale et dynamique pour notre cité. Nous invitons les électeurs et électrices de la Ville de Genève à signer les deux référendums pour dire :
NON à la destruction des moyens de création ;
NON à la diminution des événements culturels ;
NON à la restriction de l’accès à la culture pour les citoyennes et citoyens ;
NON à l’affaiblissement aux secteurs social et culturel, et de la fonction publique.

Signez et faites signer les référendums aujourd’hui, afin de garantir un paysage culturel diversifié, des moyens de créations adaptés, des événements culturels de qualité, et surtout une culture accessible à toutes et à tous!
www.laculturelutte.ch / contact@laculturelutte.ch

On a vu l'affiche du comité référendaire contre la rénovation-extension du Musée d'Art et d'Histoire. Très réussie, et très marrante, côté dessin (un Nosferatu-Nouvel ricamant du plus bel effet, piétinant le bâtiment du MAH). Et très... comment dire... démagopopuliste côté slogan... avec lourde insistance sur le coût du projet, alors que la question déterminante est celle de son conmtenu culturel... Bon, disons que le dessin est la marque d'Ensemble à Gauche et le slogan celle de l'UDC et restons-en là.... De toute façon, ce qu'on a vu des affiches communes des partisans du projet n'est pas plus convainquant, s'agissant précisément du projet culturel : c'est joli, de nous montrer un casque savoyard de loque de l'Escalade, ou la Pêche Miraculeuse de Witz, mais ça ne justifie toujours pas l'extension du musée (sa rénovation n'étant contestée par personne, si elle risque fort d'être refusée en même temps que l'extension puisque de subtils tacticiens ont cru intelligent de lier les deux objets dans un seul crédit, et qu'on ne peut donc plus accepter l'un et refuser l'autre...), puisque et le casque et le Witz sont déjà exposés dans le musée actuel... Bref, si on veut faire émerger dans le débat quelque qui ressemble à un discours culturel, va falloir qu'on s'accroche, que ce soit pour, au bout du compte, soutenir ou combattre le projet soumis au peuple. De cette nécessité de faire entrer dans la campagne un discours qui ne soit ni celui d'une adhésion béate à une extension justifiée uniquement par le besoin d'exposer plus d'objets, ni celui d'une opposition poujadiste à toute dépense culturelle, le PS s'en est rendu compte, puisque sa campagne, distincte de celle du comité "oui au Musée", s'articule autour du slogan "La culture, toute la culture", ce qui va permettre d'au moins faire la différence entre son discours et celui de la droite (l'Entente) et de l'extrême-droite (le MCG) qui soutiennent une dépense de 80 millions pour le projet Nouvel-Jucker (co-financé par la fondation  Gandur) tout en coupant dans les subventions culturelles... et même dans les crédits de fourniture pour le Musée existant... A cette nécessaire différence d'un soutien de gauche avec le soutien schizophrénique du PDC, du PLR et du MCG à un investissement de 80 millions dans le même temps où ces partis hurlent à la mort de la Ville pour cause de dette, et charcutent les crédits à la culture à proclamant qu'on en fait trop dans ce domaine, s'ajoute la non moins nécessaire réponse de gauche -mais celle-là peut aboutir au soutien du projet comme à son refus- à une campagne d'opposition qui serait fondée essentiellement sur le coût du projet : "la culture coûte trop cher ? essayez l'ignorance !"...

Au cas où, mardi prochain (12 janvier) à 19 heures 30, le PS organise (à son siège, rue des Voisins) une discussion publique sur les enjeux culturels liés à l’agrandissement du Musée, avec Jean-Yves Marin et Sami Kanaan...

mardi 5 janvier 2016

Il faut fermer l'Usine. Pis c'est tout.


Bonne résolution de fin et de début d'année, à droite :
Il faut fermer l'Usine. Pis c'est tout.


Et soudain, dans la nuit d'un samedi et d'un dimanche de décembre dernier, à Genève, les GPS médiatiques et les boussoles politiques s'affolèrent et les cartes de géographie se brouillèrent : éditorialistes et correspondants se mirent, après une manif "sauvage" ayant "dégénéré" en tags et casses de vitrines, à confondre Genève et Sarajevo. Genève "défigurée", sanglotait "Le Temps", qui évoquait aussi le "chaos", la "Tribune" préférant écrire d'un "grand saccage". Lorsqu'un èmecégiste avait comparé une précédente manif et les tags qu'elle avait laissé derrière elle à la "Nuit de Cristal" nazie, on s'était indignés. Là, on se contentera de ricaner.  On a les débuts d'années débonnaires.

On a les Caton qu'on peut, ils ont les Carthage qu'ils méritent


Sa vitrine éclatée, et la façade du Grand Théâtre peinturlurée, Gominator tempête : "Il faut fermer l'Usine". Les Gominatorettes embraient : "Il faut fermer l'Usine". Chez eux, c'est un réflexe : quoiqu'il se soit passé, "Il faut fermer l'Usine". L'Arve déborde ? "Il faut fermer l'Usine". Les instits sont en grève ? "Il faut fermer l'Usine". De possibles djihadistes sont signalés dans le région ? "Il faut fermer l'Usine". Le canton n'a pas de budget ? "Il faut fermer l'Usine". On a les Caton qu'on peut, ils ont les Carthage qu'ils méritent. Lorsque des hooligans casseront, comme ils aiment aussi le faire -mais sans cause, eux- au sortir d'un match à la Praille, Gominator et les Gominatorettes exigeront surement, de même, la fermeture du stade. Surement. D'ailleurs, les gars du Black Block, là, pour la prochaine manif, celle qui rassemblera 5000 personnes tous les samedis après la fermeture de l'Usine, si vous voulez vraiment casser, ne vous arrêtez pas devant le Grand Théâtre, continuez jusqu'au Stade de la Praille...

Mais faut pas croire, quand même : à droite, ils n'ont pas tous en tête que "fermer l'Usine". Mais ils ont tous en tête de couper dans les subventions et les soutiens à la culture ("réduire la voilure", qu'ils disent, ces régatiers du budget). Dont celles à l'Usine, évidemment, mais pas seulement. Toutes les subventions à la culture, on vous dit. Toutes ou presque : ils ont exempté le Grand Théâtre de coupe. Le meilleur moyen d'attirer sur lui pots de peintures et huile de vidange. Notez qu'ils ont aussi coupé dans les subventions sociales. Ben oui, y'a pas de raison, les pauvres, c'est comme les cultureux : parasitaires. Par contre, ils n'ont rien coupé dans les cadeaux que la Ville fait à ses conseillers municipaux. Faut pas mélanger les torchons et les serviettes : nous (les serviettes, donc) on a des droizaquis. On va donc couper dans la subvention à la Coulou ou au Caré, qui offrent des repas aux nécessiteux, mais pas dans les indemnités repas des zélus municipaux. On va aussi couper dans les subventions de l'association de défense des chômeurs et de l'association de lutte contre l'injustice sociale et la précarité, mais pas dans nos jetons de présence. Parce qu'on les vaut, nos jetons de présence. Et puis on va couper dans les subventions aux colonies de vacances. Mais pas dans les participations aux petits voyages des commissions du Conseil Municipal. Parce qu'on a besoin de prendre l'air. Même si on n'en manque pas, d'air. Quant à la culture, on coupera dans les subventions aux théâtres, aux orchestres, aux galeries, aux musées... mais on se gardera les places gratuites pour les concert de l'OSR (à qui on a chouravé 200'000 balles) au Victoria Hall. C'est tout nous, ça : la culture, on aime. C'est les cultureux qu'on n'aime pas.

Du haut de notre tour d'ivoire, tel Simon le Stylite observant chaque paroisse instruisant un procès en hérésie, les unes celui des lieux alternatifs acceptant de recevoir des subventions, les autres celui des élus ne renonçant pas à tenter de comprendre les raisons d'une colère briseuse de vitrines et tagueuse de façade, on s'est trouvé alors, à peu de frais, d'une intelligence exceptionnelle. Quoique fort relative aux invectives réciproques des tribus adversaires. D'un côté le Black Block, de l'autre le Right Block, on est servis.

D'ailleurs, il faut fermer l'Usine.