vendredi 15 janvier 2016

Musée d'Art et d'Histoire, Nouvelle Comédie : Périlleuse conjonction d'enjeux


L'année politique qui s'ouvre va sceller le sort de deux projets d'investissements lourds dans deux institutions culturelles pérennes : le Musée d'Art et d'Histoire (on  votera le 28 février sur le projet de sa rénovation et de son extension, tel qu'approuvé par le Conseil Municipal, et contesté par un référendum populaire) et la Nouvelle Comédie, projet lui aussi approuvé par le Conseil Municipal mais ensablé au Grand Conseil par les palinodies du PLR cantonal, et menacé d'un référendum par l'UDC et le MCG. La conjonction des ces deux enjeux, auxquels il faut ajouter le référendum contre les coupes budgétaires en Ville de Genève, est périlleuse : elle met en évidence les contradictions de la plupart des forces politiques genevoises (à deux exceptions, antagoniques près, le PS et l'UDC) sur les enjeux culturels. Dans les deux cas du Musée et du Théâtre, les projets ont été approuvés par le Conseil Municipal par des majorités différentes : la gauche, le PDC et le PLR (celui de la Ville, contre celui du canton...) pour la Nouvelle Comédie, une partie de la gauche (le PS et une partie des Verts) et une partie de la droite (le PLR, le PDC et le MCG) contre une autre partie de la gauche (Ensemble à Gauche) et de la droite (l'UDC) pour le MAH+... toute la gauche se retrouvant pour s'opposer aux coupes budgétaires assénées par toute la droite dans le budget culturel (notamment).

"La culture coûte cher ? Essayez l'ignorance"

On a vu l'affiche du comité référendaire contre la rénovation-extension du Musée d'Art et d'Histoire. Très réussie, et très marrante, s'agissant du dessin (un Nosferatu-Nouvel ricanant du plus bel effet, piétinant le bâtiment du MAH). Et très... comment dire... disons "démagopopuliste" côté slogan... avec une lourde insistance sur le coût du projet, alors que la question déterminante est celle de son contenu culturel... Bon, disons que le dessin est la marque d'Ensemble à Gauche et le slogan celle de l'UDC et restons-en là.... De toute façon, ce qu'on a vu des affiches communes des partisans du projet n'est pas plus convainquant, s'agissant précisément du projet culturel : c'est joli, de nous montrer un casque savoyard de l'époque de l'Escalade, ou la Pêche Miraculeuse de Konrad Witz, mais ça ne justifie toujours pas l'extension du musée puisque et le casque et le Witz sont déjà exposés dans le musée actuel... (dont la rénovation n'étant contestée par personne, si elle risque fort d'être refusée en même temps que l'extension puisque de subtils tacticiens ont cru intelligent de lier les deux objets dans un seul crédit, et qu'on ne peut donc plus accepter l'un et refuser l'autre...),

Au fond, les deux seuls partis politiques défendant, par leur mot d'ordre sur le projet MAH+, une ligne cohérente, sont l'UDC et le PS : la première s'oppose à ce projet comme elle s'oppose généralement à tout projet culturel d'envergure, quel qu'il soit, le second soutient ce projet culturel comme il soutient tout projet culturel d'envergure, précisément parce qu'il s'agit d'un projet culturel. Cette cohérence se vérifie dans la conjonction de leurs mots d'ordres sur le MAH d'une part, et la Nouvelle Comédie d'autre part : l'UDC est opposée aux deux, le PS les soutient les deux. Cette cohérence se vérifie aussi dans leur attitude quant aux budgets culturels en général (subventions ou prises en charge directe)  : l'UDC veut les pomper pour gonfler les budgets sportifs et accroître les excédents budgétaires globaux, le PS veut les maintenir, voire les accroître. Tous les autres partis ont, sur ces enjeux, des positions contradictoires : Contre le MAH et pour la Nouvelle Comédie (Verts, EàG), ou contre la Nouvelle Comédie et pour le MAH (PLR cantonal, MCG), ou pour les deux mais pour les restrictions des budgets culturels (PDC)...

Bref, si on veut faire émerger dans le débat référendaire sur le MAH, quelque chose qui ressemble à un discours culturel, il va falloir qu'on s'accroche, que ce soit pour, au bout du compte, soutenir ou combattre le projet soumis au peuple. De cette nécessité de faire entrer dans la campagne un discours qui ne soit ni celui d'une adhésion béate à une extension justifiée essentiellement par le besoin d'exposer plus d'objets, ni celui d'une opposition poujadiste à toute dépense culturelle, le PS s'est rendu compte, puisque sa campagne, distincte de celle du comité "oui au Musée", s'articule autour du slogan "La culture, toute la culture", ce qui va permettre d'au moins, quoi que l'on pense (et dise) du projet Nouvel-Jucker, de faire la différence entre le discours de la droite (l'Entente) et de l'extrême-droite (le MCG) qui soutiennent une dépense publique de 65 millions pour ce projet Nouvel-Jucker tout en coupant dans les subventions culturelles... et même dans les crédits de fourniture pour le Musée existant...

A cette nécessaire mise en évidence du soutien schizophrénique du PDC, du PLR et du MCG à un investissement de 80 millions dans le même temps où ces partis hurlent à la mort de la Ville pour cause de dette, et charcutent les crédits à la culture à proclamant qu'on en fait trop dans ce domaine, soit s'ajouter une non moins nécessaire réponse de gauche -mais celle-là peut aboutir au soutien du projet comme à son refus- à une campagne d'opposition qui serait fondée essentiellement sur le coût du projet : "la culture coûte trop cher ? essayez l'ignorance !"...
Le pire étant que certains, à droite, sont prêts à le tenter, cet essai...

Aucun commentaire: