jeudi 21 janvier 2016

Brèves


On se permettra de trouver profondément navrante la polémique surgie autour de l'affiche du comité référendaire contre la rénovation du MAH, affiche réalisée par Excem et reprenant l'imagerie du « Nosferatu »  de Murnau, en la détournant pour en faire une métaphore de la menace que ferait, selon les opposants, peser sur le bâtiment du MAH le projet (ou ce qu'il en reste) attribué à Jean Nouvel (dont on reconnaîtra les traits sous ceux de Nosferatu).  D'aucuns ayant cru bon d'accuser le dessinateur de reprendre une imagerie d'extrême-droite des années trente, à contenu antisémite, on rappellera ce qui suit, histoire de faire un peu d'alphabétisation culturelle :
1. Le dessin d'Excem reprend donc l'imagerie du film de Murnau, «Nosferatu». Un chef d'oeuvre du cinéma allemand, du cinéma expressionniste, du cinéma fantastique -et du cinéma tout court, salué comme tel par les surréalistes. Le film date de 1922. Le nazisme n'est alors qu'un mouvement totalement marginal. Et Murnau est mort avant l'arrivée au pouvoir de Hitler et de sa bande, sans jamais en avoir été proche.
2. Le film et son réalisateur sont exemplaires de l’expressionnisme allemand. Ce courant culturel (essentiellement cinématographique, pictural, mais inspirant tous les autres champs culturels) est fondamentalement antifasciste et antinazi, et a été traité comme tel (et ses créateurs avec lui), comme manifestation de l'« art dégénéré » par les nazi.
3. Le « Nosferatu » de Murnau est une adaptation du « Dracula » de l'écrivain irlandais Bram Stocker. Le personnage central (Nosferatu, Dracula) du roman, est lui-même inspiré d'un personnage historique, le voïvode roumain Vlad Tepes, dit « Vlad l'empaleur », dont le roman fait un homme se vengeant par le vampirisme (et l'éternité) de la douleur d'avoir perdu son épouse. Il n'y a aucun fond antisémite (ni, évidemment, fasciste ou nazi) dans le roman de Stocker, ni dans le film de Murnau (pas plus qu'il y en a dans le Frankenstein de Mary Shelley).
4. La figure du vampire a en effet été largement utilisée par les antisémites pour symboliser ce qu'ils voyaient en les juifs. Ou en les « bolchéviks ». Mais elle a tout aussi souvent été utilisée par la gauche révolutionnaire pour symboliser les capitalistes... et par les antifascistes et les antinazis pour symboliser le fascisme et le nazisme. Le vampire, c'est l'ennemi, quel que soit l'ennemi. Le détournement d'une figure littéraire (ou cinématographique) à des fins de communication politique est une constante de l'histoire de la communication politique depuis 200 ans, tous courants politiques confondus.
5. Les procès d'intention reposent le plus souvent sur une ignorance crasse. Celui auquel il est fait allusion ici n'échappe pas à la règle.
6. Rien dans ce qui vient d'être écrit ne préjuge de la position de celui qui l'a écrit au sujet de l'enjeu du vote du 28 février (et de l'affiche des référendaires).
7. Procurez-vous le film de Murnau en DVD ou en téléchargement, et voyez-le, ou revoyez-le : c'est un pur chef d'oeuvre...

LA CULTURE LUTTE : NON AUX COUPES BUDGÉTAIRES
EN VILLE DE GENÈVE
La culture à Genève est aujourd’hui attaquée de toutes parts. Après les coupes annoncées par le Canton, la majorité du Conseil municipal de la Ville de Genève a imposé des coupes à hauteur de 2,5 millions de francs pour nos secteurs d’activités, alors que le budget présenté par le Conseil administratif était excédentaire de 8,2 millions de francs.

NON à la destruction des moyens de création ;
NON à la diminution des événements culturels ;
NON à la restriction de l’accès à la culture pour les citoyennes et citoyens ;
NON à l’affaiblissement des secteurs social et culturel, et de la fonction publique.

Signez et faites signer les référendums aujourd’hui, afin de garantir un paysage culturel diversifié, des moyens de créations adaptés, des événements culturels de qualité, et surtout une culture accessible à toutes et à tous !

Plus d’infos, les feuilles de signatures et les flyers, tout ça est téléchargeable sur :
http://laculturelutte.ch/

Ce n'est qu'un débat, continuons le confus : on salue comme elle le mérite (et elle le mérite hautement) l'engagement de Jean-Claude Gandur dans la campagne contre le projet Nouvel-Jucker d'extension du Musée d'Art et d'Histoire, dont il est partenaire financier : L'homme d'affaires a déposé deux plaintes contre «Le Courrier», pour calomnie, diffamation et atteinte à l’honneur, à la suite de la parution dans le quotidien d'un dossier lui étant consacré et qui lui a fort déplu. Déjà que le débat s'annonçait particulièrement confus, il ne manquait plus que l'appel à la justice salvatrice de l'amour-propre pour le rendre totalement inintelligible...

Une pétition signée par 23'000 personnes, c'est rare : c'est le cas de la pétition lancée pour soutenir les émissions religieuses de la radio et de la télé publiques suisse romande, émissions menacées par les mesures d'économie décidées par le medium public. On peut donc supposer que ces émissions ont au moins 23'000 téléspacteurs et auditeurs. Le Conseiller national PS Jacques-André Maire résume ce qui peut en effet être considéré comme une tâche de service public (que les media privés n'ont aucun intérêt à assurer) : « les analyses sur les faits religieux, leur décryptage et leur interprétation sont plus nécessaires que jamais, notamment en raison de la montée des intégrismes ». Lesquels intégrismes ne supportent précisément pas que l'on analyse, décrypte et interprète : on doit psalmodier, bégayer, suivre à la lettre et croire. Point barre. La RTS, qui a reçu la pétition, se dit ouverte à la réflexion sur « une nouvelle offre de programme ». A condition qu'elle ne remette pas en cause les économies budgétaires (le budget des émissions religieuses a été réduit à 1,6 million, et la SSR doit économiser 40 millions pour compenser la suppression de la TVA sur la redevance payée par les auditeurs et téléspectateurs). Le choc historique de la culture religieuse et de la position du comptable accroupi s'annonce donc saignant.

Jean-Claude Gandur s'y refusait, Sami Kanaan s'y était engagé : la convention liant la Ville de Genève et (ou « à »...) la Fondation Gandur pour l'Art (FGA) a finalement été révisée. Une révision qui tient surtout du toilettage (bienvenu) et de la clarification (bienvenue), puisque sa finalité reste la même (l'exposition d'une partie des collections de la FGA par le Musée d'Art et d'Histoire rénové et agrandi, en échange d'une participation de 40 millions de francs de la FGA à cette rénovation et cet agrandissement). Les modalités de la collaboration entre la Ville (concrètement, le MAH) et la FGA ont donc été clarifiées. « Notre but n'est pas de convaincre les opposants » au projet de rénovation-extension, « mais les indécis », a précisé Sami Kanaan. Et va y avoir du boulot. Parce que l'annonce de la révision de la convention a été quelque peu éclipsée par celle de la procédure pénale engagée par Jean-Claude Gandur contre le quotidien « Le Courrier », pour le portrait fait de lui dans le journal, en mai dernier. Euphémique, Sami Kanaan a regretté « ce conflit contre-productif » -contre-productif du point de vue des partisans du projet, mais fort utile du point de vue des opposants. Au point qu'on finit par se demander si Gandur n'en fait pas lui-même partie...

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