dimanche 23 août 2015

MAH+ : vivement qu'on vote...


   
     On va donc sans doute voter (probablement au début de l'année prochaine, histoire de pas perturber les élections fédérales de cet automne) sur le projet de rénovation et d'extension du Musée d'Art et d'Histoire de Genève. Ce "et" qui ficèle rénovation et extension a toute son importance : il ne sera pas possible de soutenir l'indispensable rénovation d'un musée qui commence à tomber en morceaux sur ses visiteurs et son personnel, sans soutenir en même son extension selon un projet contesté de maintes parts -ni sans accepter son financement lui aussi contesté. Et il ne sera donc pas possible, pour la même raison, de voter "non" à ce projet d'extension sans voter en même temps "non" à la rénovation du vieux bâtiment de Marc Camoletti. "Sans rénovation rapide, le MAH devra fermer, rappelle la co-présidente du comité de soutien ("MAH+) au projet soumis au vote. Elle a raison, Charlotte de Sénarclens. Sauf qu'en ficelant la rénovation du musée à son extension dans la version Nouvel-Jucker, les partisans de celle-ci, y compris le Conseil administratif et le Conseil Municipal, ont pris le risque de sacrifier celle-là. Autrement dit, de sacrifier l'indispensable sur l'autel du (forcément) contestable (tout projet l'est).

Deux représentants des Ateliers Jean Nouvel, invités en avril par le "Cercle de soutien au MAH", ont qualifié de "dogmatiques" les oppositions au projet, et assuré ne pas être "ébranlés par les convictions de la partie adverse (car) tout cela semble très politique" (un mot grossier, "politique", apparemment). Soit. Alors, soyons dogmatique. Et politique puisque référendum il y a eu, qu'il a très vraisemblablement abouti, que vote populaire très vraisemblablement il y aura, et que débat politique il pourra donc, peut-être, éventuellement, y avoir (quoi de plus "politique" en effet qu'un référendum populaire ?), et pas seulement un étripage sur le pognon ou les vieilles pierres...  "Les opposants se battent contre autre chose que le projet architectural", ajoutent nos nouvelophiles (qui se trompent en tout cas sur les motivations des opposants pour des raisons patrimoniales qui, eux, se battent précisément contre le projet architectural, et ont récolté plus de la moitié des signatures du référendum).

Pourquoi rénover et agrandir un musée, qu'y mettre, et qui y convier ?  "Premier objet de la collection, le bâtiment (du musée) est au service du contenu", écrit le MAH  en octobre 2014, dans ses "éléments pour un projet culturel". Alors, certes, sur l'ensemble des oeuvres et objets qu'il conserve, le MAH actuel ne peut en exposer que 1,5 %, faute de place. Le projet Nouvel-.Jucker prévoit de rendre possible l'exposition de 8 % des collections, y compris celles d'horlogerie et d'instruments anciens de musique. Mais peut-on partir du besoin d'exposer toutes les pièces détenues par le musée pour en justifier l'extension ? Va-t-on exposer les 20'000 pièces de la collection d'horlogerie ? tous les pistolets, toutes les hallebardes, toutes les armures, toutes les croûtes dont on a accepté la donation parce qu'une pièce de valeur s'y était glissée et qu'on ne pouvait l'accepter sans accepter aussi les croûtes ?

Un musée n'est pas une Maison de quartier ou un centre de loisirs. Il n'importe guère à sa fonction qu'il soit doté d'un restaurant panoramique (même offrant "une vue unique sur le Vieille-Ville et la rade, de jour comme de nuit", ainsi que le MAH le vante)-et un conservateur est autre chose qu'un chargé de com'... Pour un musée comme pour n'importe quel équipement culturel, il ne suffit plus d'exister, il faut aussi pouvoir justifier son existence et le soutien matériel reçu de la collectivité. De cette justification, sans doute la fréquentation, l'audience, peuvent-elle être un critère (en en tout cas un argument pour obtenir un financement), mais à en faire le critère essentiel, on ravalerait l'institution (le musée) au rang d'un centre commercial ou d'un parc d'animation -or on  parle ici du MAH, pas de Disneyland... même si l'ombre de l'Oncle Picsou plane sur le dossier.

Optimistes comme on est (forcément, on est de gauche..), on attend donc que s'ouvre vraiment un vrai débat sur le projet de nouveau Musée d'Art et d'Histoire dans les murs de l'ancien. Un débat sur l'impact architectural du projet, bien sûr (ce débat là est déjà lancé), sur son financement (et le fameux "partenariat public-privé" qui l'assure, avec l'apport de la Fondation Gandur pour l'Art), et sur le projet culturel qui justifie l'effort proposé à la Ville de Genève.  Après le vote du Conseil Municipal, favorable (par 49 voix contre 25) au projet d'extension du Musée d'Art et d'Histoire qu'il co-finance avec la Ville de Genève, l'homme d'affaire et collectionneur Jean-Claude Gandur, ravi de ce vote, a admis que, référendum oblige, "de toute façon, le peuple décidera. C'est sa ville et c'est son musée" ("20 Minutes" du 22 mai).
On ne saurait mieux dire, camarade...