lundi 3 octobre 2011

Projet d'agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire :Echec et MAH ?

Le Conseil administratif de la Ville de Genève présente au Conseil municipal, la semaine prochaine (et aujourd'hui aux media, lors d'une conférence de presse) une demande de crédit d'étude complémentaire de deux millions et demi (après celui de 3 millions et demi voté en 2007) pour le projet « Nouvel » d'agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire -mais seulement pour ce projet, modifié (deuxième entrée publique, plate-forme élévatrice, deux niveaux supplémentaires nouveaux espaces pour les collections d'horlogerie, émaillerie, bijouterie, miniatures, instruments anciens de musique, jardin des sculptures sur le promenade de l'Observatoire) et dont le coût estimé à été revu à la hausse de plus de 50 % (il passe de 80 à 127 millions). Or ce projet a désormais une alternative... dont on ne saura ce qu'elle vaut que si on consent à l'étudier aussi...

denak ala inor ez, dena ala ezer ez ?*


S'agissant du Musée d'Art et d'Histoire de Genève, le seul point qui fasse consensus est la nécessité de la rénovation et de l'agrandissement de son bâtiment principal. De sa rénovation, parce qu'après tout, le but d'un musée n'est pas de se transformer lui-même en objet de musée après s'être en partie effondré sur la tête de ses visiteurs. De son agrandissement, parce qu'une partie considérable de ses collections ne peut être exposée faute de place, et qu'un Musée est autre chose qu'un garde-meuble artistique. Mais au-delà de cette unanimité sur la rénovation et l'agrandissement du MAH pointent les doutes, les divergences, les oppositions. Jusqu'à il y a quelques mois, le seul projet en lice pour un nouveau musée était celui de Jean Nouvel (ou plutôt de son atelier), choisi par la Ville au terme d'une procédure dont on dire par euphémisme qu'elle n'a pas laissé grande place au pluralisme des projets. Et puis les choses ont changé : Un autre projet est aujourd'hui présenté par Patrimoine Suisse-Genève, qui envisage de creuser sous la butte de l'Observatoire pour y installer une extension du musée -extension à laquelle Patrimoine Suisse, qui combat le projet Nouvel, n'est donc pas opposée, si elle l'est à un projet à qui elle reproche de « bourrer » la cour intérieure du bâtiment de 1910, d'attenter à sa valeur patrimoniale et à l'esthétique du quartier, de faire disparaître l'apport de lumière naturelle dans les salles d'exposition et de hausser, du fait de l'implantation d'un restaurant panoramique en surélévation, le bâtiment au-dessus des toitures voisines (ce qui semble d'ailleurs illégal). Patrimoine Suisse-Genève considère que son projet, au contraire du projet Nouvel, préserve la cohérence du bâtiment actuel (inspiré du Petit Palais parisien), non sans en augmenter les surfaces plus encore que le projet Nouvel, qui prévoit certes la construire cinq niveaux supplémentaires dans la cour du musée, maisen consomme pour le musée privé que la fondation Gandur veut (ou voudrait, ou voulait, puisque la contestable convention qu'elle avait signée avec la Ville, c'est-à-dire Patrice Mugny, a été modifiée pour s'appliquer quelle que soit le projet finalement retenu) installer dans le musée public en échange de sa participation au financement du projet Nouvel. Patrimoine Suisse-Genève annonce qu'elle lancera un référendum contre le projet Nouvel si celui-ci était adopté par le Conseil Municipal. Si elle veut éviter de partir perdante dans un vote référendaire, la Ville devrait au moins, comme la demande lui en sera faite au Conseil Municipal, d'accepter d'étudier aussi le projet de Patrimoine Suisse. Car on le sait : tout projet culturel d'envergure (et le projet d'agrandissement du MAH en est un) est combattu (et le projet Nouvel le sera) pour une foultitude de raisons possibles et cumulables : pour des arbres que l'on couperait, pour un coût jugé excessif, pour un impact jugé négatif sur l'environnement, ou pour des raisons esthétiques, ou encore pour des raisons politiques : la Maison de la Danse à Lancy, le projet d'implantation du Musée d'ethnographie sur la place Sturm ont succombé à de telles oppositions -et si le Conseil Municipal de la Ville, ou le Conseil administratif, refusaient a priori d'étudier un projet alternatif au projet Nouvel, à toutes ces oppositions possibles s'ajouterait une accusation : celle d'avoir délibérément fermé le débat et de tenter de forcer la main de la Municipalité, voire des citoyens, en n'ayant étudié qu'un seul et unique projet quand au moins un autre a déjà été présenté. Le plus sûr moyen de couler un projet culturel est sans doute de le présenter comme le seul possible, le seul acceptable, le seul concevable, le pékin de base ne détestant rien tant que le fait accompli. Le « tout ou rien » auquel l'auteur de ces lignes est pourtant attaché dans bien des domaines, ou des postures, est la pire des stratégies concevables pour faire admettre à un Souverain populaire la nécessité d'un investissement de plusieurs dizaines de millions pour un musée qui en a besoin, mais qui pourrait bien en être privé par maladresse, ou par arrogance. Il serait bon que le Conseil Municipal et le Conseil administratif de la Ville de Genève s'en rendent compte, et que les mécènes privés qui se sont engagés à participer au financement du projet Nouvel, l'admettent.


* En basque : « Tout ou rien, tous ou personne »

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