samedi 15 janvier 2011

Brèves

La droite traditionnelle de la Ville de Genève (libéraux, radicaux, démo-chrétiens) a trouvé une porte ouverte à enfoncer : le statut du Grand Théâtre. Dont elle fait mine de se préoccuper, dans une motion déposée au Conseil Municipal -mais qui ne sera pas traitée avant des mois, alors que la Fondation du Grand Théâtre doit elle-même rendre un rapport, élaboré par l'ancien Conseiller d'Etat Guy Olivier Segond, sur les trois termes de l'alternative qui s'offre à la Ville : un statu quo amélioré (le GTG reste une Fondation de droit public), l'« autonomisation » (réclamée par la droite), et la gestion directe (l'opéra devient une institution municipale comme les grands musées). La droite municipale réclame la transformation de la Fondation du Grand Théâtre en institution autonome, dont « l'autonomie » n'empêcherait pas qu'elle soit sous perfusion financière de la Ville, qui lui consacre déjà entre 40 et 50 millions par année, mais priverait la Ville de la possibilité de tout contrôle réel sur l'institution qu'elle paie. Dans tous les cas, changer le statut du Grand Théâtre ne dépend même pas de la Ville, qui pourtant assure matériellement l'existence de l'institution, mais du Canton, puisque ce statut est voté par le Grand Conseil et a force de loi. Or le Canton n'accorde àl'opéra, pour tout soutien financier, que 50'000 francs, soit àpeine plus d'un millième de ce que la Ville lui accorde. On est donc dans l'intéressante situation où c'est celui qui ne paie pas qui commande, et celui qui paie qui doit se débrouiller pour trouver une solution aux incohérences du statut de l'institution -dont la majorité du personnel est, et sera de plus en plus, du personnel municipal, sous statut de la fonction publique municipale. Amusant, non ? Ben oui, ce sont les charmes discrets de la politique culturelle àla genevoise...

Alors que le projet de budget cantonal genevois proposé par le Conseil d'Etat contenait une (modeste) augmentation de deux millions de francs des fonds affectés au soutien àla culture, dont 400'000 francs destinés àla future Fondation romande du cinéma, la majorité de droite de la commission des Finances du Grand Conseil a proposé de supprimer ces augmentations. Le 17 décembre, le Grand Conseil pourrait suivre cet avis, la majorité politique étant la même en commission en en plénière. Ce qui donnerait un premier signal clair sur la réalité de la volonté affirmée par àpeu près tout le monde, après la remise du rapport de la commission d'experts créée pour plancher sur une nouvelle loi cantonale sur la culture (CELAC), d'un engagement plus fort du canton dans la politique culturelle, notamment par rapport àl'engagement déterminant de la Ville de Genève. Un signal clair : celui d'en rester au verbiage, et de n'assumer aucune charge matérielle supplémentaire. Un refus de la participation cantonale à la Fondation romande du cinéma, créée en partenariat avec d'autres cantons et avec les villes de Genève et Lausanne, dirait encore plus clairement ce que valent les discours de la droite genevoise sur le soutien àla culture : rien

« Le Courrier » de mardi nous l'apprend (sans d'ailleurs vraiment nous l'apprendre, parce qu'à vrai dire, on s'en doutait un peu, beaucoup) : l'extension et la rénovation du Musée d'Art et d'Histoire, liées au projet Nouvel, coûtera bien plus cher que prévu : autour des 100 millions, voire plus, au lieu des 80 millions prévus. Explications du directeur du MAH : l'intégration au MAH des pièces des anciens Musée de l'Horlogerie et Musée des Instruments anciens de musique s'ajoute au renchérissement des coûts de construction. Qui devrait payer les vingt millions (ou plus) de surcoûts ? La Ville et les donateurs privés devaient se partager la facture de 80 millions. Soit 40 millions pour la Ville, et 40 millions pour les privés, dont 20 millions garantis par la Fondation de Jean-Claude Gandur, en échange d'une convention qui lui accorde une part des nouveaux espaces du musée pour sa collection et ses bureaux, et charge la Ville de la presque totalité des dépenses liées à l'exposition des pièces de cette collection. Donc s'il faut trouver 20 millions supplémentaires, est-ce que la Ville devra en allonger dix et les privés également dix ? De toute façon, y'a pas de raison de paniquer : il est assez vraisemblable, pour user d'un euphémisme, qu'un référendum sera lancé contre le projet, que ce référendum aboutira, que le peuple devra voter -et s'il se confirme que la convention passée avec la Fondation Gandur revient àloger (et à payer) le musée privé du négociant en pétrole dans le musée public en échange de 20 millions, il est tout aussi vraisemblable que la gauche soutiendra le référendum et appellera à voter « non » au projet Nouvel. Qui ne coûterait donc rien du tout, puisqu'il ne se ferait pas.

On a lu ça, dans la prise de position de la «Conférence des villes (suisses) en matière culturelle », dont Genève fait évidemment partie :
« Bien que les villes aient conscience de la précarité des conditions financières et témoignent de la compréhension pour la politique financière prudente qui en résulte, nous déplorons la stagnation actuelle du volume des crédits destinés à l’encouragement de la culture et le fait que la Confédération ne veuille pas intensifier son engagement après l’entrée en vigueur de la LEC. Il n’existe aucune marge de manœuvre qui permettrait de poursuivre le développement des mesures d’encouragement sans entraîner de compensation budgétaire interne ainsi que l’étiolement des activités promotionnelles. La même remarque s’applique aux nouvelles tâches légales comme la formation musicale. Dans un cadre budgétaire constant, il devient inéluctable de déterminer des priorités dans les différentes mesures. Outre les tâches fixées dans la loi, telles l’encouragement du cinéma et la protection du patrimoine historique, il serait généralement souhaitable que la Confédération intensifie son engagement notamment dans les échanges internationaux ainsi que dans le soutien aux activités et institutions des villes d’importance nationale et / ou qui bénéficient d’un rayonnement international ».
Bon, ben c'est bien dit tout ça, on l'emballe et on livre tel quel au canton de Genève, y'a pas grand chose à changer pour que ça corresponde à ce que les villes genevoises auraient à dire au canton en matière de ressources financières allouées à la culture. Et là, c'est pas une Genferei de plus : simplement une déclinaison locale de l'inertie fédérale.

Une convention quadriennale de subventionnement a été signée en juin 2010 entre la Ville de Genève, le canton et l'Association pour la danse contemporaine (ADC). Elle accorde à l'ADC une subvention de la Ville de 773'200 francs, plus 40'000 francs pour la participation de l'ADC à la Fête de la Musique, et une subvention cantonale de 200'000 francs en 2010, 320'000 francs en 2011, 370'000 francs en 2012 et 400'000 francs en 2013. On progresse donc dans le partage des soutiens financiers à la culture entre la Ville et le canton. On progresse, mais prudemment. A petits pas soigneusement comptés : en 2013, la subvention cantonale n'atteindra toujours pas la moitié de la subvention municipale...

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