lundi 15 avril 2013

Fonds de tiroir

Donc, le chantier de la Nouvelle Comédie de Genève ne débutera pas comme prévu en 2016, mais en 2018. Au plus tôt. La faute à qui ? Au canton de Genève, qui ne pourra pas débloquer sa participation financière (45 millions, à hauteur de celle de la Ville) avant 2018, vu que s'il proclame sa volonté d'être désormais décisivement impliqué dans la politique culturelle, il est loin d'avoir accepté d'en assumer les conséquences. Mais la faute aussi à la majorité du Conseil Municipal de la Ville de Genève, qui a réduit les autorisations d'investissements et contraint le Conseil administratif à échelonner ceux qu'il proposait : d'abord le Grand Théâtre, puis le Musée d'Art et d'Histoire, enfin La Nouvelle Comédie. Pour laquelle il faudra d'ailleurs aussi consentir une rallonge de subvention par rapport à celle de la Comédie actuelle. Ben oui, Mesdames et Messieurs les Conseillers et llères d'Etat, députés et tées, conseillers et llères municipaux et pales : la politique culturelle, c'est pas seulement des discours, c'est aussi des sous....

Le PLR annonce un projet de loi pour «en finir avec les doublons, si chers et tellement inutiles ». Et explique que  «supprimer les doublons entre canton et communes, voilà un projet que les Genevois appellent de leurs voeux depuis longtemps »... voui. Sauf qu'il serait utile de donner des exemples de ces fameux «doublons» (services et institutions communales et cantonales faisant double emploi). Et d'éviter d'illustrer, sur le site de campagne du PLR, cette volonté de «supprimer les doublons entre canton et communes» par une photo du Grand Théâtre. Qui ne fait précisément «doublon» avec rien (c'est le seul opera de Genève), et pour lequel le canton ne fait strictement aucun effort (le Grand Théâtre est à la charge de la Ville toute seule). On rappellera donc que le doublon est une monnaie espagnole qui n'est plus en usage depuis deux bons siècles. Et que le discours du PLR sur les « doublons » commence sérieusement à être lui aussi hors d'âge... 

Le Grand Théâtre de Genève (l'opéra, donc...) sera fermé pendant deux ans, de l'été 2015 à l'été 2017 pour que puissent y être effectués d'importants travaux de rénovation, de mise aux normes de sécurité, de remplacement de l'appareillage technique et d'extension de ses insuffisants locaux administratifs. Ces travaux avaient été initialement budgetés à trente millions. Le budget a pris l'ascenseur et pourrait doubler. Et ça fait tousser des élus municipaux. Pourquoi municipaux et pas cantonaux ? C'est simple : parce que l'opéra de Genève, c'est la Ville de Genève qui le paie, pour l'essentiel. C'est-à-dire que si la Ville décide de ne plus payer, y'a plus d'opéra. Plus du tout. Vu que le canton de Genève ne paie rien, que l'autofinancement des spectacles ne couvre pratiquement rien d'autre que les spectacles eux-mêmes (il est d'ailleurs destiné à cela, et à rien d'autre), que le mécénat et le sponsoring n'amènent que des ressources additionnelles mais vingt fois moindres que l'effort consenti par la commune, et que les 44 autres communes du canton ne contribuent pas plus que les mécènes et les sponsors à la principale institution culturelle du canton. Que le canton aimerait bien se goinfrer, mais sans la payer. Ou en ne payant, très éventuellement, que ce qui coûte le moins et pas ce qui coute le plus (le bâtiment et son entretien, la machinerie et les équipements lourds). 2013, c'est l'année Wagner. Et apparemment, l'or du Rhône est au programme. 

On se souvient (en tout cas, on devrait) que la droite avait, en commission des finances du Grand Conseil, décidé de proposer un budget cantonal taillant dans les dépenses culturelles (avant de proposer en plénière du parlement un budget taillant dans toutes les autres dépenses, indistinctement, de 2 %). Le PS avait alors lancé une pétition dénonçant l'offensive contre les dépenses culturelles -une offensive qui rappelait furieusement celle tentée par la droite municipale il y a deux ans, et qui avait fait long feu grâce à la mobilisation des milieux culturels et artistiques. Or voilà que le RAAC (Rassemblement des acteurs culturels genevois) adresse à ses membres un message renvoyant dos à dos « la gauche et la droite (reparties) dans leurs éternelles luttes idéologiques ». Comme si les positions de l'une et celles de l'autre étaient équivalentes, comme si il n'y avait pas d'un côté des forces qui défendent les allocations publiques à la culture et de l'autre des forces qui veulent les réduire, voire, dans certains cas, les supprimer totalement. Bref, de la part du RAAC, du pur « ni à gauche, ni à droite ». Comme veut le faire accroire le MCG (très, très à droite, dans cette histoire budgétaire). Choisir entre être un lobby courtisan du gouvernement et un mouvement social de revendication, on sait, c'est dur. Mais apparemment,. le RAAC a choisi. Le lobby, et la Cour. Le côté cour, donc.

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