dimanche 28 janvier 2018

Musée d'Art et d'Histoire de Genève : ça se décante


Fin juin dernier, la commission externe chargée par le Conseil administratif de la Ville de Genève de dessiner les pistes à emprunter pour rénover non seulement le bâtiment du Musée d'Art et d'Histoire mais aussi son projet, avait présenté son premier rapport intermédiaire. Elle avait alors remis à l'heure une pendule qui s'obstinait à faire tourner ses aiguilles à l'envers, quand on s'interrogeait sur le bâtiment avant que de réfléchir sur ce qu'il devait abriter, et à quoi il devait servir. La défaite en votation populaire du projet de rénovation du MAH aura donc eu au moins cette utilité, de rappeler que le contenu importe plus que le contenant. Six mois après la commission d'experts, c'est Patrimoine Suisse qui rend son propre rapport, "Demain le Musée d'Art et d'Histoire de Genève", un rapport qui se veut -et est- une "contribution utile au travail des autorités", "Patrimoine Suisse expliquant qu'il lui est paru "opportun de quitter la posture d'opposition dans laquelle nous étions afin de lancer des propositions dans un mouvement optimiste". Après des années de polémique pas toujours bien inspirée, et ne portant pas toujours sur l'essentiel, le débat se décante. Il était temps.


"Etre là où on ne vous attend pas, c'est peut-être le sens des musées du futur"


Le directeur du Centre d'Art Contemporain de Genève, Andrea Bellini faisait (dans "Le Courrier" du 23 juin, le même constat que celui que nous distillions ad nauseam : , "le futur d'un musée est moins lié à des enjeux architecturaux qu'à la cohérence et à l'ambition du projet culturel qui définit le musée lui-même. Sans un projet culturel de qualité (...) le musée sculpture n'est qu'une coquille certes attirante, mais vide. Il est alors culturellement vain".

Il y a sans nul doute à Genève, depuis bientôt 500 ans (depuis l'ouverture en 1559, par Calvin, de l'Académie qui se dotera d'une "Chambre des curiosités"), une culture du patrimoine, mais une culture muséale ?  Le Musée d'ethnographie a certes reçu en mai dernier le Prix 2017 du Musée européen pour son offre culturelle, son engagement sociétal et sa scénographie, le Musée de la Réforme le Prix du Musée 2007 du Conseil de l'Europe, pour sa contribution à la connaissance du patrimoine culturel européen, et le Musée de la Croix-Rouge le Prix Kenneth Hudson en 2015 pour sa présentation de la mission humanitaire, mais si cela constate la qualité des musées genevois,  cela fait-il de Genève un "pôle muséal" ?

"Un musée est un point de vue avant d'être un lieu", considère le responsable du développement du Musée de l'Elysée, à Lausanne. Admettons. Mais un point de vue de qui, sur quoi ? sur le musée lui-même? A l'heure des réseaux sociaux, de la circulation quasi immédiate d'une information indistincte de la rumeur, de la confusion du vrai et du faux, de l'essentiel et de l'accessoire, du fondamental et de l'anecdotique, le musée devrait être un lieu producteur de repères, parce qu'il est "gardien de mémoire, rempart contre l'oubli, l'ignorance, l'infondé". Cette tension entre l'histoire (celle du bâtiment, celle de la muséologie) et le projet culturel donne d'ailleurs tout son intérêt au débat sur le contenu du musée : s'il ne s'agissait que de préserver le bâtiment, on pourrait se contenter de moderniser le projet muséologique "encyclopédique" du XIXe siècle, et s'il s'agissait de se doter d'un nouveau projet sans égard pour le bâtiment, on pourrait de celui-ci faire table rase. Or ni, évidemment, Patrimoine Suisse, ni le groupe d'experts commis par le Conseil administratif ne préconisent l'un de ces deux termes d'une alternative aussi simpliste.

"Etre là où on ne vous attend pas, c'est peut-être le sens des musées du futur", suggère Marie-Pierre Bathany, directrice du Fonds Leclerc pour la culture. Il reste à espérer qu'avec le nouveau MAH, Genève proposera précisément un musée "là où on ne l'attend pas".










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