mardi 28 juillet 2009

Les Finances du GTG


Les Finances

Ø Les dépenses " pour la culture " consenties par la Ville de Genève représentent une masse financière considérable : 223 millions de francs au budget 2008 (34), soit en gros 21 % du budget total de la Ville (35). Les dépenses pour les arts et la culture représentent 52 % des dépenses culturelles (Les musées 33 %, les bibliothèques 15 %). Environ un tiers des dépenses pour le domaine de l'art et de la culture est affecté au Grand Théâtre (21,7 millions de prise en charge directe, 17,8 millions de subventions). Le Grand Théâtre " pèse " donc à lui tout seul au moins (36) 18 % de l'ensemble des dépenses culturelles de la Ville, et 4 % du budget total de la municipalité (37).
Ø Les subventions (dont celle allouée au Grand Théâtre) représentent 30 % des dépenses culturelles de la Ville.
Ø Les prises en charge directes (dont la prise en charge de la masse salariale du personnel municipal affecté au GTG) dans le domaine de l'art et de la culture, ainsi que le coût direct des services municipaux, représentent 22 % des dépenses culturelles de la Ville.
Ø La subvention au Grand Théâtre (qui ne représente que moins de la moitié des ressources que lui affecte la Ville) représente 26 % du total des subventions (y compris les subventions en nature) accordées par la Ville dans le domaine de l'art et de la culture. A lui tout seul, le GTG reçoit une subvention équivalant à près de neuf fois l'ensemble des subventions accordées au domaine de la danse (38), à plus de cinq fois celles accordées au domaine du cinéma, à plus de deux fois et demi celles accordées au domaine de l'art contemporain, à plus de deux fois celles accordées au domaine de la musique (hors OSR). Ensemble, le Grand Théâtre et l'OSR reçoivent près de 40 % de toutes les subventions accordées à l'art et à la culture.
Ø En 1996, le Grand Théâtre recevait à lui seul 18 % de toutes les subventions culturelles versées par la Ville et le canton ensemble. En 2000, cette part est passée à 20 %, pour se stabiliser à 19 % en 2006. En dix ans (1996-2006), la seule subvention régulière de la Ville au GTG a augmenté de près de 50 % (de 10,6 mio à 15,5 millions) alors que l'ensemble des subventions de la Ville et du canton n'augmentait, dans le même temps, que de 35 %
Ø Outre la subvention annuelle d'exploitation, l'affection de personnel municipal et les autres prises en charge directes de coûts d'exploitation de l'opéra, la Ville prend à sa charge l'essentiel des investissements dans le bâtiment et l'équipement : 18 millions pour la machinerie dans les années '90, puis à nouveau 6 millions dans les années 2000, projet de 10 millions pour l'enveloppe thermique, autre projet d'un million pour la rénovation de l'éclairage de la salle…
Ø Tendanciellement, dans les budgets et les comptes du GTG, le rapport entre les dépenses de production (autrement dit : la part " artistique " des dépenses) et les dépenses d'administration et d'exploitation (autrement dit : la part " institutionnelle " des dépenses) évolue au profit des secondes, et au détriment des premières. Le Conseil administratif constate lui-même (39) que " les frais directs de production (spectacles) sont bien maîtrisés et ne provoquent pas d'importants dépassements (alors que) les frais généraux d'administration et les frais généraux d'exploitation ne sont pas maîtrisés et entraînent d'importants dépassements budgétaires (environ 170'000 francs et 700'000 francs respectivement en moyenne par saison " En d'autres termes : l'institution consomme pour elle-même une part toujours plus importante des ressources dont elles dispose (dont celles qui lui sont accordées par la Ville), ce qui réduit la part qu'elle peut accorder à la création et à la représentation. Entre 2000-1 et 2007-8, les frais généraux d'administration ont augmenté de 62,5 %, les frais généraux d'exploitation de 43,4 % (40), les frais directs de production (spectacles) de " seulement " 20,7 %. Entre le budget 2008-9 et le budget 2009-10, les frais généraux d'exploitation augmentent de plus de 1,4 million, soit d'un peu plus de 9 %, et les frais directs de production de moins de 350'000 francs, soit de moins de 2,5 %. En sept ans, les frais généraux d'exploitation ont augmenté de 43,4 %, soit de 4,686 millions de francs. Sur le budget propre de la fondation, l'augmentation des frais généraux d'exploitation est due en grande partie à celle de la masse salariale et des charges sociales du personnel permanent sous contrat fondation -ce qui conforte au passage la revendication d'une municipalisation de ce personnel.

Il n'existe pas en réalité de budget global du Grand Théâtre : pour avoir une idée de ce qu'il pourrait être, il faut additionner au budget de la Fondation les charges assumées directement par la Ville (personnel municipal affecté au GT, locations, travaux (41), entretien des bâtiments et des équipements lourds (42), énergie, intérêts, amortissements (43) etc.. ). Pour la saison 2009-2010, ce budget global se monte à 59,017 millions de francs, couvert à 35,4 % par la Ville sur son propre budget, à 22,9 % toujours par la Ville sous forme de subvention en espèces et à 1,7 % sous forme de garantie de déficit (c'est-à-dire d'une subvention qui ne dit pas son nom) et à 5,3 %, encore par la Ville sous forme de subvention en nature (gratuités), soit au total une couverture de 65,3 % du budget global du GTG par la Ville (sans compter la part prise par la Ville à la subvention accordée par l'ACG). Les recettes propres de la fondation couvrent 30,2 % du budget, la subvention de l'ACG 2,5 %, et le déficit représente le 1,9 % restant.

Ø La Ville se paie un opéra, l'opéra se paie des opéras : globalement, le GTG autofinance sa programmation (par les recettes des spectacles et le financement privé) (44), la collectivité finance l'opéra (structures, salaires, équipements, bâtiments), par la subvention qu'elle lui accorde (45) et par la prise en charge directe sur le budget municipal d'une part considérable des charges réelles de fonctionnement. Le financement privé et l'autofinancement représentent grosso modo le tiers du coût total du GTG, le financement public couvrant les deux autres tiers (46).

Sur les budgets 2007-8 et 2008-9, les imputations relatives aux prestations en nature accordées par la Ville de Genève au GTG sont estimée à 3,075 millions de francs (3,056 millions lors de la saison 2006-7). Sur le budget 2009-10, elles se montent à 3,138 millions, et à 3,155 millions sur le projet de budget 2010-11 (47).

Le budget de la fondation, qui inclut le coût du Ballet (comme celui des chœurs et des ateliers) est établi pour une saison et non pour un exercice comptable " civil ", ce qui pose problème pour la remise des comptes, établis après la fin de la saison, les dernières dépenses et les dernières recettes de celle-ci étant comptabilisées ; or cette remise des comptes au Conseil administratif devrait théoriquement se faire, selon les statuts (qui datent, il est vrai, de 1964), au plus tard le 31 août, soit deux mois après la fin de la saison, disposition qu'il est pratiquement impossible de respecter compte tenu du décalage entre l'exercice budgétaire du GT par saison et l'exercice budgétaire de la Ville par année civile. Un certain nombre de rentrées et de dépenses ne peuvent en effet être finalisées qu'après la date-butoir : lorsqu'un ouvrage est terminé, il faut généralement attendre un mois pour en avoir le décompte, et souvent un autre mois pour intégrer ce décompte dans la situation globale de l'exercice (48). Les statuts devront donc être modifiés pour pouvoir tenir compte du rythme réel de fonctionnement de l'opéra (le bureau de la Fondation a été chargé de faire des propositions en ce sens). Cette modification est indispensable pour pouvoir adapter le " règlement intérieur " de la Fondation, qui ne peut évidemment être contradictoire du statut (le Bureau du Conseil de Fondation l'avait d'ailleurs curieusement oublié, en proposant d'adapter les délais de présentation des comptes tels que le règlement les prévoit, ce qui aurait rendu le règlement contradictoire du statut). Il importerait en tous cas que le Conseil municipal puisse disposer de comptes du GT, même provisoires et non vérifiés, lorsqu'il vote le budget portant subvention au GT. Le budget municipal est voté autour du 15 décembre (mais fait l'objet d'examen en commissions dans les mois qui précèdent), les comptes pouvant au plus tôt être arrêtés, sinon audités, au 15 septembre. Cette dyschronie prive en fait les conseillers municipaux d'une part e des éléments utiles à la formation de leur opinion et de leur position sur les demandes du Grand Théâtre. Une modification des statuts de la fondation (et dans la foulée du règlement du Conseil de fondation) paraît donc s'imposer, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, dans la mesure où ces statuts prévoient un délai de remise des comptes impossible à tenir. Cette modification nécessitera l'accord de la Ville et du canton, puisque les statuts de la fondation ont force de loi cantonale.

De la saison 2001-2 à la saison 2007-8, les comptes ont dépassé les budgets de 2,735 millions de francs au total, soit de plus de 390'000 francs en moyenne par année, mais ce dépassement est dû globalement à des recettes plus élevées que prévu (3,421 millions de recettes excédentaires sur sept ans, soit 489'000 francs par an). Les dépenses sont certes plus élevées aux comptes qu'au budget, mais ce dépassement est plus que compensé par celui des recettes.
Le budget 2007-2008 de la fondation était équilibré, mais cet équilibre s'est révélé illusoire, pour ne pas écrire factice, et en septembre 2007, un budget révisé a dû être adopté par le Conseil de fondation, avec un résultat déficitaire de près de 2,5 millions, dû au retrait de la Fondation Wilsdorf (voir plus loin) et à la prise en compte partielle des recommandations des audits). Pour rééquilibrer le budget, le Conseil de fondation a supprimé deux spectacles et un concert, renoncé à la collaboration avec la Comédie, réduit l'utilisation du BFM et adopté quelques mesures d'économie. Ces mesures ne suffisant pas à l'équilibre du budget, une subvention extraordinaire de 2,5 millions a été demandée, et obtenue, du Conseil municipal, sous forme d'une garantie de déficit de 2,5 millions (dont 2,055 ont effectivement été versés). Le Conseil administratif s'était en outre engagé à tenter d'obtenir des moyens supplémentaires auprès des communes, c'est-à-dire du Fonds d'équipement communal (qui a accordé 1,5 million). En revanche, rien n'a été sérieusement entrepris auprès du canton, dont l'apport reste ridiculement plafonné à 50'000 francs, soit moins d'un pour mille de la masse financière du GTG, et à peine plus d'un pour mille de l'apport de la seule Ville…
Aux comptes, l'exercice s'est finalement effectivement équilibré grâce à cet apport, ce qui confirme au passage le rôle de subvention supplémentaire que jouent ces récurrentes " garanties de déficit ". Les recettes brutes des spectacles (billetterie, abonnements compris, programmes, frais d'inscription) avait rapporté 11,975 millions, le mécénat public et privé, le sponsoring et les dons 2,303 millions, et la subvention de la Ville s'était montée à 14,217 millions, plus 2,055 million de garantie de déficit, et celle du Fonds d'équipement communal à 1,5 million

Le budget de l'exercice 2008-9 affichait un déficit de 2,075 millions, conforme au Plan financier quadriennal du Grand Théâtre (PFQ-GTG) transmis à la Ville en novembre 2007. Ce plan intègre une grande partie des recommandations des audits, notamment la régularisation d'une vingtaine d'emplois en quatre ans, et la municipalisation de la plupart d'entre eux, la création de deux directions à la place du Secrétariat Général, la création d'un service informatique et d'un bureau d'étude. Le budget 2008-9 intègre donc le coût des nouveaux postes placés sous contrats " fondation " : directrice administrative et financière, responsables des systèmes informatiques et de l'entretien informatique, webmaster et assistants à la direction des ressources humaines.
Les frais direct de production budgétés sont en baisse de presque deux millions par rapport aux comptes de la saison précédente et se situent au niveau de la saison 2001-2, ce qui témoigne d'une évolution préoccupante (que le GTG n'est d'ailleurs pas seul à subir) : le coût de fonctionnement de l'institution " grignote " les ressources à disposition pour la programmation, c'est-à-dire l'activité qui seule justifie l'existence de l'institution….
Les recettes d'exploitation sont également à la baisse de près de deux millions entre les comptes 2007-8 et le budget 2008-9. L'évolution est ici moins préoccupante, puisqu'elle résulte d'une " opération vérité " visant à établir un budget sur la base de prévisions crédibles, plutôt que de souhaits excessivement optimistes : les recettes d'exploitation ont été évaluées sur la base d'un taux d'occupation financier moyen revu à la baisse : 83 % pour les spectacles lyriques, 80 % pour les spectacles chorégraphiques et le spectacle de théâtre musical. Le prix moyen des places a été réduit de 1,5 %.
La subvention de la Ville s'établit, après indexation, à 14'653 millions, malgré la municipalisation de six postes anciennement sous contrat fondation, la régularisation de 3 postes et demi et l'engagement d'un Directeur des ressources humaines, sous contrat municipal. L'Association des communes genevoises contribue à nouveau au budget à hauteur d'un million et demi., le canton se contentant toujours de ses somptueux 50'000 francs symboliques accordés au titre du " mécénat pédagogique ".

Au 30 juin 2008, le bilan de la Fondation faisait apparaître des actifs pour 11'736 millions de francs, soit 350'000 FS de plus que lors de l'exercice précédent, et un passif, hors fonds de réserve (lequel se monte à 1,023 million), de 10,713 millions Au 30 juin 2008, la Fondation disposait d'une fortune (fonds de réserve) de 1,442 million de francs, de fonds disponibles de 4,502 millions, de valeurs réalisables (titres, essentiellement sur les fonds de solidarité et de réserve) de 3,504 millions et de créances pour 1,529 million. Le fonds de solidarité (compte disponible et titres) se montait au 30 juin à 1,843 millions. Les biens appartenant à la Fondation (biens meubles : décors, tentures, meubles, costumes) étaient assurés auprès de la Ville pour 18,730 millions en 2007.

Les comptes d'exploitation de la saison 2007-2008 (49) présentent un résultats équilibré, grâce à la " garantie de déficit " (c'est-à-dire à une subvention complémentaire) de 2,055 millions, correspondant donc au déficit réel de la saison. Lors de la saison précédente, les comptes avaient fait apparaître un excédent de charges de 236'000 francs (soit 0,6 % du budget) par rapport au budget, et le déficit de l'exercice avait été résorbé par recours au Fonds de réserve. En 2007-8, le total des dépenses a atteint 39,075 mios, et celui des recettes 37,020 mios (hors garantie de déficit) , soit environ 600'000 francs de moins qu'en 2006/2007. Si le résultat final de la saison n'a pas été plus négatif encore, c'est grâce à des recettes d'exploitation supérieures de près d'un million et demi de francs, grâce notamment aux tournées du Ballet, qui ont rapporté plus de 350'000 FS de plus que prévu, et surplus de recettes (par rapport au budget) tirées de la publicité des programmes (+ 120'000 francs), de la location et de la vente de décors et costumes (+140'000 francs) et des bars, buvette et restaurant (+ 234'000 francs).
Dans le détail des charges, et de leur évolution d'une saison (2006-7 à 2007-8) à l'autre, on constate une diminution de plus de 480'000 francs (soit 2,8 %) des frais généraux d'exploitation), diminution cependant moindre que celle budgétée, du fait d'un dépassement aux postes salariaux (et de ceux des charges salariales). En outre, si les frais généraux d'exploitation diminuent, les frais généraux d'administration augmentent (de 7,39 % entre les saisons 2006-7 et 2007-8). Lors de l'exercice 2006-2007, des économies de plus de 700'000 francs avaient été réalisées (par rapport au budget) dans les dépenses pour le personnel artistique, et de plus de 300'000 francs dans les dépenses pour les chœurs, figurants et danseurs auxiliaires. Dans le même temps, les frais généraux d'administration dépassaient le budget de près de 75'000 francs et les frais généraux d'exploitation de plus de 3,1 millions…

Le total des dépenses générées par le GT mais couvertes par les recettes d'exploitation, les subventions, le mécénat et le sponsoring, s'est élevé à 39,075 millions pour la saison 20037/2008, dont la moitié couverts par la seule ville de Ville de Genève (subvention d'exploitation, garantie de déficit, prestations en nature), 40 % par les recettes d'exploitation, et le solde par le mécénat, le sponsoring et la subvention de l'ACG (dont les ressources proviennent pour un tiers de la Ville de Genève). Si l'on ne tient compte que des recettes de la Fondation (et qu'on ne tient donc pas compte de la prise en charge directe par la Ville, sur le budget municipal, d'une grande partie du coût du GT, notamment par la prise en charge des salaires et des charges et prestations sociales du personnel municipal affecté au GTG), la Fondation avait généré en 2006-2007 48,8 % % des recettes nécessaires à son fonctionnement, le financement public assurant les 51,2 % restant. Au final, la Ville finance le Grand Théâtre à raison de plus des deux tiers de son coût total, et de la moitié de son coût d'exploitation, ce qui situe le taux d'effort (l'autofinancement, le mécénat et le sponsoring) du GTG au tiers de son coût total et à la moitié de son coût d'exploitation.

En ce qui concerne les ressources propres du GT, les recettes d'exploitation (recettes des spectacles) ont globalement progressé de près de 2,350 millions entre les saisons 2006-7 et 2007-8, les recettes brutes des spectacles progressant à elles seules de près de deux millions, grâce à la progression des ventes de billets (les autres recettes, dont les ventes d'abonnement, stagnant ou diminuant légèrement)
Le surplus de recettes de billetterie par rapport au budget, alors que lors des saisons précédentes ces recettes étaient régulièrement inférieures aux prévisions, confirme que les " taux de remplissage " obstinément prévus pendant des années (90 % pour les opéras, 80 % pour les ballets) étaient excessivement optimistes. Ces " taux de remplissage " n'ont été révisés à la baisse qu'à partir de la saison 2006-7, après avoir été maintenus le Conseil de fondation à un niveau qu'il savait -ou devait savoir- ne pouvoir être atteint. Or lorsque le budget du GTG est établi sur la base d'hypothèses de recettes dépendant de ces jauges surestimées, c'est tout le budget qui se révèle finalement irréaliste, ce que confirmaient les comptes, exercice après exercice. Pour pouvoir équilibrer son budget sans être obligé de demander au Conseil municipal une augmentation de subvention trop importante, que le Conseil municipal pourrait refuser, le GTG surestimait ses recettes, en toute conscience des périls d'un tel exercice -lequel fait en outre assez bon marché de la bonne foi. Il conviendrait donc de ramener les jauges à un objectif atteignable, soit 80 % pour les spectacles lyriques et 75 % pour les spectacles chorégraphiques (50), ce qui rendrait le budget du GTG plus crédible qu'il n'est actuellement, et éviterait de se retrouver, comme à la fin de la saison 2005-2006, avec des comptes signalant des recettes de billetterie (y compris la vente des programmes) inférieures de plus d'un demi-million à ce que le budget prévoyait

Les apports extérieurs autres que ceux des collectivités publiques, autrement dit le mécénat, le sponsoring et le partenariat, relèvent de l'autofinancement du GTG, puisqu'il lui incombe de les susciter. Pour la saison 2007-2008, le mécénat a impliqué
- Patek Philippe pour la saison opéra
- UBS pour la saison danse
- la Fondation Valeria Rossi di Montelera pour les récitals
- la Fondation Leenaards pour Lohengrin
- Swisscom pour La Cenerentola
- Julius Baer pour Les Voyages de Monsieur Broucek

Les apports extérieurs se sont révélés en 2007-8 de plus de deux millions inférieurs à la saison précédent, et de plus de 150'000 francs inférieurs aux prévisions budgétaires., malgré un apport imprévu de Pro Helvetia, ne compensant cependant pas le non apport de la Loterie Romande. Le soutien de la Fondation Safra n'a pas été renouvelé (51), non plus que celui de la Fondation Wilsdorf (52). Par ailleurs, plusieurs entreprises, organismes et fondations ont accordé au GTG des " partenariats de projet " destinés à faire découvrir le GTG à de nouveaux publics, notamment les jeunes, et à renforcer les actions de popularisation et de présentation des spectacles (comme les CD " une heure avant ").

Les recettes propres du GT (en tenant compte des apports extérieurs privés) couvrent un peu moins de la moitié de ses ressources totales (39,075 mios), et un peu moins du tiers de ses besoins de financement (qui intègrent la masse salariale du personnel municipal affecté au GTG) (53). Quant aux subventions publiques, celles reçues directement de la Ville (y compris les prestations en nature, la garantie de déficit et la subvention pour musiciens et orchestres hors OSR) étaient toujours en 2007/2008, avec près de 20 millions de francs, plus de treize fois plus importantes que celles reçues de toutes les autres collectivités publiques genevoises ensemble. En 2007/2008, le GT n'a plus reçu d'autre soutien d'une collectivité publique que celui, fort chiche (50'000 FS) du Département de l'Instruction Publique au titre d'un " mécénat pédagogique " plus proche de l'aumône que du mécénat, et celui du fonds d'équipement communal (1,5 million), auquel la Ville contribue elle-même pour un tiers.

Les plus gros écarts entre le budget et les comptes 2007-2008 sont les suivants :

Recettes
- Les recettes des tournées du Ballet ont été supérieures de 357'000 francs au budget ;
- La publicité dans les programmes a rapporté 120'000 francs de plus que prévu ;
- La location et la vente de costumes et décors a rapporté 140'000 francs de plus que prévu ;
- L'exploitation des bars, buvette et restaurant, exploitation reprise directement par le GTG pendant la saison précédente, a rapporté 234'000 de plus que prévu ;
- Les " charges refacturées " (" services rendus à des tiers "), nouvelle ligne des comptes, non prévue au budget, équivalent à des recettes de 300'000 francs ;
- Le sponsoring rapporte 112'000 francs de moins que prévu, et le mécénat 30'000 francs de moins que prévu..

Dépenses
- Les frais généraux d'exploitation dépassent de près de 900'000 francs, soit de 5,57 %, les prévisions budgétaires. La masse salariale du personnel d'exploitation dépasse de 9,85 % les prévisions, du fait surtout des personnels et services supplémentaires d'administration (40,3 % de plus que prévu) et de plateau (28,57 % de plus que prévu). Les charges sociales suivent : elles dépassent de 8 % de le budget, et augmentent de 6,66 % par rapport aux comptes de la saison précédente. Ces dépassements sont directement liés à la crise traversée par le GTG, et au retard apporté à la mise en place des réformes décidées : il a notamment fallu remplacer deux comptables et engager une collaboratrice dans l'attente de la municipalisation des postes et engager du personnel temporaire pour suppléer à la disparition du secrétariat général. crise. En outre, le nombre d'absences pour maladie a considérablement augmenté. Enfin, l'égalisation des conditions salariales entre le personnel municipal et le personnel de fondation a accru la masse salariale.
- Les " autres frais généraux d'exploitation " ont dépassé le budget de près de 225'000 francs, soit 11,7 %, du fait du dépassement de 244'000 francs du poste des " frais divers d'exploitation ", dépassement que ne compensent pas les économies faites sur d'autres postes.
- Les dépenses pour l'informatique ont littéralement explosé (+ 181,53 % par rapport au budget, et 50,94 % par rapport aux comptes de la saison précédente), du fait notamment de l'achat de matériels pour les nouveaux postes administratifs, et du coût de l'entretien du site internet.
- Les dépenses de production ont dépassé le budget de près de plus d'un million de francs, mais ce surplus de charge, dû notamment à des tournées du Ballet plus importantes que prévues, a été partiellement compensé par des recettes supplémentaires obtenues par ces tournées.
- Les dépenses pour le personnel artistique et pour les chœurs, les figurants et les danseurs surnuméraires ont été inférieures de plus d'un million au budget. Ces économies sur les dépenses artistiques, alors que les dépenses de fonctionnement se révélaient plus importantes que budgétées, et que les tournées du Ballet permettaient d'engranger des recettes supplémentaires (pour 300'000 francs), dégradent le rapport entre le coût de fonctionnement de l'institution et le coût de sa programmation (autrement dit : entre les dépenses d'exploitation et les dépenses de production).

Au final, l'exercice budgétaire 2007-8 se solde par un équilibre entre les dépenses et les recettes, grâce à la " garantie de déficit " accordée par la Ville.

Quant à l'exercice budgétaire 2008-2009, dont les comptes ne sont pas encore définitifs et n'ont pas encore été vérifiés, il devrait se solder par un équilibre (à 36,930 millions), à nouveau grâce à une " garantie de déficit " (autrement dit : une subvention supplémentaire) d'un million, accordée par la Ville.
- Les frais généraux d'exploitation devraient dépasser le budget de plus d'un million de francs, un dépassement dû en grande partie à l'augmentation de la masse salariale (salaires personnel d'exploitation, chœur, ballet, charges sociales), ainsi que du poste " informatique " ;
- les frais généraux d'administration devraient être inférieurs de près de 225'000 francs au budget, mais légèrement supérieurs aux comptes de la saison précédente ; les économies faites par rapport au budget l'ont essentiellement été aux postes " salaires personnel administratif " (moins 120'000 francs) et " téléphones, fax et natels " (moins 90'000 francs) ; en revanche, un " forfait nouvelle direction " est apparu au budget (et aux comptes, où il est de 80'000 supérieur au budget) : il correspond à la prise en charge sur le budget de la fondation d'indemnités auparavant prises en charges par la Ville et/ou des mécènes privés.
- les frais directs de production (autrement dit les dépenses pour les spectacles) devraient en revanche être inférieurs de près de 665'000 francs au budget. A l'exception des frais pour musiciens, danseurs et mimes supplémentaires, qui dépassent ensemble le budget de 344'000 francs) toutes les dépenses pour le personnel artistique (y compris celles pour les chœurs auxiliaires et la figuration) sont inférieures aux prévisions. De même, toutes les dépenses de production, à l'exception du poste " perruques et maquillage ", sont inférieures aux prévisions. Le seul dépassement important est celui des dépenses liées aux tournées du ballet (+ 240'000 francs), ces dépenses restant cependant couvertes par les recettes de ces mêmes tournées.
- les recettes d'exploitation devraient être conformes au budget (à 36'000 francs supplémentaires près), mais inférieures de près de 1,9 million aux comptes de la saison précédente ; les recettes brutes des spectacles sont grosso modo conformes au budget (à un manco de 45'000 près, mais sur plus de 11,1 millions prévus) ; il en va de même des recettes des tournées du ballet. En revanche, les recettes tirées de la location ou la vente de décors et costumes, d'une part, et des bars, buvettes et restaurants d'autre part, sont largement inférieures aux prévisions (de 100'000 francs sur 150'000 prévus, pour les premières, et de 195'000 francs sur 800'000 prévus, pour les secondes)
- les apports extérieurs devraient être conformes du budget (à 85'000 francs près, en moins) et presque identiques à ceux de la saison précédente.. Les sponsors ont cependant rapporté 276'000 francs de moins que les 850'000 francs prévus.

La subvention " normale " d'exploitation accordée par la Ville est légèrement inférieure à celle budgétée, et à celle de la saison précédente, du fait de la municipalisation de plusieurs postes. Elle s'établit à 13,458 millions, à quoi s'ajoute une subvention supplémentaire de 152'000 francs destinée à couvrir l'octroi de primes au personnel de la fondation par alignement sur le personnel municipal, et une garantie de déficit d'un million. Le Fonds d'équipement communal a reconduit sa subvention de 1,5 million, et les prestations en nature de la Ville sont toujours évaluées à 3,076 millions.

Le budget 2009-2010
Le budget 2009-10 est celui d'une saison, la première de la direction Richter, comportant 57 représentations de 8 opéras, 13 représentations de 2 ballets, et 6 concerts et récitals, soit au total 76 représentations (63 à Neuve et 13 au BFM). Le budget affiche un déficit de 2,025 millions de francs, avec des dépenses de 38.104 millions. Conforme (à 8000 francs près) au plan quadriennal, ce déficit s'explique essentiellement par un surcroît de frais généraux d'exploitation (+ 850'000 francs par rapport au PFQ) et de frais directs de production (+ 1,279 million).
Les recettes des spectacles ont été évaluées sur la base d'un taux d'occupation financière de 81 % pour les spectacles lyriques (encore 1 % de trop…) et de 75 % pour les spectacles chorégraphiques.
Le prix moyen des places augmente de 5 %, mais la taxe d'inscription est remplacée par une taxe de réservation.
- Les salaires dépassent de 922'000 francs le budget de l'année précédente, du fait notamment de leur indexation à 2 %, et de la régularisation de temporaires ;
- Les recettes d'exploitation sont supérieures de 960'000 francs à celles budgétées la saison précédentes, et de 1,921 millions de francs à ce que prévoyait le PFQ.

L'évolution de la subvention
En 2003, la Fondation du GT avait clamé que sa situation financière s'était dégradée du fait, notamment, de la non-indexation de la subvention municipale à l'inflation. De fait, arithmétiquement, si l'on prend la saison 1990/91 comme base, et donc sur une période de quinze ans, au début de la saison 2005/2006 l'inflation générale avait atteint 32,8 % mais la subvention n'avait augmenté " que de " 6,2 %, si l'on ne tient compte ni des garanties de déficit (qui ne sont que des subventions " masquées " quand chacun sait que l'exercice se soldera par un déficit), ni de la subvention accordée par l'Association des communes genevoises, via le Fonds d'équipement communal. Si la subvention avait été totalement indexée, elle aurait du se monter pour 2005/2006, selon les calculs de la Fondation, à 13,952 millions, au lieu de 12,8 mios accordés (garantie de déficit comprise) L'écart entre le taux de l'inflation et l'augmentation (ou la stagnation, voire la diminution) de la subvention s'étant produit presque à chaque saison (sauf en 2000-2001, avec une inflation de 1,4 % et une augmentation de 9,1 % de la subvention, et en 2003-2004, avec une inflation se situant en gros à 1 % et une augmentation de la subvention de 6 %), la fondation en tirait la conclusion, économiquement aventureuse mais politiquement " parlante ", que la perte du pouvoir d'achat du GT en seize ans (1988-89 à 2003-2004) s'est montée, en additionnant les unes aux autres les pertes de chaque saison, à plus de 31 millions de francs. Arithmétiquement, ce raisonnement se tenait peut-être (54), mais à condition de ne prendre en compte que la subvention municipale au sens strict du terme, en omettant les garanties de déficit et l'apport de l'ACG, et en ne tenant pas compte du coût total du GT pour la Ville, salaires du personnel municipal, prestations en nature et autres coûts directs et indirects inclus. Car ces coûts, sur le budget de la Ville , suivent, voire dépassent l'inflation (pour ce qui est des salaires et des prestations sociales liées aux salaires) l'inflation. En d'autres termes, si le GT a effectivement reçu en valeur réelle une subvention amoindrie (55), il a coûté chaque année, toujours en valeur réelle, un peu plus à la Ville, et a reçu chaque année, en espèces en nature ou en prestations, un peu plus de la Ville…

Enfin, la transformation de la garantie de déficit accordée " pour sauver le Ballet " en subvention régulière (autrement dit : en une deuxième subvention), ajoutée à l'indexation de la subvention principale, et compte tenu du transfert de la charge salariale du personnel temporaire du budget de la Ville à celui du GT, aboutit à une augmentation globale de la subvention municipale d'environ 20 % entre 2005-2006 et 2006-2007.

La subvention de la Ville a augmenté de 700'000 FS entre les saisons 2002-3 et 2003-4, de 200'000 FS pour la saison suivante, et de plus de 100'000 FS pour la saison 2005-6. Il convient d'y ajouter, outre les récurrentes garanties de déficit accordées par le Conseil municipal, la subvention d'un million accordée dès 2000-2001, passant à 1,35 million en 2006-7, et 1,5 million dès 2007-8, par l'Association des communes genevoises, via le Fonds d'équipement communal et la Ville de Genève (le FEC ne pouvant subventionner une institution, la subvention est accordée à la commune, qui la reverse à l'institution).... Cette subvention aléatoire mise à part, la Ville (qui par ailleurs contribue elle-même au FEC) reste donc la seule collectivité publique à assumer la charge du GT (notons tout de même les 50'000 FS de " mécénat pédagogique " accordés par le DIP), quoique le Fonds culturel (commun à la Ville et au canton) ait accordé au GT une garantie de déficit d'un million FS pour les saisons 2002/2003 et 2003/2004.

Les augmentations demandées et obtenues par le GT de sa subvention annuelle (si on y ajoute les garanties de déficit) correspondent, à peu près, à des coûts ou des pertes que le GT ne peut lui-même maîtriser :
- augmentation des salaires et des charges sociales due à l'alignement du personnel du GT sur les conditions sociales du personnel de la Ville, alignement qui justifie une indexation partielle de la subvention municipale dès lors que des charges spécifiques au GT sont indexées sur des normes contractuelles municipales à la définition desquelles le GT ne prend pas part ;
- diminution de recettes due à la suppression de retransmissions TV et augmentation du tarif de location du BFM, lequel BFM était jusqu'en 2005 en mains privées (Artfluvial).

Il convient en outre de rappeler que les budgets du GT (et donc les demandes de subventions) présentés sous l'égide de l'antépénultième présidence (et des anciennes directions de Hugues Gall et Renée Auphan) étaient en partie illusoires, puisque l' " apport personnel " de l'ancien président permettait de compenser un manque de ressources d'au moins un million FS par année, d'où que ces ressources pussent provenir (subventions, mécénat, sponsoring, recettes des spectacles, recettes annexes…). Ce million manque toujours… et ce sont les garanties de déficit qui en tiennent lieu…Si le GT a obtenu 700'000 FS supplémentaires de la Ville pour 2003-4, puis 200'000 FS pour 2004-5, c'est d'au moins 1,7 million de FS qu'il avait besoin -les augmentations de la subvention de la ville couvrant une augmentation de charges fixes (ou réputées telles), et consistant donc, objectivement, en une indexation de la subvention. Le million qui manque a certes été " couvert " par les garanties de déficit accordées par le Fonds culturel, puis par la Ville, mais ces garanties ne sont pas une recette, et ne sont pas pérennes, même si on peut les considérer comme autant de subventions déguisées, puisqu'au moment même où elles sont accordées, la certitude d'un déficit est déjà telle que nul ne doute que la garantie sera effectivement versée. La garantie de déficit, d'un million également, accordée par la Ville pour la saison 2004/2005, et que le Conseil municipal a pérennisé sous forme d'une subvention supplémentaire, l'a en outre été à la condition du maintien du Ballet, ce qui, de facto, en fait une subvention spécifique, qui mériterait une ligne spécifique au sous-chapitre budgétaire concernant la danse, sur le budget du Département des arts et de la culture.

Récapitulation budgétaire 2004-2009 (budget de la fondation, en millions FS)
2005-6 2006-7 2007-8 2008-9 2009-10
Total des dépenses 31'537 31'243 38,232 36'623 38,104
subvention municipale* 11,817 14,088 13,873 13,220 13'348
garantie de déficit 1 1 2,5 1 ?
* non comprises la subvention d'exploitation pour le personnel temporaire, la subvention du fonds d'équipement communal, la subvention pour musiciens et orchestres supplémentaires, la subvention extraordinaire pour travaux et les subventions relatives à des prestations en nature

La fragilité du financement du GT est patente, comme sa dépendance à l'égard de la Ville de Genève. Cette fragilité était encore, jusqu'à récemment, accrue par la vision optimiste que le budget exprimait quant au taux d'occupation de la salle de Neuve : les recettes de billetterie projetées ont été longtemps basées sur l'hypothèse d'un taux d'occupation financier (places achetées) de 90 % des places disponibles pour les opéras et de 80 % pour les ballets. Or si ces taux peuvent être, sauf accident, assez facilement obtenus pour certains ouvrages (comme, lors de la saison 2006-7, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg), ils ne le sont pas forcément pour d'autres (Lady Macbeth de Mzensk, Ariane à Naxos, Le Couronnement de Poppée) et certainement pas pour les ouvrages contemporains et les créations (J'étais dans ma maison). Ces taux prévus au budget n'étaient d'ailleurs pas atteints en moyenne annuelle. Il convenait donc de recommander à la Fondation de prévoir, pour ses budgets, des taux de remplissages moindres, de l'ordre de 80 % en moyenne pour les opéras et de 75 % en moyenne pour les ballets, avec des prévisions différenciées selon la nature des œuvres proposées. Le socialiste de service au Conseil de fondation a fait régulièrement cette proposition, qui a été non moins régulièrement refusée par le Conseil -jusqu'en juin 2006, où une jauge à 87 % a été adoptée pour les spectacles lyriques. C'était encore trop, mais au moins c'était déjà une avancée vers des budgets plus sincères, avancée qui s'est poursuivie : le budget 2009-10 est basé sur une hypothèse de remplissage financier de 81 % pour les spectacles lyriques et 75 % pour les spectacles chorégraphiques.

La Ville supporte globalement les deux tiers du coût total du GT, par la subvention qu'elle accorde à la Fondation, ou, indirectement, par la prise en charge des salaires du personnel municipal affecté au GT, la mise à disposition gratuites des bâtiments du GT etc… Par ses recettes d'exploitation, la Fondation couvre grosso modo les frais généraux d'exploitation (56) . Le " taux d'effort " du Grand Théâtre à l'égard de son financement global en représente donc grosso modo le tiers. Cette répartition entre le financement public (municipal) et l'autofinancement correspond à peu près au rapport entre la charge de l'institution en tant que telle et celle de son activité : la collectivité publique " se paie " un opéra (qui coûte de plus en plus cher), l'opéra " se paie " son programme (qui lui aussi coûte de plus en plus cher (57), ce qui impose au GTG de comprimer au maximum ses dépenses de programmation). Bref : la Ville ouvre une maison, la fondation la remplit. Grosso modo, les recettes d'exploitation tendent progressivement à couvrir les frais directs d'exploitation. En d'autres termes, la programmation du GT doit tendre à l'" autofinancement ", la subvention servant à maintenir l'institution en " état de marche ". La subvention publique est là pour assurer l'existence de l'institution (ses murs, ses équipements, son personnel, sa capacité de produire des spectacles) mais non sa programmation et son activité, lesquelles doivent être financées par l'institution elle-même, et pour la plus grande part possible autofinancées (le mécénat et le sponsoring assurant le reste).

L'auteur du présent rapport est d'avis que, non pour des raisons financières, mais pour des raisons politiques, une nouvelle augmentation de la subvention d'exploitation de la Ville au GT (sous réserve de la légitime indexation de ladite subvention à l'augmentation des charges sociales et salariales, de la couverture financière du passage des " temporaires Ville " à la Fondation et du coût des réformes exigées par la résolution de la crise de 2006), et une nouvelle garantie de déficit, devraient être refusée, pour les trois raisons suivantes :
- d'une part, il n'est plus acceptable que la Ville soit la seule collectivité publique à supporter la charge du financement régulier du GT -de quoi il découle que plutôt qu'une augmentation de la subvention municipale, il conviendrait de demander, et de donner les moyens d'obtenir, une subvention régulière du canton (ou d'une instance intercommunale disposant de fonds propres), de l'ordre de celle de la Ville (comme c'est le cas pour l'OSR). La subvention d'exploitation de la Ville devrait donc être déterminée en fonction des autres apports publics régulier, et être plafonnée à la hauteur de ces apports. Dans un premier temps, les socialistes devraient donc proposer la diminution de moitié de la subvention d'exploitation demandée par le GTG (et proposée par le Conseil administratif), mandat étant donné à la Fondation et au CA de trouver le financement compensatoire de cette diminution de subvention -laquelle ne devrait évidemment pas être compensée par une " garantie de déficit ", l'exercice se réduisant alors à une pure gesticulation : Il paraît évident que tant que le canton (et les autres communes) auront la quasi certitude que, quelle que soit la subvention demandée par le GT à la Ville celle-ci la lui accordera, sous une forme ou sous autre, et ne se risquera guère qu'à maugréer, canton et communes ne feront guère d'efforts financiers (ni politiques…) pour le GT.
- d'autre part, les ressources allouées par la ville au GT sont forcément des ressources que la ville n'allouera pas à d'autres formes de création ou de représentation culturelles. Le poids financier du GT sur le budget culturel de la ville est aussi un choix culturel -pour caricaturer : celui d'une forme de culture contre une autre, ou plus précisément celui d'un type d'acteur culturel (institutionnel) contre d'autres (non-institutionnels), et d'une fonction culturelle (la représentation) plutôt qu'une autre (l'expérimentation). Ce que la Ville économiserait par une réduction de la subvention d'exploitation accordée au GTG devrait donc, au moins en partie, être réaffecté au budget culturel, et à la culture " non institutionnelle " ;
- enfin, l'augmentation des dépenses du GTG n'est pas provoquée par un choix de politique culturelle (par exemple l'ouverture à un public nouveau, ou la programmation d'ouvrages nouveaux et coûteux, démarches qui ont effectivement été contenues dans la programmation de la direction Blanchard, et que la nouvelle direction a promis de poursuivre), mais pour l'essentiel par une augmentation de coûts fixes, liés aux salaires et aux charges sociales d'un personnel " non municipalisé " qu'il conviendrait, lorsqu'il s'agit de personnel stable, d'intégrer purement et simplement à la fonction publique municipale (et donc de " sortir " du budget de la Fondation). D'une manière générale, l'évolution des budgets du GT signale que l'institution coûte de plus en plus cher, et que pour pouvoir en assurer la pérennité, c'est sur sa programmation que risquent de se faire les économies et s'exercer les tentatives de maîtriser l'augmentation des coûts. Caricaturalement dit : pour payer l'administratif, on sera tenté (ou contraint) d'économiser sur l'artistique. Cette évolution est pernicieuse : une institution culturelle publique ne se justifie pas par sa seule existence : elle se justifie par sa programmation.

Cela étant, dans un contexte politique marqué par la montée d'un populisme droitier (il en est un de gauche aussi…) foncièrement hostile à l'investissement culturel, et normé par le fétichisme de l'équilibre budgétaire (conjugué à l'obsession de la baisse des impôts), le soutien matériel aux institutions culturelles et, à travers elles, au tissu (ou plutôt au réseau) culturel genevois, est un acte politique hautement significatif. Le " signal " que donnerait un refus par le PS de la subvention du GT nécessitera donc pour être compris, un travail important d'explication et de propositions alternatives. Le PS peut donc parfaitement défendre les positions précédemment suggérées, en faisant ce qui sera nécessaire pour y rallier d'autres forces politiques, puis, si ces propositions sont refusées, accepter tout de même un budget ne les reprenant pas; notre attitude serait alors à l'inverse (mais ni plus, ni moins cohérente) de celle de la droite, qui soutient toujours les demandes de subventions faites par le GTG pour refuser ensuite le budget qui les contient…

Le Grand Théâtre reste une institution essentiellement financée par des fonds publics, et municipaux : des deux subventions régulières qu'il reçoit (celle de la Ville et celle de l'ACG), la première (la plus grosse de toutes celles accordées par la Ville) représente neuf fois la seconde, et près de six fois la totalité des apports extérieurs. Les autres collectivités publiques (communes, canton, Confédération) brillent soit par leur absence, soit par la fugacité, la précarité, et en tous cas la modicité, de leur présence (58) . Cela étant, si le canton devait se substituer à l'ACG et accorder au GT une subvention régulière, la logique voudrait qu'il obtienne un siège au sein du Conseil de Fondation, à la première condition que cette subvention, devenue régulière, devienne aussi " normale ", c'est-à-dire soit prise sur le budget du canton, et non sur un fonds comme le fonds d'équipement -et à la seconde condition que cette subvention atteigne au moins le niveau de celle actuelle de l'ACG, et si possible le niveau de la subvention municipale. Pour cela, il importe non seulement de renforcer la pression exercée sur le canton pour qu'il prenne sa part du financement d'une institution culturelle cantonale majeure, mais également de donner à cette pression un maximum de chances d'aboutir ; or il est évident que ces chances sont à peu près nulles lorsque l'on se présente devant les autorités cantonales en sollicitant une subvention tout en ayant assuré à la Fondation (et aux partis politiques municipaux) que si le canton n'accordait pas la subvention demandée, la Ville se ferait un devoir d'y suppléer. Pourquoi diable le canton se chargerait-il, à la demande de la Ville, d'un financement que la Ville elle-même a préalablement garanti ?

Le Conseil de fondation du GT avait déjà présenté son budget 2001/2002 en insistant sur la précarité de la stabilité financière de l'institution, et en plaidant pour " un financement plus stable et (des) garanties sur le moyen terme, faute de quoi l'institution ne sera pas à l'abri de dysfonctionnements graves qui pourraient être de nature à remettre en cause son existence même sous sa forme actuelle. (…) Nous appelons non seulement notre Autorité subventionnante, mais aussi les collectivités publiques, cantonales et communales, à se déterminer sur notre avenir ". Une année plus tard, en conclusion des comptes de la saison 2001/2002, le Conseil de Fondation avait réitéré cet appel : " Le mécénat et le sponsoring marquent le pas, et la situation économique ne nous laisse malheureusement pas espérer une augmentation significative des apports extérieurs dans les années à venir. C'est donc vers les pouvoirs publics que nous nous tournons afin de rechercher ensemble les mécanismes qui pourront assurer notre financement dans la durée. ". Or jusqu'à présent, rien n'a changé dans le financement du GT : l'opéra régional (transcantonal et transnational) est toujours, financièrement, un opéra municipal. Pourtant, dans une lettre adressée à la Fondation du GT par le " Fonds culturel de Genève ", c'est-à-dire conjointement par la Ville (Alain Vaissade) et le canton (Martine Brunschwig-Graf), annonçant une garantie de déficit d'un million par saison pour 2002-3 et 2003-4, les deux magistrats se disaient déjà " conscients de la nécessité qui se présente, pour les collectivités publiques, de revoir dans un proche avenir la structure du financement de l'opéra ". Leurs successeurs n'ont pas tenu un autre discours -mais la situation n'a pas changé pour autant…


NOTES
(34) Tous les chiffres qui suivent sont basés, sauf indication autre, sur le budget 2008 de la Ville

(35) En revanche, elles ne représentent que 0,7 % du budget cantonal…

(36) Si l'on tient compte de " prestation s en nature " évaluées parfois a minima, comme le montant théorique du loyer que devrait payer le GTG s'il ne bénéficiait pas d'une mise à disposition gratuite du bâtiment de Neuve

(37) En 2007, l'addition de la subvention d'exploitation et de la masse salariale du personnel municipal affecté au GTG pesait à elle seule 3,16 de l'ensemble du budget de la Ville.

(38) Le Ballet du Grand Théâtre n'est pas inclus dans le domaine de la danse, puisqu'il n'a pas d'existence propre et qu'il est financé sur le budget du GTG.

(39) Exposé des motifs de la PR-578, proposition du Conseil administratif de subvention extraordinaire pour la saison 2007-8 du GTG

(40) Une partie de cette augmentation est constituée par des transferts comptables, ou la reprise sous contrat fondation d'un personnel antérieurement sous contrat municipal. Si l'on tient compte en outre de l'inflation (+ 7,1 % pendant la période considérée), la progression des frais généraux d'exploitation reste de 13,4 %.

(41) Lors de la saison 2006-2007, des travaux ont été réalisés et payés par la Ville, en sus du budget du GTG, dans les ateliers Michel-Simon (structures métalliques de stockage, mezzanine, éclairage, ventilation, palans de sécurité) et Sainte-Clotilde (étanchéité, ventilation), et dans le bâtiment de Neuve (ponts de scène, plateau dorsal, machinerie supérieure, ponts d'orchestre, matériel de sécurité, façades, chauffage, WC, aménagements de nouveaux bureaux, ventilation). Plusieurs de ces travaux correspondent à des recommandations des auditeurs de Créalyse et Sherwood. en matière de sécurité.

(42) Le Conseil administratif a ainsi proposé le 17 novembre 2004, et obtenu en mai 2005, un crédit de plus de six millions pour la rénovation des ponts de scène du GTG -aux frais de la Ville.

(43) En revanche, le GTG paye ses frais de téléphone et d'informatique à la Ville, pour 100'000 à 150'000 francs/an.

(44) Grosso modo, les recettes propres du GTG (recettes des spectacles, mécénat, sponsoring, coproductions, locations etc…) équivalent aux frais directs de production : selon que l'on ne tient compte que des recettes des spectacles ou qu'on y ajoute les autres recettes d'exploitation et les apports extérieurs privés, les frais directs de production sont couverts à plus de 90 % ou à plus de 100 % (2006-7 : 91,8 % et 121,9 %, 2007-8 : 96,3 % et 110,2 %, 2008-9 : 96,2 % et 112,6 %, selon les budgets). Entre 70 % (en 2006-7) et 84 % (en 2008-9) des revenus directs des spectacles sont consacrés à la couverture des coûts directs des spectacles.

(45) Cette subvention est passée de 10.314 millions pour la saison 1988/1989 à 12,7 mios pour la saison 2003/2004, soit sur seize saisons une progression de 21,8 %. La Fondation ne s'en plaignait pas moins de ce que la subvention n'ait pas suivi, pendant la même période, la progression de l'inflation (32 %), en évaluant à 31,3 millions la " diminution effective du pouvoir d'achat " du GTG en seize ans, soit la différence entre la subvention réellement obtenue, sans compter l'apport de l'Association des communes genevoises. et le niveau qu'aurait atteint une subvention intégralement indexée sur l'inflation. La Fondation oublie toutefois de préciser que la subvention proprement dite représente moins de la moitié du coût réel du GTG pour la Ville, et que les ressources consacrées par la Ville à celui-ci (subvention + prise en charge budgétaire directe) ont, globalement, augmenté plus considérablement que ce que l'évolution de la seule subvention laisserait supposer.

(46) Sur le budget global 2009-10, le GTG finance 30,2 % de ses dépenses par ses recettes propres. Même si l'on ne tient compte que du budget de la Fondation, le financement public (y compris les apports en nature de la Ville, mais sans la masse salariale et les charges sociales du personnel affecté au GTG) assure la majeure partie des recettes totales de la Fondation (les recettes d'exploitation et les apports extérieurs trouvés par la Fondation représentaient sur le budget 2009-10 17'451'193 francs, sur un total des recettes de 37'982'273 francs.

(47) La seule mise à disposition gratuite du bâtiment de Neuve constituait en 2002 une subvention de prestation en nature équivalant au moins à 1,656 millions de FS (sur la base d'une valeur locative annuelle de 150 FS le m2, ce qui paraît largement sous-estimé). A cela s'ajoutaient les frais de consommation d'eau, d'électricité et de combustibles pour le chauffage, supportés par la Ville, soit une nouvelle subvention de prestations en nature de 261'000 FS . La Ville met en outre, toujours gratuitement, à disposition du GT des bâtiments et des locaux pour les ateliers, les répétitions, les stocks et les dépôts, et prend en charge les frais de consommation d'eau, d'électricité et de combustible, pour l'équivalent (en 2002) de plus de 1,2 million de FS (318'000 FS pour le 6-8 rue Ste-Clotilde, 801'450 FS pour le 7-9 rue Michel Simon, 117'000 FS pour les charges). La Ville ajoute encore à cela la mise gratuite à disposition du GT de véhicules pour le transport des décors, des costumes et du matériel. Enfin, la Ville assure l'entretien du bâtiment du Grand Théâtre, ce qui, entre 1980 et 1990, lui a coûté environ 15 millions de FS (soit 1,5 million par année) , et l'entretien, voire la rénovation, des équipements et des machineries (ainsi du crédit de près de 6,5 millions de francs pour la rénovation des ponts de scène, accepté en 2005).

(48) Le Conseil de fondation reçoit régulièrement (quoique cette régularité ait été mise à mal dans les derniers mois de la crise de 2006-2007) un état financier, arrêté au dernier spectacle dont les comptes ont été établis. Au 31 mars 2007, la situation financière laissait apparaître un excédent de charges de 571'000 francs par rapport au budget, excédent dû essentiellement à l'engagement d'un personnel supplémentaire de plateau, aux archives et au Ballet.

(49) Les comptes étaient vérifiés depuis 1990 par la société Price Waterhouse Coopers , mais une directive cantonale interne au DIP suggérant désormais de changer de vérificateurs des comptes tous les cinq ans, ce mandat a été mis au concours par appel d'offres et attribué à une autre société, la fiduciaire Duchosal.

(50) On en prend peut-être le chemin, puisqu'au budget 2008-9, le taux de remplissage financier a été fixé à 83 % pour les spectacles lyriques (on pourrait donc le baisser encore de trois points). Il est cependant resté à 80 % pour les spectacles chorégraphiques, et devrait donc être baissé de cinq points pour se situer à un niveau aisément atteignable.

(51) Explication de son vice-président, Marc Bonnant : " nous redistribuerons notre manne ailleurs si le Grand Théâtre devait devenir la cour de récréation du Conseil administratif à l'arène de la furia syndicale. Si l'art doit être souillé par le politique ou le syndical, nous nous retirerons ". L'art ayant été " souillé " par " le politique et le syndical ", l'Opéra par les gueux et les serviettes par les torchons, la Fondation Safra n'a pas renouvelé son soutien.

(52) La Fondation Wilsdorf a fait savoir en 2006 qu'elle se réservait la possibilité de revoir à la baisse, voire de supprimer, son soutien financier au GTG si la crise interne à l'institution devait perdurer. Elle a ensuite annoncé, à la fin de la crise (le 12 septembre 2007), qu'elle renonçait à poursuivre ce soutien. Un début de commencement de tentative de polémique a égayé la fin de l'année 2007, d'aucuns ayant trouvé judicieux d'imputer à l'auteur du présent rapport, puis au Conseiller administratif Mugny, la responsabilité du retrait de la Fondation Wilsdorf du financement du Grand Théâtre, le premier pour avoir déclaré et écrit (sur son blog) que contrairement aux rats quittant un navire avant le naufrage, la Fondation Wilsdorf le quittait après que le naufrage ait été évité. Dans une lettre du 7 décembre à Lorella Bertani, la Fondation Wilsdorf a tenu à préciser qu'elle n'avait " jamais déclaré " qu'elle se retirait " suite aux propos tenus par Monsieur Pascal Holenweg, ceux-ci, prononcés après, n'ayant fait que (conforter la fondation dans sa décision) en raison de leur caractère méprisant et parce que (le) Conseil de fondation ne s'en est pas désolidarisé*. Les déclarations de Monsieur Patrice Mugny sont donc infondées, voire mensongères ". La Fondation Wilsdorf précise en outre qu'elle a pris sa décision " en toute indépendance, c'est-à-dire hors e toute considération liée à (l') entourage politique (de la présidente de la Fondation du GTG) ou celui de Monsieur Manuel Tornare " (c'est-à-dire en raison du fait qu'ils sont socialistes) et qu'elle a " toute confiance " en l'action de la présidente de la Fondation du GTG pour " redonner au Grand Théâtre de Genève le lustre qui lui convient "… Au moment de rendre son mandat de Directeur Général, Jean-Marie Blanchard a ressorti du placard l'hypothèse d'un retrait de la Fondation Wilsdorf pour " marquer son désaccord quant à la manière dont a été gérée la crise " (Tribune de Genève du 28 juin). Eh bien non : la Fondation avant annoncé une année avant le début de la crise qu'elle allait se retirer du financement du GTG…
* Le Bureau du Conseil a toutefois exprimé son " vif mécontentement " à la suite des propos du mouton noir, et lui a " enjoint formellement (…) à ne plus interpréter publiquement les décisions des mécènes "… Encore faudrait-il que d'autres ne se chargent pas de les sur-interpréter en les travestissant (et, au passage, en les présentant comme des conséquences de déclarations ou d'événements survenus une année après qu'elles aient été prises, ce qui nécessiterait, pour comprendre le déroulement des événements, que l'on recourût à la physique quantique.
Quant au mouton noir, il a bêlé à qui de droit le rectificatif suivant :

" A en croire quelques gazettes locales (notamment la Tribune de Genève d'hier 27 novembre), et quelques échos du Conseil municipal de la Ville, (…) le Conseiller administratif Patrice Mugny aurait, en réponse à une conférence de presse du Parti Socialiste, imputé au soussigné la responsabilité du retrait de la fondation Wilsdorf du financement du Grand Théâtre. Dans une déclaration faite au quotidien Le Temps du 18 septembre dernier, soit APRES l'annonce de ce retrait, le soussigné, membre du Conseil de fondation du Grand Théâtre au titre de représentant du Conseil municipal, relevait effectivement que contrairement aux rats qui, si l'on en croit l'adage populaire, " quittent le navire " avant le naufrage, la fondation Wilsdorf, en annonçant son retrait du subventionnement du Grand Théâtre, quittait le navire au moment où la Ville et la fondation du GTG en entamaient le renflouage (1).
Relevant la dissemblance du comportement de la fondation Wilsdorf et de celui des rats, cette comparaison n'était donc pas une identification de la fondation Wilsdorf à la gent ratière; à en croire quelques bruits erratiquement parvenus aux oreilles du soussigné, et apparemment repris par le Conseiller administratif en charge de la culture, elle n'en aurait pas moins indigné ladite fondation -qui, il est vrai, n'en ressort pas à son avantage, les spécialistes de la question (2) étant unanimes à décrire le rat comme un animal sociable, affectueux et intelligent -ce dont précisément témoigne sa capacité à quitter, intelligemment, un navire AVANT le naufrage, et non, stupidement, après que le naufrage ait été évité.
Le représentant du PS au sein du Conseil de fondation du Grand Théâtre tient donc, avec toute la sincérité que mérite une polémique aussi fondamentale, à s'excuser publiquement auprès des amis des rats et des rats eux-mêmes d'avoir usé d'une comparaison dont il comprend parfaitement qu'elle aurait pu les blesser.
Le représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre en profite pour tenter de remettre quelques Rolex à l'heure :
1. Ma déclaration au Temps a été publiée le 18 septembre, une semaine après que la Fondation Wilsorf ait confirmé (et non pas annoncé, puisque le Conseil de fondation et au moins deux Conseillers administratifs, dont l'actuel Maire, en avait été prévenus depuis plus de deux ans) qu'elle cessait de subventionner le GTG. Pour que l'exercice de zoologie comparée auquel je me suis livré ait pu avoir quelque effet sur une décision antérieure de la fondation Wilsdorf, il aurait fallu que je bénéficie d'un don d'ubiquité temporelle dont je suis hélas dépourvu -mais que je suis flatté que le Maire de Genève m'attribue.
2. Dans le même article du Temps que celui qui rend compte de ma déclaration, d'autres membres du Conseil de fondation (mais, ceux-là, sous prudent couvert d'anonymat) s'en sont pris à l'exécutif de l'ancien Conseil de fondation, accusé (à tort) de n'avoir pas informé le Conseil de la décision de Wilsdorf, décision connue en effet du Bureau du Conseil de fondation, mais communiquée au Conseil depuis des mois, ce que confirment les procès-verbaux des séances dudit Conseil.
3. Le Conseiller administratif Pierre Muller avait rendu compte au Conseil de fondation du Grand Théâtre, le 15 mars 2005 déjà (il y a donc plus de deux ans et demi) de l'intention de la fondation Wilsdorf de se retirer de ses engagements dans le domaine culturel en général, et à l'égard du Grand Théâtre en particulier. Le Conseiller administratif Patrice Mugny était présent à cette séance, et y avait estimé important de se préparer à l'éventualité d'un arrêt du soutien de la fondation Wilsdorf. L'actuel Conseiller administratif Pierre Maudet, alors Conseiller municipal, était également présent lors de cette séance du Conseil de fondation, et y avait abondé (comme d'autres, dont le soussigné) dans le sens de Patrice Mugny. Deux membres de l'actuel Conseil municipal participaient également à cette séance du Conseil de fondation, et avaient donc, comme MM Maudet et Mugny, été informés il y a deux ans et demi de l'intention de la fondation Wilsdorf de cesser de financer le GTG. Qui en douterait n'aura qu'à se reporter au procès-verbal (PV 419) de la séance en question.
4. Lors de la séance du 21 novembre 2006 (il y a donc plus d'un an) du Conseil de fondation, le président du Conseil, Bruno de Preux, annonçait que la fondation Wilsdorf confirmait que si la crise (" le désordre ") devait " perdurer ", la fondation " se réserverait la possibilité de revoir son soutien financier au GTG " (PV 436 du Conseil de fondation). A cette séance aussi, les deux Conseillers administratifs (MM Mugny et Muller) étaient présents, ainsi que trois Conseillers municipaux . M. Mugny a invité les représentants politiques au sein du Conseil de fondation, et tout particulièrement la représentante du Parti du Travail et le représentant de SolidaritéS-indépendants, à " informer leurs partis ". Apparemment, il était inutile de lancer cette invitation au représentant du PS - à qui l'on faisait plutôt grief de trop bien informer son parti que de ne pas assez l'informer.
On peut donc reprocher beaucoup de choses à la fondation Wilsdorf, y compris de quitter le navire au moment où commence son renflouage, mais en tous cas pas d'avoir pris le Grand Théâtre au dépourvu, pas plus qu'on ne peut me reprocher à moi d'avoir provoqué son retrait, ou d'empêcher son retour. Tant le Conseil administratif que le Conseil de fondation savaient parfaitement, depuis deux ans et demi, que la fondation Wilsdorf avait l'intention de cesser de subventionner le GTG, que cette intention s'était renforcée à la faveur de la crise traversée par le GTG, et donc que la subvention de la fondation Wilsdorf était condamnée. Et si je puis me sentir flatté d'être accusé d'avoir, par une déclaration faite en septembre 2007, provoqué une décision annoncée en mars 2005, je ne puis que m'interroger sur la rationalité de cette hypothèse, sauf à remettre en cause quelques fondements einsteiniens de la science contemporaine et à faire reposer l'enchaînement des événements dans le champ de la politique culturelle genevoise sur la physique quantique (ou la science-fiction anglaise du début du XXe siècle).
Pascal Holenweg "

(1) Dans une lettre parfaitement mesquine sur le fond et dans la forme, la fondation Wilsdorf a annoncé le 12 septembre à la fondation du Grand Théâtre que " tenant compte des audits de Sherwood et Créalyse comme de l'avis exprimé par Maître David Lachat quant aux mesures à prendre pour mettre un terme à la crise du Grand Théâtre ", elle avait " décidé de ne pas prolonger " son soutien au GTG " en dépit de l'excellente qualité de (sa) programmation artistique ", et qu'elle estimait que c'était aux " Autorités " et à la fondation d' " assumer le destin " du GTG.
On rappellera donc, et pas seulement à la fondation Wilsdorf, que " les autorités " et la fondation assument déjà le destin du GTG, que le soutien de la fondation Wilsdorf équivalait, en gros, à un quarantième de celui de la Ville et à un quinzième de l'autofinancement du GTG par sa programmation. Et que dans ces conditions, si un seul sponsor peut certes manquer au GTG, le GTG n'en sera pas dépeuplé pour autant...
On ne peut enfin s'empêcher de penser que le retrait de la fondation Wilsdorf, au-delà des prétextes avancés (puisque les recommandations des audits seront suivies, et assumées financièrement pour l'essentiel par la Ville), pourrait bien ne relever que d'une piètre vengeance sociale : la crise du Grand Théâtre ayant abouti à un changement à la tête du Conseil de fondation, à la reconnaissance du personnel et des syndicats comme partenaires de plein droit, et à la confusion de ceux qui refusaient cette reconnaissance, on comprendra que pour ceux-là (dont la fondation Wilsdorf, qui était représentée dans l'ancien Conseil de fondation du GTG), la solution du conflit s'apparente un peu trop à l'entrée de la plèbe dans le château pour pouvoir être digérée sans douleur.
(2) On se reportera avec avantage aux sites Internet www.ratoupedia.org et www.srfa.info, et au forum de l'Association des Rats Romands www.arrweb.ch

(53) Ces recettes propres ont augmenté de 72,2 % entre les saisons 1988/1989 et 2003/2004, période pendant laquelle leur augmentation a été plus forte que celle des dépenses d'exploitation (50,6 %).

(54) Finalement, la décision a été prise par la Ville d'indexer la subvention principale accordée au GT.

(55) Et encore cela même est contestable, puisqu'en dix ans (1996-2006), la seule subvention régulière de la Ville au GTG a augmenté de près de 50 % (de 10,6 mio à 15,5 millions) alors que l'ensemble des subventions de la Ville et du canton n'augmentait, dans le même temps, que de 35 %

(56) Sur le budget 2007-8, les recettes d'exploitation sont estimées à 14'831 millions, les frais généraux d'exploitation à 15'580 millions. Les premières sont certes surestimées, puisque basées sur des hypothèses d'occupation financière de la salle délibérément optimistes, mais il s'y ajoutent des apports extérieurs privés dont le GTG assume lui-même la recherche.

(57) Les frais directs de production, qui de la saison 1991-2 à la saison 1997-8, se situaient autour de la barre des dix millions FS/an, ont brutalement pris l'ascenseur dès la saison 1998-99, pour dépasser les 14 millions en 1999-00. Ils sont ensuite légèrement retombé (à plus de 12 millions) la saison suivante, mais ont à nouveau grimpé dès 2001-2, pour dépasser à nouveau les 14 millions en 2003-4…

(58) Vieille histoire, comme le rappelle Serge Arnauld (in Miroirs) : " on eut l'ambition d'associer les communes genevoises à la Ville, dès 1925, afin de disposer de moyens financiers complémentaires. Quelques années après l'ouverture du nouveau théâtre -notre Grand Théâtre-, le conseil municipal avait sollicité l'Etat de manière à ce qu'il contribuât pour un huitième de la subvention annuelle s'élevant au total à deux cent mille francs. Peine perdue, dans un cas comme dans l'autre ! On arguait déjà, d'un côté, que le public débordait largement de celui qui demeurait inscrit en Ville de Genève. On rétorquait, de l'autre côté, que le déficit inopportun du Théâtre n'autorisait pas une entrée en matière ".

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