vendredi 4 septembre 2009

Contextes

Rapport (saison 2008-2009) du représentant du PS au Conseil de fondation du Grand Théâtre :
Le rapport complet (au format PDF) peut être téléchargé à l'adresse suivante :
http://www.perso.ch/troubles/RapportGTG-PSvG.pdf

Contextes

A. Contexte politique
Le Grand Théâtre est une vache sacrée, vénérée comme telle même au sein de l'Alternative : quand la vache meugle, le fidèle s'alarme. Quand le Grand Théâtre demande, le Conseil municipal accorde. Quand au Conseil municipal quelques nihilistes s'avisent de contester les demandes du Grand Théâtre, ils et elles restent structurellement minoritaires. Siéger au Conseil de Fondation du Grand Théâtre, c'est donc siéger dans la panse de la vache sacrée. On peut tenter d'y jouer un autre rôle que celui de l'enzyme digestif, mais, faute de relais majoritaire au Conseil municipal, c'est le plus souvent se retrouver à peu près seul à le tenter. Tel fut régulièrement le cas du socialiste de service jusqu'aux changements imposés par la crise de l'institution.

Le Grand Théâtre est la plus lourde (financièrement et symboliquement) des institutions culturelles dont la Ville de Genève assume le financement et assure la surveillance. Par le fait même, le GT est donc aussi l'institution culturelle sur laquelle des propositions de réforme du partage des responsabilités de la politique culturelle genevoise pourraient avoir le plus d'impact financier et politique. Les propositions faites par le PS sur ce thème prennent d'ailleurs, fort logiquement, le GT comme l'une des " cibles " privilégiées d'une redéfinition des charges et des responsabilités entre les différents acteurs institutionnels de la région (canton, communes), et c'est tout aussi logiquement à propos du GT que nos propositions ont suscité le plus de polémiques, et que l'incohérence du financement public de la culture à Genève s'est révélée le plus clairement, lorsque pour assurer le maintien de sa subvention, la Fondation du Grand Théâtre a menacé de supprimer le Ballet du Grand Théâtre.
L'importance du GT dans le " paysage culturel " genevois, et le fait qu'il s'agisse de la principale institution subventionnée par la Ville, devrait lui imposer de mener en tant qu'employeur une politique d'autant plus exemplaire qu'elle est payée, pour deux tiers, par des fonds publics. De ce point de vue, la persistance d'un " statut à deux vitesses " au sein du GT (statut du personnel municipal et statut du personnel employé par la fondation) posait, et pose toujours (17) un problème politique, aggravé par le refus du Conseil de fondation précédent d'accepter de rencontrer les syndicats, et par la surdité persistante (et volontaire) dudit Conseil de fondation et de son bureau aux plaintes du personnel.

La présence et les prises de position d'un représentant du PS au Conseil de Fondation du GT, et les prises de position du PS sur les demandes de subvention de la Fondation du GT (que ces prises de position soient ou non suivies d'effets), sont donc à inscrire dans ce contexte : celui d'un débat politique encore inabouti sur la charge de la politique culturelle genevoise en général, celle des grandes institutions culturelles plus spécialement, et celle du Grand Théâtre en particulier, et d'un mode de fonctionnement du Conseil de fondation du Grand Théâtre qui le rendait incapable d'assumer les responsabilités qui sont, théoriquement (et légalement) les siennes en tant qu' " organe suprême " de la Fondation. Les positions socialistes en la matière (si l'on veut bien accorder à l'auteur du présent rapport que ses positions pussent, de temps à autre, être conformes à celles du parti, et que celles du parti socialiste pussent être parfois socialistes) ont certes pu être débattues au sein du Conseil de fondation du GT comme au sein du Conseil municipal, mais en étant minoritaires dans ces deux instances -et en étant même stigmatisées au sein du Conseil de fondation comme " minant le Grand Théâtre ". On notera au passage que si la Ville assure financièrement l'existence et le fonctionnement du Grand Théâtre, la majorité politique de la Ville est minoritaire au sein du Conseil de fondation, et les positions socialistes souvent minoritaires au sein de cette minorité. Si l'on s'en tient aux membres du Conseil qui y disposent du droit de vote, l'Alternative n'y disposait jusqu'aux élections de 2007 que cinq voix sur une quinzaine (quatre des représentants du Conseil municipal plus le Conseiller administratif en charge du DAC), et n'adoptait que rarement une position commune.
Avec une lenteur fort helvétique, il semble toutefois que les positions socialistes pourraient, si les socialistes en font l'effort, faire quelque chemin, notamment au sein de l'Alternative, et qu'en particulier la nécessité d'une " régionalisation " du financement public de l'institution, et d'une sécurisation de celui du Ballet, soient de mieux en mieux perçue, quoi qu'ils en disent (ou puissent en dire), par les membres du Conseil de fondation (18), par la Ville, voire par le canton. La politique budgétaire cantonale, pourrait cependant rendre illusoire tout partage de cette charge -on se souviendra au passage de la tentative de la droite et des Verts de transférer aux communes la quasi-totalité des responsabilités culturelles assumées par le canton, tentative contrée par la mobilisation des milieux culturels après que l'alarme ait été donnée par une rupture de collégialité gouvernementale, du fait des conseillers d'Etat socialistes (et en particulier de Charles Beer).

Au moment de la demande de subvention, c'est à la Ville que s'adresse le Grand Théâtre, et c'est la Ville qui paie, sans rechigner, d'autant que ses finances sont (malgré le canton) meilleures que celles du canton, et passent (toujours malgré le canton) par une période moins troublée que celle que nous avions naguère utilisée comme prétexte (conjoncturel) à nos tentatives (structurelles) de redéfinir le financement des institutions culturelles. En clair : comme il y a encore suffisamment d'argent dans les caisses municipales pour assurer une subvention presque exclusivement municipale au Grand Théâtre, la Ville n'a pas (encore ?) exprimé clairement la volonté politique de mener le combat non moins politique, menant à un partage des responsabilités dans le financement culturel régional (ce qui lui aurait imposé de partager le pouvoir sur et dans la principale institution culturelle du canton -l'école mise à part). On notera cependant que les réductions d'impôts proposées par la droite et les Verts, et sur lesquelles le bon peuple votera fin septembre 2009, auront pour effet mécanique de priver la Ville de rentrées fiscales équivalant grosso modo au coût du Grand Théâtre pour les finances municipales.
La Ville n'est pas seule " fautive " de l'absurdité du financement de la principale institution culturelle de la région : le canton y a sa part, et le Grand Théâtre lui-même peut être tenu pour responsable de sa propre précarité : jusqu'à la " crise du Ballet " (donnons lui ce nom par commodité d'expression, puisque le sort du Ballet y fut en jeu, mais retenons tout de même que ce n'était pas le Ballet en tant que tel mais le budget de la fondation du Grand Théâtre qui était en crise), la Fondation n'avait pas vraiment incité la Ville à " partager son pouvoir " en partageant sa charge financière, et le canton lui-même n'avait pas montré une très grande disponibilité à ce sujet, chacun se satisfaisant de la pratique en vigueur depuis 1930 (au moins) -tout en sachant plus ou moins confusément qu'elle n'est plus tenable, même si ce sont moins des raisons financières que des raisons politiques qui militent pour une nouvelle répartition des charges, des tâches et des responsabilités (19).

B. Contexte institutionnel
La Fondation du Grand Théâtre est une fondation communale de droit public, instituée par une loi cantonale, et dont l'autorité de surveillance est l'exécutif de la Ville de Genève (20).

Le Conseil de fondation avait réélu en septembre 2006 (par 8 voix et une abstention) Bruno de Preux à son poste de président de la fondation (21) . Robert Roth avait également été réélu à la vice-présidence (avec 7 voix, moyennant une abstention) et Marie-France Spielmann, à l'unanimité (22) au secrétariat. Après la profonde crise traversée par le GTG en 2006 et 2007, le Conseil de fondation a été partiellement renouvelé -et son bureau totalement renouvelé : le Conseil administratif a d'abord nommé les cinq membres qu'il lui incombe statutairement de nommer au Conseil de fondation, sans pour autant que ces membres soient les représentants du CA -ils sont nommés pour leurs qualités personnelles (23) : Lorella Bertani, Guy-Olivier Segond, Guy Demole (ancien président de la Fondation), Martine Koelliker (codirectrice du Département de la Culture) et François Duchêne (ancien Secrétaire général du GTG). Les Conseillers administratifs Patrice Mugny et Manuel Tornare (qui succède donc à Pierre Muller) siégent également, de droit, au Conseil de fondation. Le 25 juin, le Conseil municipal a désigné (24) ses sept représentants (un par parti, en réalité un par groupe) (25) en les personnes de Florence Kraft-Babel (libérale, sortante), André Klopmann (Vert, sortant) et Pascal Holenweg (PS, sortant), ainsi que Bernard Lescaze (radical, nouveau), Jean-Luc von Arx (PDC, nouveau) (26), Jacques Haemmerli (UDC, nouveau sous cette étiquette mais ancien représentant du parti radical limogé par ledit parti) et Jean Spielmann (AGT, nouveau). Au moment de nommer ses représentants, le Conseil administratif a annoncé qu'il proposait Lorella Bertani à la présidence de la fondation, et Guy Demole à la vice-présidence. Le 29 août, lors d'une réunion informelle, la quasi unanimité des membres du Conseil qui entrait en fonction le 1er septembre ont accepté cette proposition -de même que celle de nommer Bernard Lescaze comme troisième membre du bureau du Conseil (bureau auquel siègent également les deux Conseillers administratifs délégués au Conseil de fondation, Patrice Mugny et Manuel Tornare, et qui s'adjoindra la collaboration de Guy-Olivier Segond). En outre, le nouveau Conseil de fondation a accepté de s'adjoindre un représentant du personnel, en la personne du président de la Commission du personnel fondation, Denis Chevalley. Ces désignations et cette adjonction ont été formellement validées lors de la première réunion du nouveau Conseil de fondation, le 3 septembre : Lorella Bertani a donc été élue à la présidence à l'unanimité moins une voix, Guy Demole à la vice-présidence et Bernard Lescaze au secrétariat, tous deux à l'unanimité.
En outre, le poste de Directeur-trice général-e du GTG a été remis au concours, pour entrée en fonction début juillet 2009 (le contrat du DG en place arrivant à échéance fin juin). Le communiqué du Conseil administratif précisait benoîtement que le directeur actuel, Jean-Marie Blanchard, dont le contrat arrivait à son terme deux ans plus tard, avait " toute latitude pour présenter sa candidature à ce poste " -il est vrai que nul ne s'attendait à ce qu'il le fasse (27).
Le poste de Secrétaire général a été supprimé et un-e directeur-trice des ressources humaines sera nommé, sous statut de fonctionnaire mais dépendant administrativement de la Fondation, ainsi qu'un-e directeur-trice technique (28) et un-e directeur-trice administratif-ve et financier-e.

Le Conseil de fondation se réunit généralement une fois par mois (hors les mois d'été), soit une dizaine de fois par année civile, mais dans les derniers mois de la crise qu'a traversée le GTG, la fréquence des réunions a doublé.

Le Conseil de fondation du GT (formé d'une quinzaine de membres) (29) est théoriquement l'instance directoriale de l'institution -il adopte un " règlement intérieur " qui, s'appuyant sur le statut du GT, lui confère ce rôle. Toutefois, depuis des années, et tout particulièrement pendant la période de la crise, il a joué le plus souvent pour son Bureau (30), voire pour la Direction générale (31) , le rôle d'une chambre d'enregistrement de leurs propositions, ce que même les représentants du Parti libéral et des Verts ont dénoncé, le premier (32) dans une lettre au président du Conseil de Fondation, en décembre 2002, à propos de la désignation du nouveau directeur du Ballet, le second dans une lettre au même président, à propos de la " confiance " votée, sans contenu et en méconnaissance des conditions posées, au directeur général, en décembre 2006. Les interventions " contestataires " sont donc très généralement minoritaires, parfois sanctionnées : les partis libéral et radical ont été plus ou moins explicitement invités par le bureau du Conseil de fondation à remplacer leurs représentants indociles, et se sont pliés à cette invitation, laquelle avait également été adressée, de manière réitérée, au PS -qui ne s'y est cependant pas plié.
Le pouvoir réel au sein du GTG étant détenu (comme dans toute institution du même type et de même importance) par la direction (33) et non le Conseil de fondation, celui-ci a tout de même à déterminer (quand il joue son rôle), ou à ratifier (quand il se contente d'être une chambre d'enregistrement) les grandes orientations " politiques " de l'institution : son budget (et donc la demande de subvention à la Ville), sa structure (unicité de l'opéra et du ballet, par exemple) et sa direction artistique, sinon sa programmation (laquelle relève de la responsabilité de la direction, sauf à transformer le Conseil de fondation en comité de censure ou en commissariat du peuple aux arts lyriques)…

La Ville de Genève est représentée au Conseil de Fondation par deux Conseillers administratifs (Patrice Mugny et Manuel Tornare) et un(e) représentant(e) de chaque groupe politique du Conseil municipal : pour l'Alternative, il s'agit de Jean Spielmann pour AGT, d'André Klopmann pour les Verts, et, jusqu'au 31 août 2009, du soussigné pour le PS. On notera qu'il n'y a guère d'unité spontanée des positions des différents représentants des différentes composantes de l' " Alternative " (non plus d'ailleurs que de celles des représentants des partis de l'Entente), hors les cas de votes quasi unanimes de tout le Conseil.

NOTES

(17) la municipalisation du personnel non artistique se fait à coups de deux, trois ou quatre postes par année -à ce rythme il faudra cinquante ans pour atteindre l'objectif d'un statut municipal unique, à supposer qu'on veuille l'atteindre

(18) Une démarche commune à l'ensemble des représentants du Conseil municipal au Conseil de fondation, tous partis confondus, a été effectuée auprès des députés au Grand Conseil en septembre 2005. Elle s'est matérialisée par une lettre adressée à la présidente d'alors du parlement, Mme Marie-Françoise de Tassigny, avec demande de la communiquer au Grand Conseil. Dans cette lettre, qui n'a obtenu aucune réponse, les huit représentants du Conseil municipal rappelaient que le GTG était fréquenté à raison d'au moins 60 % par des personnes résidant hors de la Ville de Genève, alors que la participation d'autres communes que la Ville au financement du GTG ne se faisait qu'indirectement et chichement, par l'intermédiaire du Fonds d'équipement communal, que le Grand Conseil s'apprêtait à assécher.

(20) … n'en déplaise au parti libéral qui feignait, en février 2007 (les élections municipales aidant), de découvrir une hypothétique contradiction formelle (il peut cependant y en avoir une, mais politique) entre la qualité d'autorité de surveillance du Conseil administratif et sa représentation par deux de ses membres au Conseil de fondation (et au bureau), et en déduisait la nécessité de transférer le pouvoir de surveillance au canton. Les juristes libéraux oubliaient opportunément que selon l'art. 84 du Code civil, les fondations de sont placées " sous la surveillance de l'autorité publique " (Confédération, canton, commune) dont elles relèvent par leurs buts. La culture étant à Genève une compétence municipale, la fondation structurant une institution culturelle relève donc, par ses buts, de l'autorité communale. Le parti libéral n'est d'ailleurs pas le dernier à vouloir dépouiller le canton des quelques prérogatives matérielles dont il dispose en matière culturelle, pour les basculer sur la Ville…

(21) Bruno de Preux avait été élu une première fois en 2001, puis réélu en 2002, 2003, 2004 et 2005 à la présidence.

(22) ce qui prouve que le Parti du Travail peut gagner des élections -quand il y a candidature unique…

(23) Au terme du mandat du Conseil de fondation nommé en 2003, Patrice Mugny a ainsi regretté que les cinq personnes que le Conseil administratif avaient désignées dans ce Conseil se soient retrouvées, toutes, en opposition au CA lors de la crise qui a secoué le GTG en 2006 et 2007.

(24) Avec un mois de retard, dû à la tentative absurde du Conseil administratif de modifier la composition du Conseil de fondation alors qu'elle est déterminée par des statuts que le CA ne peut modifier seul…

(25) Comme il y a un groupe de moins, les deux groupes issus de l'Alliance de gauche s'étant unifiés dans le groupe d' " A Gauche Toute ! ", il y a un représentant du Conseil municipal de moins -et un représentant de gauche de moins, dans la représentation du Conseil municipal (en revanche, il y a deux socialistes de plus au Conseil de fondation : la présidente de la Fondation et l'un des deux représentants du CA). Aucun des deux n'y siège cependant en tant que socialiste…

(26) Cette nomination équivaut à un limogeage du représentant précédent du PDC, Jacques Finet, qui aurait souhaité poursuivre son mandat.

(27) Mais nul, ne s'attendait non plus à ce qu'il réclame un million de francs (soit trois ans de salaire) au Conseil administratif pour " congé abusif ", alors qu'il n'y a pas eu de " congé "…

(28) Les mauvaises habitudes ne se perdant pas si facilement, le nouveau directeur technique a été engagé par le Conseil de fondation (à l'opposition près de l'auteur de ce rapport) lors d'un vote intervenu en " urgence ", sans que cet engagement figure à l'ordre du jour, sans que le Conseil ait jamais rencontré le seul candidat au poste, ni qu'un dossier de candidature ait été transmis au Conseil. Pour un poste rétribué 200'000 francs par an, le préavis impérieux du futur directeur général a donc suffi.

(29) Le nombre de membres du Conseil de fondation varie selon le nombre de groupes au Conseil municipal, puisque chaque groupe a droit a un représentant au Conseil de fondation

(30) Bruno de Preux (président), Robert Roth (vice-président), Marie-France Spielmann (secrétaire), Patrice Mugny, Pierre Muller (représentants du Conseil administratif)

(31) Jean-Marie Blanchard (Directeur général), Antonio Soragni (Secrétaire général), tous deux sous contrat de droit privé avec la Fondation. Le Directeur technique, Jacques Ayrault, (membre du personnel de la fondation) ne participe pas au Conseil de fondation.

(32) Alors André Kaplun

(33) C'est-à-dire le Directeur général et les directions spécifiques (ressources humaines, finances, technique etc…), ainsi que, pour ce qui concerne leurs domaines, les directions du Ballet et des chœurs.

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