vendredi 13 avril 2012

Rénovation du musée d'Art et d'Histoire : un préavis de poids

Pas de Nouvel, bonne nouvelle ?

Le 29 février dernier, la Commission des monuments, de la nature et des sites a délivré un préavis défavorable à la requête en autorisation de construire déposée le 10 novembre par la Ville, pour la rénovation du Musée d'Art et d'Histoire. Le préavis de la CMNS ne porte cependant pas sur le principe de cette rénovation, que tout le monde s'accorde à considérer comme nécessaire et urgente, mais sur le seul projet pris en compte jusqu'à présent, celui de l'Atelier Jean Nouvel et de ses partenaires genevois. Si la Ville continue à s'accrocher à ce seul projet de rénovation, à n'en étudier sérieusement aucun autre et en particulier à ne pas étudier celui présenté par les associations de défense du patrimoine, ce n'est plus seulement le risque que l'on court, mais désormais la certitude que l'on peut annoncer, de se diriger tout droit et très vite dans une impasse et de condamner toute rénovation du musée, soit par refus de l'autorisation de construire, soit par provocation d'un référendum...

Décrocher la bernique Nouvel du rocher du MAH

Le préavis négatif donné par la Commission des monuments, de la nature et des sites au projet « Nouvel » de rénovation du Musée d'Art et d'Histoire n'hypothéquerait pas si lourdement cette rénovation si la Ville ne s'accrochait pas si obstinément à ce seul projet de rénovation -nous avions pourtant proposé au Conseil municipal de faire étudier en commission le projet alternatif de « Patrimoine Suisse », mais nous n'avions pas été suivi. Et c'est bien dommage, parce qu'on y a sans doute perdu l'avantage qu'aurait donné à la rénovation du MAH l'ouverture du débat à d'autres projets que celui de l'atelier Jean Nouvel.

Certes, la CMNS ne délivre que des préavis, et le Conseil d'Etat pourrait n'en pas tenir compte, mais ils pèsent lourd, ces préavis, dans des débats qui se concluent souvent par des référendums. Or le préavis de la CMNS reprend pour l'essentiel les objections des associations de défense du patrimoine, opposées au projet Nouvel et, au moins pour l'une d'entre elles (Patrimoine Suisse), favorables à un projet alternatif et donc à la rénovation du musée -mais pas à n'importe quelle rénovation : en respectant l'rchitecture du bâtiment Camoletti. Il veut préserver la cour « à l'italienne » du bâtiment actuel (et son apport de lumière naturelle), mais accepte (comme la CMNS) de la couvrir par une verrière. Il propose l'excavation du sous-sol pour un auditorium et des espaces d'exposition; il envisage l'affectation de l'ensemble du quadrilatère au MAH, pour en faire un véritable « quartier du Musée » en utilisant le bâtiment de l'école des beaux-arts après un accord avec le canton, et le remblai de la butte de l'Observatoire pour une extension, dissociée du bâtiment central mais offrant un espace additionnel plus important que celui proposé par le projet Nouvel. Bref, le projet de Patrimoine Suisse intègre des préoccupations et propose des aménagements que le projet Nouvel n'intègre et ne propose pas, mais il entend répondre aux mêmes objectifs que le projet Nouvel, s'il propose d'y répondre autrement. Il offre donc un deuxième scénario pour ces objectifs : admettez qu'il serait à la fois absurde et stupide de refuser toute étude de ce deuxième scénario, lorsque l'on sait que le premier est contesté, qu'il le sera par un référendum, qu'il faudra donc voter et qu'il faudra, pour gagner ce vote, c'est-à-dire faire accepter par le peuple une dépense de plusieurs diozaines, et peut-être d'une centaine de millions de francs, constituer une coalition qui soit potentiellement majoritaire. Et qu'on ne pourra pas constituer à la fois contre les associations de défense du patrimoine et contre les adversaires de tout investissement culturel, quel qu'il soit.

Et puis, au-delà du débat sur la rénovation du musée, il y a celui, qui ne se mène guère, sur le rôle même d'un musée. Avant d'être un lieu culturel, le musée public est un signe social, qui dit l'identité que revendique la collectivité dont il émane. Mais les musées, aujourd'hui, se mercantilisent, se conçoivent comme des lieux de consommation de marchandises culturelles. Une consommation qui se mesure comme toute consommation : quantitativement, par le nombre de consommateurs et par le chiffre d'affaire. Coiffer le MAH d'un restaurant et combler sa cour intérieure participe de cette évolution, et de cette dévaluation, des musées. La signature de Nouvel n'y ajoute qu'un peu de prestige, ou du moins qu'un peu de glamour médiatique. L'ancien conservateur cantonal Bernard Zumthor y voit, non plus le signe d'un projet muséal, mais celui de « l'inféodation du champ culturel à la futile idéologie du paraître ». Nous partageons ce constat. Mais pour que le débat s'ouvre sur ce qu'il exprime, et donc sur ce qu'on attend de nos musées, il faut d'abord pouvoir se sortir de la guerre de tranchées ouverte autour de la rénovation du MAH, et on ne s'en extirpera pas de nos tranchées tant qu'on s'accrochera au projet Nouvel comme une bernique à son rocher.

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