vendredi 17 juin 2016

Fonda de tiroir


L'Organisation mondiale de la santé appelle les gouvernements à appliquer à tous les films où l'on fume une classification « pour adultes », comme les film érotiques, et à les faire précéder ou accompagner de messages anti-tabac. Mais que voilà une idée géniale : quand dans « Max et les Ferrailleurs » Romy Schneider s'en grille une sur son lit, ou que dans «Pulp Fiction» John Travolta et Uma Thurmann s'en alument chacun une en même temps, que dans « Le Port de l'Angoisse » Lauren Bacall demande du feu à Humphrey Bogart ou que dans « La Dolce Vita » Marcello Mastroianni séduit la clope au bec, on nous préviendra que faire comme eux c'est pas bon pour notre santé. Et quand dans des films de guerre, ou des westerns, ou des polars, ou des films fantastiques, ou de science fiction, les héros massacrent tout ce qui bouge et qui ne leur plait pas, on aura aussi droit à un classement de tous ces films comme films « pour adultes » et à un avertissement comme quoi c'est pas bien d'exterminer, même quand on est non-fumeur ?

La presse a annoncé ces jours l'arrestation de trois participants à la « manif sauvage » du 19 décembre, qui avait été accompagnée de déprédations (notamment de la façade du Grand Théâtre) et de saccages. Un des participants, membre du Black Block, a été mis en détention, les deux autres ont été laissés en liberté, mais la presse a lourdement insisté sur les liens que l'une d'entre eux avait avec l'Usine. Manière d'impliquer celle-ci dans le boxon (comme la droite et l'extrême-droite l'avaient fait, en tentant de geler la subvention municipale au Centre alternatif) ? L'Usine a répondu en ces termes, le 15 mars, par un communiqué de presse :
« Suite aux différents articles parus ce weekend dans la presse genevoise, L'Usine condamne l'amalgame politique et médiatique concernant la manifestation sauvage du 19 décembre 2015. L'usine en tant que centre culturel auto-géré n'a pas organisé ou participé à cette manifestation. Elle n'a donc pas à y etre associée de manière publique dans des articles de presse. L'Usine se questionne sur les sources de ces informations, relayées par des médias genevois sans consultation de ses représentantes. »

« Nous n'avons jamais eu l'intention de nous attaquer aux artistes », a geint le PDC de la Ville de Genève après le succès du référendum lancé (on votera le 5 juin) contre les coupes budgétaires que le PDC a contribué à imposer dans les subventions à la culture et les fonds généraux destinés aux artistes... et le chef du groupe PDC au Conseil municipal d'expliquer (dans la « Tribune de Genèv » du 23 janvier : « nous souhaitons simplement un contrôle sur la politique culturelle ». C'est cela, voui. Et si  le PDC de la Ville commençait par avoir un contrôle sur ses propres votes et leurs conséquences ?

Comme on sait, le canton de Genève veut mettre la main sur l'Opéra municipal. Mettre la main sur le Grand Théâtre, mais pas vraiment au porte-monnaie. En fait, le canton veut le pouvoir sur le Grand Théâtre, mais en payant le moins possible. Le Grand Conseil a donc accepté, péniblement, de verser une subvention de 500'000 francs (un peu plus d'un centième de ce que coûte le Grand Théâtre à la Ville) pour la saison 2015-2016, qui se termine dans trois semaines, et de deux millions pour la saison 2016-2017 (ce n'est toujours que 4 % de ce que la Ville paie pour son Opera), mais a refusé d'aller plus loin et de s'engager pour les saisons suivantes. Quand il va s'agir pour le canton de reprendre le Grand Théâtre, qui coûte près de 50 millions par année sans compter l'entretien et la rénovation du bâtiment et de la machinerie, et de reprendre donc dans la fonction publique cantonale les 150 employés municipaux qui sont affectés à l'Opera par la Ville, la discussion risque de prendre une autre tournure. Et la négociation sur la nouvelle répartition des tâches entre le canton et les communes une autre réalité que les bidouillages épiciers à quoi elle s'est réduite jusqu'à présent. C'est con, quand même, le principe de réalité. Con, et coûteux.

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