mardi 2 juin 2009

Du Ballet du Grand Théâtre

Du Ballet du Grand Théâtre comme fusible, de la danse du scalp comme création chorégraphique et de la prise d'otages avec rançon comme méthode d'obtention d'une subvention



Situation générale du Ballet du Grand Théâtre

Le 20 avril 2005, la majorité du Conseil municipal votait (à l'unanimité) l'entrée en matière sur une proposition de résolution du Conseil administratif (103) visant à accorder une garantie de déficit (c'est-à-dire, de fait, une subvention -mais déguisée) d'un million de francs pour la saison 2005-2006 du Ballet du Grand Théâtre. La discussion immédiate ayant été refusée par 48 voix contre 16, la proposition était renvoyée, après un large débat, pour examen à la commission des Finances, qui l'amendera après y avoir consacré plusieurs séances (104). Le Conseil administratif proposait une garantie de déficit, que la commission proposera de transformer en subvention régulière, non incluse dans la subvention annuelle du GTG, ce qui impliquerait sa disparition en cas de suppression du Ballet. En outre, la commission proposera de conditionner cette nouvelle subvention à un apport privé ou public tiers, et à une conventionnement de subventionnement.

Le Ballet que la Fondation du Grand Théâtre menaçait fin 2003, puis à nouveau en 2005 de supprimer pour en économiser la charge financière, tout en promettant (devant la Commission des Finances, le 25 mai 2005), que s'il " obtient les 2 millions qui lui manquent, il aurait une assise lui permettant de ne plus quémander " (105), existe depuis 1942 en tant que " Ballet de la Société romande de spectacles ", et depuis 1962 en tant que Ballet du Grand Théâtre. En décembre 2002, le Conseil de fondation du GT (puisque le Ballet est resté un surgeon de l'opéra, malgré une tentative, avortée, de l'en émanciper…) a nommé, pour prendre réellement fonction dès le début de la saison 2003/2004, un nouveau directeur du Ballet, en la personne de Philippe Cohen, directeur des études chorégraphiques au Conservatoire de Lyon et ancien danseur de la compagnie Dominique Bagouet. Il a remplacé à ce poste Giorgio Mancini, lequel était (et se voulait) plus chorégraphe que directeur, ce qui avait, dans ses relations avec les danseurs, des conséquences assez négatives. Le choix du GT s'est porté sur Philippe Cohen après que de nombreux contacts aient été pris avec d'autres directeurs potentiels (dont William Forsythe) et que d'autres candidatures spontanées se soient manifestées (dont celle de Myriam Naisy), mais sans qu'aucun appel public de candidatures ait été lancé. Le nouveau directeur a exprimé au Conseil de Fondation son souhait de réduire de 27 à 23 ou 24 les effectifs des danseurs, afin de " faire danser tout le monde " et d'être " à l'écoute de chacun " (106) . A l'automne 2005, alors que les effectifs du Ballet étaient déjà passés à 22 danseurs, la direction du GT a annoncé au Conseil de fondation une nouvelle réduction des effectifs permanents à 18 danseurs, quatre stagiaires compensant cette réduction. Au printemps 2005, présentant le programme de la saison à venir, Philippe Cohen a exprimé sa volonté de " donner au Ballet du Grand Théâtre un répertoire q
ui lui est propre ", de ne pas se contenter de danser des pièces dansées déjà par d'autres compagnies, et, au bout du compte, " de rendre la compagnie indispensable à Genève " en prouvant " le bien-fondé de son maintien " (107), buts qu'on s'accordera d'autant plus facilement à estimer louables qu'il étaient précisément et également les nôtres. Cela étant, le chemin reste long à parcourir pour faire réellement du Ballet du Grand Théâtre le " vrai pôle de création " qu'évoque Philippe Cohen (108), et de la danse (classique, moderne ou contemporaine) en général, un fait de culture de masse : interrogés en 2004, seuls 25 % des Genevois disaient assister au moins une fois par année à un spectacle de danse (il est vrai que la proportion était encore plus basse pour l'opéra : 19 %). Et Philippe Cohen d'ajouter que si le Ballet du Grand Théâtre n'arrive pas (encore ?) à attirer le public de la danse contemporaine, " c'est certainement une question d'image " : celle du Grand Théâtre.
L'émancipation du Ballet (son " autonomisation " du Grand Théâtre) pourrait y remédier. La présence internationale du Ballet, indépendamment de la scène lyrique, contribue d'ailleurs à rendre cette émancipation plausible : la plus grande partie de l'activité " spectaculaire " du Ballet du Grand Théâtre se déroule hors de Genève, et son directeur assure : " nous sommes de plus en plus demandés " (109) : Lors de la saison 2007-2008, le Ballet du GT s'est produit 67 fois (plus deux fois en générales publiques) à Genève, ailleurs en Suisse (Berne, Neuchâtel) ou à l'étranger (Etats-Unis, Canada, Finlande, France) et a proposé trois créations mondiales. Les tournées du Ballet sont supposées produire des recettes annuelles d'environ 400'000 (budgets 2005-2006 et 2006-2007) à 800'000 francs (budget 2007-2008), mais ces recettes ont atteint près de 840'000 francs lors de la saison 2006-2007, soit 370'000 francs de plus que prévu, et plus d'un million et 150'000 francs lors de la saison 2007-2008, soit plus de 350'000 francs de plus que prévu)

L'enjeu

Le premier projet de budget 2004-2005 adopté par le Conseil de fondation du Grand Théâtre (sans opposition, mais avec deux abstentions) prévoyait un effectif de 24 danseurs. On le sait, le second projet de budget (auquel trois membres du Conseil de fondation du GTG, dont le soussigné, se sont opposés) prévoyait la suppression du Ballet. Et en 2005, le Conseil de fondation menaçait encore de " remettre la compresse " : " à défaut de trouver, d'ici à novembre 2005, un financement privé de CHF 1'200'000, il faudra prendre des décisions douloureuses et drastiques ", avertissait le président de la Fondation, Bruno de Preux, en janvier 2005…

" Le ballet (du Grand Théâtre), jadis perçu comme accessoire, est vécu aujourd'hui comme un poids, remis en question saison après saison. C'est la négation d'un héritage qui vient aussi de la danse. "
André Colonna-Cesari " Dossiers publics " No 88

Ø Ce que mettait régulièrement en jeu le Conseil de Fondation du Grand Théâtre était bien, toujours, la survie du Ballet du Grand Théâtre, c'est-à-dire de la seule structure publique genevoise de création chorégraphique (110) et, de l'avis de son directeur, la seule troupe chorégraphique permanente capable de " faire le pont " entre le patrimoine et la création contemporaine (111). La survie du Ballet avait en 2003 un prix : 2,1 millions de francs. C'est ce qui manquait à la fondation pour pouvoir boucler un budget assurant l'existence du Ballet, et c'est la plus grande partie de ce que coûte le Ballet du GTG à la Fondation du Grand Théâtre (et donc à la Ville de Genève) : dans ses remarques à notre rapport, pour la saison 2004-2005, la direction du GT évaluait le " coût net du Ballet " à, selon les saisons, 2,3 à 3 millions FS.

Ø En mettant en jeu la survie de son Ballet, ou plutôt en la mettant en balance avec une demande de subvention nouvelle, d'augmentation de la subvention existante ou d'une garantie de déficit équivalant objectivement à une subvention supplémentaire, la Fondation du GT faisait jouer au Ballet un rôle de " fusible budgétaire " (112), sans donner la moindre garantie claire que la survie du Ballet sera assurée même si la Fondation obtenait (elle les a obtenues) les ressources supplémentaires qu'elle réclame.

Ø La situation financière du Grand Théâtre impose autre chose qu'un replâtrage en catastrophe, et la menace récurrente de suppression du Ballet impose que l'allocation de ressources supplémentaires à la fondation du Grand Théâtre, que ce soit sous forme d'une augmentation de la subvention ou sous toute autre forme, soit effectivement conditionnée au maintien du Ballet, et donc, d'une manière ou d'une autre, affectée spécifiquement au Ballet, dès lors que ces ressources auront été obtenues sous la menace de le supprimer (113).

En mars 2003, la Fondation du Grand Théâtre résumait ainsi la situation de l'institution : " La Fondation se trouve de fait, depuis quatorze ans, confrontée à une situation de déficit chronique que la subvention quasi stagnante de la Ville de Genève (114) ne parvient pas à résorber. Jusqu'à ce jour, ces déficits ont toujours pu être comblés par des apports extérieurs à la Ville de Genève (fonds privés, apports d'un Président mécène, apport de l'Association des communes genevoises) (115), ainsi que par l'augmentation de nos tarifs et, lors de la saison 2001/2002, par un appel à notre fonds de réserve. Tout en assurant notre fonctionnement immédiat, les apports extérieurs n'ont fait que limiter l'appauvrissement bien réel de l'institution depuis la fin des années 80 et occulter dangereusement les graves problèmes financiers que nous aurions à affronter à terme ". Le 13 juin, la Fondation, s'adressant au Conseiller d'Etat Charles Beer, lui annonçait que faute d'un " apport extérieur " ou d'une " garantie de déficit " avant octobre, " la Fondation et la Direction du Grand Théâtre seraient contraint(e)s d'envisager des mesures d'économie structurelles sérieuses et graves " -sans pour autant préciser clairement de quelles mesures il pourrait s'agir. En juin 2005, le Conseiller administratif Patrice Mugny observe que pour équilibrer le budget du Grand Théâtre sans apport financier supplémentaire, " on ne peut jouer que sur trois éléments. Supprimer le ballet, pour lequel je me suis battu et qui fait recette. Exporter les productions de décors, en privant les artisans genevois de travail et en mettant des camions sur les routes. Ou réduire les coûts du lyrique en baissant la qualité ou le nombre des spectacles, au détriment de rentrées financières." (116)
Le problème du financement du Grand Théâtre -donc du Ballet- est un problème structurel, qui tient au fait que ce financement dépend aujourd'hui essentiellement de la seule Ville de Genève -qu'il est par ailleurs mensonger d'accuser d'avoir " gelé " sa subvention au Grand Théâtre, puisque cette subvention a augmenté, et plus mensonger encore d'accuser, comme le fait le Conseil de Fondation du GTG, d'avoir laissé " stagner " son apport financier à l'institution, puisque cet apport n'a cessé d'augmenter. Les difficultés que traverse le GT depuis la perte de son principal mécène (Guy Demole) et l'assèchement des ressources du fonds culturel qu'alimentaient les bénéfices du défunt Casino de Genève, et auquel le GT pouvait faire appel, ne sont que les conséquences de cette unicité du subventionnement public. La crise actuelle illustre le caractère structurel du problème, en même temps qu'elle rend manifeste l'incapacité, ou plutôt le refus, de bon nombre d'acteurs politiques d'en
tirer les conséquences. La menace de suppression du Ballet " si on n'obtient pas plus " que ce qui est déjà accordé (ou si on obtient moins que ce qu'on demande) par la Ville, l'Etat, des mécènes ou des sponsors, pourrait au surplus apparaître à quelque esprit chagrin comme tenant du comique de répétition, et aux plus indulgents comme un air du répertoire : on entendit de la bouche de MM de Preux et Blanchard ce que l'on avait entendu de la bouche de M. Demole et de Mme Auphan, et qu'on entendra sans doute dans la bouche des futurs présidents de la Fondation et directeurs de l'opéra -à moins que des décisions soient prises (et pas seulement des discussions engagées) pour réformer le mode de financement (et pas seulement trouver in extremis quelques millions manquant) de la principale institution culturelle genevoise (hors l'Ecole) : un opéra régional payé par une seule commune… Sur ce point en tous cas, nous ne pouvons qu'être en accord avec la position exprimée par Patrice Mugny, quoi qu'il en soit des conclusions concrètes qu'il en tire (ou n'en tire pas) s'agissant du Grand Théâtre : " Quel prix accorde-t-on (aux grandes institutions culturelles) ? Quelle doit être l'implication des partenaires publics ? (…) Ces questions appellent des réponses précises et déterminées. Sans quoi on laissera immanquablement dépérir ces institutions, au gré des contraintes budgétaires et au rythme des désengagements dictés par les circonstances financières ; ainsi le Grand Théâtre commencera-t-il par perdre son ballet… (…) Il s'agit donc d'accorder à ces institutions les moyens de surmonter durablement les effets de leur actuelle fragilité -ce qui requiert l'engagement de la Ville, bien sûr, mais aussi celui de l'Etat, des communes et, dans la meilleure mesure possible, des fondations et des milieux privés " (117) .

L'enjeu du débat budgétaire de la fin 2003, repris en avril 2005 lors du vote d'une Résolution du Conseil administratif, était triple :

Ø A court terme, assurer le financement de la saison et surtout le maintien du Ballet. Il manquait au moins 2,1 millions de rentrées au budget 2004-2005 du Grand Théâtre, Ballet compris, pour être équilibré. Et cela, pour la saison 2004-2005, mais également et pour le moins, pour les saisons suivantes. Avoir trouvé ces 2,1 millions n'assure donc l'équilibre financier que d'une, éventuellement deux saison(s), à moins qu'il s'agisse d'une source de financement régulière et stable, ce que seul un financement public peut garantir. Quant au Ballet, la Fondation elle-même lui ayant à nouveau fait jouer le rôle de " fusible budgétaire " auquel il semble voué depuis une décennie, il s'agit bien de le " sauver ", sachant qu'on le sauvera (mais pour combien de temps ?) qu'en accordant à la Fondation une subvention explicitement affectée au Ballet, et conditionnée à son maintien -ce que la résolution votée le 14 septembre 2005 par le Conseil municipal demandait au Conseil administratif, qui, par la voix de Patrice Mugny, l'a accepté, la Fondation du GT en prenant acte (118), tout en faisant mine de ne pas comprendre que la transformation de la garantie de déficit en subvention ordinaire n'impliquait pas forcément son intégration à la subvention ordinaire du GTG, mais devait, logiquement (ce qui ne signifie évidemment pas que tel sera le cas, la politique et la logique n'ayant parfois que des rapports de méfiance réciproque) constituer une subvention spécifique. Se contenter d'augmenter, sans condition et sans affectation au Ballet, la subvention accordée par la Ville au Grand Théâtre, c'est se résigner à ce que l'histoire bégaie et que le même débat, avec les mêmes menaces de suppression du Ballet, et pour les mêmes raisons, revienne tous les deux ans, sinon chaque année, les deux millions demandés et promis fin 2003 ne résolvant en rien le problème structurel du financement du Grand Théâtre. Il manquera dès 2006 1,3 millions au budget du GT pour que, sur ce budget, le Ballet puisse être maintenu, à moins qu'une subvention existante, et pérennisée, ne soit conditionnée à ce maintien.

Ø A moyen terme, assurer dans la durée un financement public pluriel, ne reposant donc pas uniquement sur la Ville de Genève. Il faut que soit conclue entre la Ville, le canton et la Fondation une convention tripartite, comparable à celle conclue avec l'OSR (119) , et dans le cadre de laquelle le canton garantirait à la Fondation du Grand Théâtre une subvention qui ne soit pas que symbolique (la Ville garantissant pour le Ballet une subvention spécifique en sus de la subvention ordinaire au GT) à condition que le Ballet poursuive avec le DIP une collaboration permanente concrétisée par des activités d'éveil, de sensibilisation et d'enseignement des arts chorégraphiques, et que le DIP soit représenté au sein du Conseil de fondation.
Ø La convention de financement pourrait s'accompagner d'un contrat de prestation.
Attendre, comme le proposait le Conseiller d'Etat Charles Beer, que soit mise en place, et en état de fonctionner et d'accoucher de propositions concrétisables rapidement, la Conférence culturelle réunissant le canton, la Ville et les autres communes, témoignait certes d'un louable respect du principe socialiste de planification, mais ne permettait pas de répondre à l'urgence du court terme. En outre, sans autonomie de décision, sans ressources financières propres et sans obligation pour les communes d'y participer, cette Conférence, aujourd'hui défunte, n'était qu'une instance de réflexion et de proposition -de propositions devant ensuite être reprises par les différentes composantes institutionnelles de ladite Conférence. Il n'y a donc aucune garantie à attendre que de la Conférence surgisse rapidement " la " solution à la crise structurelle du financement du GT.

Ø Enfin (troisième enjeu), la survie du Ballet ne nécessite pas seulement un apport financier : elle implique aussi l'existence statutaire du Ballet du Grand Théâtre en tant qu'acteur pérenne du " paysage culturel genevois ". Cette existence n'est évidemment pas assurée dans la situation actuelle, où le Ballet n'est qu'une activité du Grand Théâtre, et quelques lignes sur le budget de la fondation. Tant que le Ballet n'aura pas été constitué (institutionnalisé) en acteur autonome, sous quelque forme juridique que ce soit, sa survie dépendra de la volonté de la Fondation du Grand Théâtre, voire des sautes d'humeurs du Conseil municipal. Auditionnés par la Commission des Finances du Conseil municipal, le 22 juin 2005, les représentants du Ballet admettaient que son autonomie, au moins budgétaire, coûterait " probablement plus cher " à la Ville (nous pouvons quant à nous estimer qu'elle lui coûterait entre un et deux millions de plus qu'actuellement), mais que " sur le plan artistique, ce serait plus intéressant (pour le Ballet, dont la programmation) dépend aujourd'hui de la disponibilité du Grant Théâtre " (120).
A long terme, l'enjeu politique est donc évident : il s'agit de faire coïncider le rayonnement et le financement du Grand Théâtre : à opéra régional, financement régional - ce qui vaut d'ailleurs pour toutes les grandes institutions culturelles genevoises. Il s'agit en outre d'assurer la pérennité du Ballet, et de lui donner la possibilité (ou de la lui confirmer) de renforcer les liens entretenus avec les autres acteurs du " paysage chorégraphique genevois " : comme l'Association pour la danse contemporaine ". Le directeur du Ballet, Philippe Cohen, se félicitait au printemps 2005 de ce que ces liens " n'ont jamais été aussi étroits qu'aujourd'hui " (121) … certes, mais on partait d'une quasi absence de liens, et si réels que soient ou puissent être ces liens, ils n'en restent pas moins fragiles, tant que l'existence du Ballet n'est pas assurée et qu'il n'est pas devenu ce que Philippe Cohen souhaite en faire : " un pôle de création solide " (122) , complémentaire d'une toujours future et hypothétique Maison de la Danse contemporaine.

L'ultimatum de 2003 du Conseil de Fondation du Grand Théâtre

GRAND THEATRE DE GENEVE
COMMUNIQUE DE PRESSE
Genève, le 16 septembre 2003

Le Grand Théâtre de Genève a les signes d'une entreprise en bonne santé : santé artistique d'abord, qu'illustre notamment le récent succès du spectacle Gilles Jobin, santé économique ensuite, que confirme une campagne d'abonnement 2003-2004 qui lui permettra d'accueillir plus de 1'100 nouveaux abonnés. Le bilan de la saison 2002-2003 certifie l'équilibre des comptes, souligne le renforcement du service au public et constate l'élargissement du rayonnement de l'institution. Néanmoins, se pose de manière récurrente le problème de son financement.
Il y a maintenant deux ans, les pouvoirs publics étaient alertés sur l'absolue nécessité d'élargir celui-ci. Conscients de cette nécessité, les responsables du Canton et de la Ville de Genève, Madame Brunschwig Graf et Monsieur Alain Vaissade mettaient en place, à travers le Fond Culturel de Genève, un soutien ponctuel devant assurer le bon déroulement des saisons 2002-2003 et 2003-2004 en attendant que soit revue la structure de financement de l'Institution qui garantirait son activité dans le moyen terme.
A quelques semaines de devoir voter son budget 2004-2005, rien ne permet à la Fondation du Grand Théâtre de prévoir des pouvoirs publics l'indispensable augmentation de son financement ni une nouvelle utilisation du Fond Culturel de Genève. Ainsi doit-elle se préparer à affronter une diminution significative de ses ressources. Aussi, avec le souci de garantir son avenir, son équilibre financier et garder la place qui est la sienne parmi les grandes scènes de réputation mondiale, le Grand Théâtre de Genève peut être contraint à se séparer de son Ballet. Ce renoncement forcé ne manquerait pas de provoquer un déclin sans précédent de l'institution en la privant de l'un de ses outils de création. Dans sa séance de ce jour, le Conseil de Fondation du Grand Théâtre de Genève a voté à la majorité un budget alternatif comportant la suppression du Ballet. La disparition du Ballet est-elle encore évitable ? (…)

Ø En clair : ou bien le Grand Théâtre obtient deux millions de francs de plus sur son budget 2004/2005, d'où que proviennent ces deux millions (mais c'est bien sur la Ville que s'exerce la plus forte pression, comme si elle seule pouvait et devait payer), ou bien toutes les lignes budgétaires internes concernant le Ballet seront supprimées, ce qui équivaut à supprimer le Ballet (123) à la fin de la saison 2003/2004 (124).
En mars 2003, la Fondation du GT expliquait déjà au Conseil d'Etat les raisons de ce qui sera sa position de septembre suivant, sans encore la formuler clairement : " Il ne s'agit plus (…) de prendre en considération des mesures palliatives qui continueront à nous maintenir dans une situation ne permettant aucune vision dans le moyen et le long terme, mais d'aboutir à une restructuration et un renforcement des financements publics qui pourraient s'organiser à travers une convention quadri ou tripartite pluriannuelle ", car " seule l'assurance d'un financement garanti sur le moyen terme peut nous permettre de conserver la place du Grand Théâtre, au niveau qui est le sien ". Nous partageons cette conviction -nous ne partageons pas la conclusion qu'en avait tirée la Fondation, qui se refusait rhétoriquement en mars 2003 à " prendre en considération des mesures palliatives " qui continueraient à maintenir le Grand Théâtre " dans une situation ne permettant aucune vision dans le moyen et le long terme " ; or, le 16 septembre suivant, par une décision majoritaire du Conseil de fondation, c'est précisément une mesure " palliative " (à supposer qu'une amputation pût être palliative) qu'elle mit en avant pour équilibrer son budget : supprimer le Ballet. Cette suppression équilibrait en effet, arithmétiquement le budget, puisqu'elle supprimait presque toutes les dépenses liées au Ballet, mais elle ne l'équilibrait que pour une saison. Dans la mesure où, évidemment, les recettes d'exploitation liées à l'activité du Ballet (tournées, billets et abonnements, notamment) seraient elles aussi supprimées avec le Ballet qui les génère, les recettes globales du GT seraient réduites (l'économie provenant du fait qu'elles le seraient dans une mesure moindre que les dépenses, le Ballet étant globalement déficitaire). En outre, les coûts de production de la scène lyrique ne vont pas se mettre subitement à baisser après la suppression de la scène chorégraphique. L'économie réalisée par la suppression du Ballet serait ainsi " grignotée " année après année par l'augmentation, sur laquelle le GT n'a aucune prise, des coûts des productions lyriques. Concrètement, avec la suppression du Ballet le budget global de la Fondation se serait équilibré pour la saison 2004-2005 à 25'348'650 FS. Les recettes d'exploitation seraient passées de 11'221 mios à 9'864 mios, les frais généraux d'exploitation de 12,718 mios à 10'507 mios, les frais directs d'exploitation (liés aux spectacles) de 13,650 mios à 12'249 mios.

La majorité du Conseil de fondation, et la direction du Grand Théâtre, attendaient de leur proposition qu'elle provoque un " électrochoc " : la menace de la suppression du Ballet devait agir sur les subventionneurs actuels et potentiels du GT en les rendant soudainement conscients tout à la fois de la gravité de la situation, de l'urgence d'une réponse et de leur responsabilité dans cette réponse. On rappellera cependant qu'en psychiatrie la thérapie par les électrochocs a généralement été abandonnée, non parce qu'elle était sans effet, mais parce que ses effets étaient calamiteux et aggravaient la situation des malades : Il serait assez curieux que la politique culturelle reprenne de la psychiatrie asilaire des méthodes que celle-ci a abandonnées…
" Electrochoc " il y eut cependant, et la menace de suppression du Ballet a amené la Ville d'abord (à raison d'un million de FS par an en 2005 et 2006), une fondation privée ensuite (la Fondation Edmond Safra, pour 700'000 FS pendant deux ans), l'Association des communes genevoises enfin (200'000 francs), à verser leur obole. L'opération pourrait bien cependant n'apparaître au bout du compte que comme un gigantesque coup de bluff, et certaines des instances auprès desquelles elle eut effet, à commencer par le Conseil municipal, pourraient fort bien rétorquer au Conseil de fondation du GT, s'il lui venait l'idée de rééditer l'exercice: " Vous nous avez eu une fois, vous ne nous aurez pas deux fois. La responsabilité de supprimer le Ballet du Grand Théâtre, c'est à vous de la prendre ! ". En effet, le Ballet n'ayant aucune existence juridique propre, et ne recevant aucune subvention spécifique, son sort est totalement entre les mains de la fondation du GT, puisqu'il n'est qu'un élément du GT, et quelques lignes sur le budget de la fondation. Sa suppression serait donc une décision dont la responsabilité incomberait à la seule fondation du Grand Théâtre -et non à la Ville, aux communes ou au canton.
A la prise de position de la Fondation du Grand Théâtre, le Conseil municipal a, avec l'accord du Conseil administratif, répondu le 8 octobre par l'adoption d'une batterie de motions et résolutions, dont l'une propose l'octroi d'une garantie de déficit de l'ordre du million (pour autant que d'autres partenaires " mettent le reste ", ce qui fut le cas). Le 23 mars 2005, le Conseil administratif déposait devant le Conseil municipal le projet de résolution (PR-404) demandant au Conseil municipal de reconduire en 2006 la couverture de déficit d'un million de francs en faveur de la saison 2005-2006 du ballet du Grand Théâtre. Renvoyée à la commission des Finances, la résolution en est revenue après transformation de la garantie de déficit en subvention régulière, et conditionnelle.

On notera que tant la résolution du Conseil administratif que celle de la commission des Finances portent sur le Ballet du Grand Théâtre et non sur le Grand Théâtre dans son ensemble, alors qu'il est impossible de traiter de l'un (le Ballet) sans traiter de l'autre (le GTG), puisque le premier n'est qu'une activité du second, qu'il n'a aucune personnalité juridique, n'existe pas budgétairement, ne reçoit aucune subvention, ne dispose d'aucune ligne budgétaire sur le budget de la Ville, et que son existence dépend donc totalement du bon (ou du mauvais) vouloir de la Fondation du GTG. Politiquement, cette situation est inacceptable : la collectivité publique (la Ville) qui assume la charge financière du Ballet, puisqu'elle assume celle du Grand Théâtre, est littéralement dépossédée de la capacité de se prononcer sur le maintien ou la suppression de ce Ballet qu'elle finance ; la Ville est privée de la capacité d'admettre ou de refuser que l'expression chorégraphique puisse être la seule expression artistique à ne disposer d'aucune structure publique permanente à Genève -ce qui serait le cas si le Ballet était supprimé.
Le Conseil municipal a finalement pris conscience du caractère politiquement inacceptable de la situation, et, amendant, à l'initiative de la Commission des Finances, une proposition de résolution du Conseil administratif, a demandé à celui-ci de transformer la garantie de déficit en subvention régulière, affectée au Ballet, conditionnée au maintien de celui-ci, et reposant sur une convention de financement pouvant être ouverte à d'autres partenaires publics.
Les sources potentielles de subventionnement additionnel

Ø Une augmentation de subvention de la Ville. Actuellement, la Ville subventionne le Grand Théâtre à hauteur de plus d'une quinzaine de millions de FS annuels (si l'on tient compte des prestations en nature), en sus des charges directes que représente le GT sur le budget de la Ville (personnel municipal affecté au GT, bâtiments, services gratuits (125) etc…). La subvention accordée par la Ville à la fondation du GT a été indexée dès le budget 2005/2006, et ni le Conseil administratif, ni le Conseil municipal, ni l'Alternative, n'ont jamais manifesté l'intention de la réduire (le PS, qui eut cette intention, y a renoncé). Au total, le Grand Théâtre " pèse " plus de 40 millions de dépenses annuelles pour la Ville (126), les estimations maximales de ce poids atteignant les 50 millions, en intégrant les coûts non apparents, ou les charges sous-estimées assumées par la Ville. La Ville paie pour le Grand Théâtre deux fois plus que ce que le Grand Théâtre obtient de ressources propres (recettes des spectacles, mécénat, sponsoring).
Ø Compte tenu des contraintes légales pesant sur la capacité de décision financière de la municipalité, du moins pour ce qui est de son budget, une augmentation importante de la subvention accordée au GT devrait s'accompagner soit d'une économie -en d'autres termes : de la réduction d'une autre dépense- soit d'une recette nouvelle. Une économie ne pourrait guère être trouvée que sur une autre subvention culturelle : cet exercice consistant à " déshabiller Paul pour habiller Jean ", à priver un intervenant culturel de moyens pour les accorder à un autre (surtout si cet autre est déjà largement subventionné) serait politiquement inacceptable, et par ailleurs très difficilement praticable : on ne voit pas quelle institution culturelle, ou quel intervenant culturel, la Ville pourrait priver de deux millions de FS sans que l'existence de cette institution ou de cet intervenant soit à son tour menacée -et plus directement que celle du Grand Théâtre lui-même. Quant à trouver des ressources nouvelles pour financer un effort supplémentaire de la Ville en faveur du Grand Théâtre, on ne voit guère, en l'état actuel du budget municipal, qu'une augmentation de l'impôt communal pour la fournir au niveau souhaité par la Fondation (le Conseiller administratif Mugny s'étant déclaré d'accord de proposer un effort supplémentaire si l'Etat, les communes et/ou les mécènes mettaient le reste). Une augmentation de l'impôt municipal ne le hausserait certes pas à un niveau insupportable (d'autant qu'un demi-centime additionnel suffirait largement, qui plus de 6 millions de francs par an), mais on discerne mal la possibilité de trouver une majorité politique pour prendre cette décision, et l'on entend déjà hurler la droite municipale (par ailleurs acquise à l'augmentation de la subvention au GTG), et grogner une bonne partie de la gauche, à la seule évocation de la seule hypothèse que le centime additionnel en Ville de Genève puisse passer de 45,5 à 46,0… En outre, une augmentation de la subvention de la Ville ne ferait que confirmer la structure actuelle de financement du Grand Théâtre, reposant sur le seul financement public municipal, alors que le problème structurel vient précisément de l'unicité de cette source de financement public.
Ø Un crédit extraordinaire en cours de législature, c'est-à-dire hors budget, ou une garantie de déficit, reste toujours envisageable. C'est d'ailleurs cette solution qui a été adoptée dès la saison 2004-2005 (alors " pour sauver le Ballet "). Une telle solution doit cependant être considérée comme une solution de " dernière urgence ", à n'employer que si toutes les démarches pour obtenir un financement cantonal ont échoué. En outre, il importe de lier explicitement toute subvention supplémentaire (ce que serait de fait un crédit extraordinaire ou une garantie de déficit) au maintien du Ballet, avec un effectif permanent minimum de 18 danseurs.

Ø La seule source publique supplémentaire de financement du Ballet, capable d'assurer dans la durée la survie de celui-ci, nous paraît être le canton, c'est-à-dire le Département de l'Instruction Publique, avec lequel d'ailleurs le Ballet travaille déjà. Il convient cependant de ne pas oublier que le budget cantonal ne laisse qu'une marge de manœuvre limitée au DIP, qu'une majorité parlementaire était même disposée (y-a-t-elle réellement renoncé ?) à le priver de tout moyen d'action culturelle, même si le canton n'est pas tenu par les exigences qu'il a imposées aux communes (trouver pour toute dépense supplémentaire une économie ou une ressource équivalente), et même si un ou deux millions accordés au GTG ne représenterait qu'une infime fraction (moins d'un sixième ou d'un tiers de pour mille) du budget cantonal. Une subvention annuelle d'un ou deux millions de FS, explicitement destinée au Ballet, reste donc concevable, à certaines conditions (elle ne représenterait d'ailleurs que le huitième ou le quart de celle accordée à l'OSR). Il ne s'agit nullement de demander au canton de se " substituer à la Ville " (127), puisque même si le canton accordait au Grand Théâtre la totalité des deux ou trois millions (et quelques)que lui coûte le Ballet, cette subvention ne représenterait toujours que le cinquième ou le septième de celle de la Ville, et le quinzième ou le vingtième du coût minimal de l'institution pour la municipalité.
Ø Le financement du Ballet par le canton devrait passer par la conclusion entre la Ville, le canton et la Fondation d'une convention tripartite, comparable à celle conclue avec l'OSR, dans le cadre de laquelle le canton garantirait à la Fondation une subvention au moins équivalente à celle de la Ville, à la triple condition que cette subvention soit intégralement affectée au Ballet, que le Ballet poursuive avec le DIP une collaboration permanente concrétisée par des activités d'éveil, de sensibilisation et d'enseignement des arts chorégraphiques et que le Ballet soit institué en tant que partenaire propre.

Ø Le mécénat et le sponsoring ne représentent pas une source de financement stable et durable. Les conséquences de la fin du mécénat de Guy Demole, puis celles du mécénat ou du sponsoring par la Fondation Wilsdorf, sont là pour le démontrer avec évidence. Ni les mécènes, ni les sponsors ne peuvent (ni ne veulent) garantir la stabilité de leur apport financier, les uns et les autres pouvant y mettre fin quand ils le désirent -aucune " pression politique " n'y pouvant rien. En témoigne d'ailleurs la situation dans laquelle s'est retrouvé le Musée d'art contemporain (MAMCO), dont le financement reposait essentiellement sur le mécénat, et qui, celui-ci ne pouvant ou ne voulant plus continuer à être la source de financement principale du musée, s'est retourné vers la Ville et le canton (si la Ville est entrée en matière, le canton a quelque peu tergiversé, avant de se rendre finalement aux bons arguments qui lui étaient opposés, et qui sont les mêmes que ceux qui lui sont adressés aujourd'hui pour qu'il consente à prendre sa -modeste- part du financement de la principale institution culturelle de toute la région, hors l'école). En outre, le mécénat et le sponsoring rendent leurs bénéficiaires redevables à l'égard du mécène et du sponsor. Si cette "redevance " est, à l'égard du sponsor, en quelque sorte " payée " par la mention publique de son nom, elle n'est pas absente du mécénat, même anonyme (cet anonymat ne durant guère, du moins au sein du cercle -moins restreint qu'ils ne le croient- de " ceux qui savent " et font savoir qu'ils savent…).

Les alternatives à la suppression du Ballet

Ø La proposition du Conseil de Fondation (supprimer le Ballet) était présentée par ses auteurs comme la seule alternative à une subvention supplémentaire, d'où qu'elle provienne. Cette prétention était injustifiée, et cette proposition était injuste pour le Ballet), tout en étant confortable pour l'Opéra. La subvention accordée par la Ville au Grand Théâtre l'est à la fois à la scène lyrique et à la scène chorégraphique, puisqu'elle est basée sur un budget (celui de la fondation) comportant le budget du Ballet. Par conséquent, si la fondation décidait de supprimer dans son budget les lignes concernant le Ballet, le maintien de la subvention à son niveau précédant équivaudrait à une augmentation de la subvention à la scène lyrique, sans qu'aucune des instances politiques ayant à décider du subventionnement du Grand Théâtre n'ait pris la moindre décision en ce sens. Les 15 millions alloués sous forme de subventions par la Ville à la scène lyrique et à la scène chorégraphique le seraient désormais à la seule scène lyrique (puisque la subvention additionnelle d'un million, affectée au Ballet, serait supprimée avec celui-ci), celle ci disposant alors d'un ou deux millions supplémentaires. On ne voit pas alors ce qui, sur le fond, empêcherait que l'on propose (et on voit assez bien qui pourrait le proposer : nous) une réduction de la subvention de la Ville au Grand Théâtre, réduction équivalente aux " lignes budgétaires " du budget de la Fondation qui concernaient le Ballet et ne concerneraient plus rien si le Ballet était supprimé…

Ø Des alternatives à la " (dis)solution " proposée en son temps par le Conseil de fondation existent cependant. Les unes (128) nous paraissent devoir être écartées :

L'augmentation du prix des places Il y a vraisemblablement un prix " plafond " des places et des abonnements, au-delà duquel les spectateurs potentiels (occasionnels ou abonnés) resteraient précisément potentiels, et toute politique de renouvellement social du public de l'opéra illusoire. Pour dégager des recettes suffisant à couvrir le déficit structurel du GTG, une augmentation de 30 % du prix des places et des abonnements serait nécessaire, à supposer encore que cette augmentation ne réduise pas le nombre des spectateurs. Or une augmentation, de proportion comparable, du prix des abonnements pour les récitals a fait chuter le nombre des abonnés d'un quart (cent abonnés) entre les saisons 2002-2003 et 2003-2004). En outre, cette " solution " ne garantit nullement la survie du Ballet, puisque les éventuelles et hypothétiques rentrées supplémentaires qu'elle procurerait passeraient dans le budget général de la fondation, sans affectation explicite au Ballet. Celui-ci continuerait donc de jouer le rôle de " fusible budgétaire " auquel il est voué, et rien ne garantirait que la menace de sa suppression " au cas où " ne nous serait pas resservie…

Le " rabotage " du budget du Grand Théâtre
On pourrait certes reprendre point par point, poste par poste, ligne par ligne le budget initial du Grand Théâtre, et tenter un " rabotage " systématique des dépenses, mais il est peu vraisemblable que cette méthode permette des économies atteignant, au total, les plus de deux millions nécessaires. Il est en revanche possible qu'elle affecterait le fonctionnement du GT, sauf à se bercer de l'illusion que seules des dépenses inutiles et somptuaires pourraient être supprimées. En outre, comme pour l'augmentation du prix des places et des abonnements, et pour les mêmes raisons, cette " solution " ne garantirait nullement la survie du Ballet. Enfin, il s'agit là d'un exercice auquel on ne peut guère se livrer qu'une seule fois : le rabotage terminé, il n'y a plus rien à raboter et c'est à la hache qu'il faut poursuivre le travail si l'on ne veut pas que le problème structurel se repose au budget suivant. Par ailleurs :
Ø La crise de financement du GT ne témoigne pas d'une mauvaise santé financière, ou d'une perte d'audience, de l'institution, mais de la faiblesse structurelle de son financement. Ø Un " rabotage " du budget risquerait en outre de réduire les moyens matériels dont l'opéra a besoin pour poursuivre sa politique d'ouverture à de nouveaux publics (notamment les jeunes, et d'une manière générale le public non accoutumé à l'art lyrique -et chorégraphique) et à de nouvelles œuvres, et compromettrait le travail entamé avec d'autres institutions culturelles (la Comédie, par exemple). Sous prétexte de " repli sur les fondamentaux " de l'institution, on risquerait ainsi organiser un " repli sur la caricature " de l'opéra bourgeois provincial : une programmation fondée uniquement sur le répertoire le plus traditionnel (rien avant Mozart, plus rien après Puccini) pour un public recruté entre la rue des Granges et Cologny.

Mais si ces " solutions " représentent de " fausses alternatives à une fausse solution ", d'autres solutions restent par contre envisageables, et à étudier (ce que l'auteur du présent rapport avoue n'avoir pas fait dans le détail) :

La " municipalisation " de la plus grande partie du personnel de la Fondation
Si nous devons récuser a priori, pour des raisons sociales qui, à gauche du moins, devraient être évidentes, et pour des raisons qui tiennent aux conditions de fonctionnement d'un opéra, toute mesure de licenciement collectif (en notant que la suppression du Ballet y aboutirait, pour une vingtaine de personnes au moins), nous pouvons " réactiver " une ancienne revendication de la gauche : la municipalisation de tout le personnel administratif et technique stable actuellement employé (et payé) par la Fondation, sur son budget propre. Dans l'hypothèse d'une municipalisation de ce personnel, la Fondation continuerait d'être l'employeur du personnel artistique et du personnel administratif et technique temporaire qu'elle emploie actuellement. La " municipalisation " du personnel administratif et technique de la fondation ne représente évidemment aucune économie pour la Ville, mais seulement le transfert d'une masse salariale et de ses charges sociales du budget d'une fondation subventionnée au budget " central " de la municipalité qui la subventionne. En d'autres termes, ce que la fondation économiserait en charges de personnel serait purement et simplement reporté sur les charges du personnel municipal. Comme il s'agit au surplus de réduire les dépenses de la fondation sans réduire ses recettes, pour lui permettre d'équilibrer son budget, la subvention prévue ne devrait pas être réduite. La Ville devrait donc maintenir sa subvention à son niveau actuel (14 millions), tout en prenant à sa charge une masse salariale supplémentaire. Globalement, cela équivaudrait pour la Ville à une augmentation de la charge financière du GT équivalente à l'économie faite par la Fondation (plus les charges sociales supplémentaires liées au statut du personnel municipal), et pour le Grand Théâtre à une augmentation de sa subvention, équivalente aux charges salariales et sociales reprises par la Ville, soit d'en gros trois millions. Mais cette augmentation de la charge financière pour la Ville nous parait plus acceptable, politiquement, qu'une augmentation " sans autre " de la subvention : la Ville maintiendrait des postes des travail, garantirait leurs conditions sociales et salariale et se donnerait en outre les moyens d'affecter le cas échéant ce personnel, formé et expérimenté, à des tâches et des fonctions dans d'autres institutions culturelles (par exemple, et au hasard : une Maison de la Danse…), au cas où l'activité du GT le permettrait.

Combattue par la droite, la municipalisation du personnel du GTG représente sans doute une alternative crédible à la suppression du Ballet. Financièrement, elle a, sur le budget du GT, une incidence positive au moins équivalente, sinon plus importante encore, que le sacrifice de sa part chorégraphique. En outre, il s'agit d'une réponse structurelle et donc durable à une crise elle aussi structurelle, et donc elle aussi durable. Enfin, il peut être facilement expliqué à la population qu'il est assez naturel que le personnel stable d'une institution financée par la municipalité soit un personnel municipal. Reste évidemment à évaluer le plus précisément possible le nombre et la nature des postes de travail à " municipaliser " -ce qui pourrait être fait assez rapidement, compte tenu des moyens administratifs dont disposent le Grand Théâtre d'une part, la Ville de l'autre.

L'autonomie du Ballet à l'égard du Grand Théâtre

Ø Le 13 avril 1999, le Conseil municipal renvoyait à la commission des Beaux Arts la motion (M-375) de MM. Pascal Holenweg et Guy Valance, intitulée " Du Ballet du Grand Théâtre au Ballet de Genève " :

Considérant:
l'importance et l'audience locale, régionale et internationale du Ballet du Grand Théâtre;
l'autonomie de fait de la politique de création et de programmation du Ballet à l'égard de la scène lyrique du Grand Théâtre;
les inconvénients et les risques de maintenir artificiellement la scène chorégraphique et la scène lyrique dans une structure unique à laquelle est affectée une subvention unique ne les différenciant pas l'une de l'autre;
la nécessité de maintenir une institution chorégraphique publique dynamique et créative et de lui accorder l'autonomie structurelle et les moyens financiers nécessaires à son fonctionnement et à la qualité de sa programmation;
la nécessité et la légitimité de faire assumer par l'autorité politique elle-même, c'est-à-dire par le Conseil municipal et non par la Fondation du Grand Théâtre, les conséquences sur le Ballet des choix budgétaires de la Ville à l'égard du Grand Théâtre;
les possibilités de collaboration entre l'actuel Ballet du Grand Théâtre et les autres troupes chorégraphiques genevoises, possibilités qu'ouvrirait ou développerait une autonomie structurelle et budgétaire du Ballet à l'égard du Grand Théâtre,

le Conseil municipal demande au Conseil administratif:
de préparer la transformation du Ballet du Grand Théâtre en un Ballet de Genève autonome, doté d'un statut de fondation, d'un budget propre et d'une subvention spécifique, équivalente à la part qui lui est accordée par la Fondation du Grand Théâtre de la subvention à elle accordée par la Ville;
de faire rapport de cette transformation au Conseil municipal avant la proposition du budget de l'année 2000;
d'intégrer au budget de l'année 2000 et des années suivantes une ligne budgétaire supplémentaire correspondant à une subvention spécifique pour l'actuel Ballet du Grand Théâtre, que le Ballet soit ou non doté d'un statut autonome.

Le 10 octobre 2000, revenant de son examen en commission avec un préavis négatif de celle-ci, cette motion était refusée à l'unanimité (socialistes compris, donc) du Conseil municipal. Outre l'évidente (quoique égocentrique) satisfaction procurée à l'auteur de ces lignes d'avoir eu raison (avec Guy Valance) contre à peu près tout le monde, et avant tout le monde, la situation actuelle du Ballet suggère la reprise d'une démarche d' " autonomisation " du Ballet à l'égard du Grand Théâtre, démarche aboutissant à une subvention spécifique au Ballet, indépendamment de celle allouée au Grand Théâtre. Sans l'autonomie du Ballet, en effet, une subvention " pour le Ballet " ne serait, objectivement, qu'une subvention pour le Grand Théâtre.

La question posée est au fond fort simple : Genève (Ville, canton, communes) veut-elle ou non financer une troupe chorégraphique publique permanente ? En ce cas, il paraît logique de lui accorder une subvention spécifique, et une autonomie juridique. Actuellement, la Ville de Genève s'en remet totalement à la Fondation du Grand Théâtre en ce qui concerne l'existence de son Ballet. Celui-ci existe certes de fait, par ses spectacles, ses tournées, son public, son nom -mais il ne reçoit, en tant que tel, aucune subvention, et n'a aucune garantie quant à sa survie. Il est une ligne sur le budget de la Fondation du Grand Théâtre, et non un acteur autonome de la scène chorégraphique genevoise -ce qui, indépendamment de la fragilité que cela lui impose, l'empêche de jouer pleinement sur cette scène le rôle qui pourrait être le sien, par exemple dans la perspective d'une Maison de la Danse. Devant la Commission des Finances du Conseil municipal, le 22 juin 2005, les représentants du Ballet estimaient d'ailleurs que son autonomie serait " intéressante ", notamment pour sa programmation.

Ø Si la crise actuelle pouvait amener la collectivité publique à prendre conscience que la survie du Ballet ne sera jamais assurée tant que la Fondation du Grand Théâtre pourra user du Ballet comme " fusible " ou " matelas " budgétaire, cette crise aura finalement été bénéfique (129). En tous les cas, même à court terme, la survie du Ballet implique que toute ressource supplémentaire allouée à la Fondation soit explicitement conditionnée au maintien du Ballet -la Fondation ayant elle-même fait de cette survie l'argument essentiel de sa demande de soutien financier. Lors du débat d'avril 1999 sur la motion M-375, " Du Ballet du Grand Théâtre au Ballet de Genève ", un Conseiller municipal inspiré (130) avait assuré qu' " imaginer une séparation du Ballet du Grand Théâtre de Genève des activités lyriques, c'est, à coup sûr, mettre en péril les deux activités de cette institution ". A coup plus sûr encore, la suppression du Ballet du Grand Théâtre serait la forme la plus radicale (celle de l'amputation) de " séparation " du Ballet et des activités lyriques. Auditionnée par la Commission des Beaux Arts, la direction du Grand Théâtre (131 tenait d'ailleurs le même discours que le Conseiller municipal précité : " l'autonomie du Ballet fragiliserait ce dernier, voire mettrait en péril son existence même " ; et d'assurer que " le Grand Théâtre a toujours tout mis en œuvre pour maintenir le Ballet dans le cadre de l'institution "… qui trois ans plus tard, menaçait de le supprimer… Quant au soussigné, il s'adressait aux adversaires de la proposition qu'il avait co-déposée en les soupçonnant d'être " tout à fait capables de saborder le Ballet pour sauver le Grand Théâtre " et en leur disant : " En voulant maintenir le Grand Théâtre au prix du Ballet, vous ne donnez aucune garantie au Grand Théâtre, mais effectivement, vous annoncez la mort du Ballet du Grand Théâtre ". Nous étions donc au siècle dernier…

La proposition (motion M-375) d' " autonomisation " du Ballet du Grand Théâtre, combattue par la quasi totalité (socialistes compris) du Conseil municipal et par la Fondation (Ballet compris), a cependant eu deux conséquences positives (on se console comme on peut) : elle a incité le Conseil municipal et la Fondation à réaffirmer dans un heureux concert rhétorique leur volonté de maintenir le Ballet (au plus fort des difficultés budgétaires de la Ville, la Fondation avait déjà menacé de supprimer le Ballet si on lui réduisait sa subvention) (132); elle avait également poussé la Fondation à présenter une évaluation crédible de la charge financière qu'entraîne le maintien d'une troupe chorégraphique permanente à l'intérieur de l'institution lyrique. Dans les comptes 1999 du GT, les charges annuelles engendrées par le Ballet s'élevaient à 3,8 mios de FS, les recettes qu'il générait à 1,6 millions, soit une charge nette de 2,2 millions, à laquelle il convenait d'ajouter (selon la fondation) 380'000 FS de frais d'administration, 360'000 FS de frais d'exploitation et 100'000 FS de frais généraux pour l'engagement de personnel temporaire, soit au total un peu plus de 3 millions de FS, la conclusion pour la fondation étant qu' " une compagnie indépendante est de toute manière beaucoup plus coûteuse qu'une troupe intégrée dans une institution " (ce que les compagnies indépendantes contestent cependant). Sept ans plus tard, on est toujours dans les mêmes eaux : dans le budget 2006/2007, les frais généraux d'exploitation liés au Ballet sont évalués à 2,164 mios FS (dont 1,574 million de salaires et indemnités), les frais directs d'exploitation (chorégraphes (133) et tournées) à 473'000 FS, les recettes d'exploitation des tournées à 470'000 FS. Le coût d'exercice (dépenses moins recettes) du Ballet s'établissait ainsi à 2,166 mios. Le GTG recevant pour le Ballet une subvention de la Ville d'un million, le coût du Ballet pour le GTG équivaut donc à 1,166 mio.

Le soussigné persiste à penser, fût-ce en étant seul de cet avis (ou plutôt à plus forte raison en ce cas) que l' " autonomisation " du Ballet du Grand Théâtre serait une option positive, ne serait-ce que pour permettre au ballet de jouer pleinement son rôle de " centre " institutionnel du " paysage chorégraphique " genevois -surtout si le projet d'une Maison de la Danse devait ressusciter.

Ø Actuellement, et quoi qu'elle en dise, la Fondation du Grand Théâtre est seule maîtresse du destin du Ballet du Grand Théâtre, puisque celui-ci n'a pas d'existence propre, et donc pas de subvention spécifique. Lorsque le Conseil de Fondation déclare : " Si on ne trouve pas 2,1 millions de ressources supplémentaires, on supprime le Ballet ", le " on " est un " nous ", et c'est la Fondation qui parle, pas le Ballet. La Ville, pas plus que l'Etat, n'est actuellement en mesure de décider s'il doit y avoir à Genève, ou non, une troupe chorégraphique permanente, liée à une institution culturelle publique. Cette décision relève de la seule Fondation du Grand Théâtre -qui, si elle menace de supprimer le Ballet, entend bien continuer à recevoir, une fois le Ballet supprimé, au moins l'intégralité de ce qu'elle recevait auparavant, y compris ce qui servait à financer le Ballet défunt.

Ø Le Ballet du Grand Théâtre, c'est le quart, au moins, de la scène chorégraphique genevoise : Une enquête (134) réalisée par l'Association pour la danse contemporaine (ADC) répertoriait (en 2000) 109 danseurs et danseuses professionnels se produisant au moins une fois par an dans des compagnies locales ou internationales, dans des spectacles ou des performances. Sur ces 109 danseurs-euses, 27 travaillaient au sein du Ballet du Grand Théâtre, et une dizaine y avaient travaillé : l'ADC signalait que " nombreux sont les danseurs qui, lorsqu'ils quittent le Grand Théâtre, rejoignent les rangs de la communauté des danseurs indépendants ". On recensait à Genève au début 2001 vingt compagnies indépendantes actives, dont deux étaient au bénéfice d'un " contrat de confiance " accordé par le canton, et une était subventionnée par la Ville. Au total, la danse contemporaine regroupait en 2004 à Genève environ 200 professionnels du spectacle (toutes professions confondues) au sein de 23compagnies (135) . Le Ballet du GT pourrait être le " centre " de cette " constellation ", s'il s'émancipait du GT.
Ø En tous cas, supprimer le Ballet du Grand Théâtre, ce serait amputer non seulement le Grand Théâtre, mais tout le paysage chorégraphique genevois -un paysage dans lequel le Ballet commence à réellement s'insérer, comme partenaire (136). On ne peut que s'interroger sur la cohérence d'un processus de décision qui avait amené la Fondation du GT à engager un nouveau directeur du Ballet pour proposer de supprimer le ballet dix mois plus tard…

Ø On en profitera pour s'interroger aussi sur la cohérence entre une politique artistique qui réussit à amener au Ballet un nouveau public (137) (entre les saisons 2002-2003 et 2003-2004, le nombre des abonnements spécifiques " danse " est passé de 112 à 168 unités), et une politique budgétaire qui, le constat étant fait de cette ouverture à un nouveau public, aboutit à proposer de supprimer précisément l'acteur culturel par lequel ce nouveau public a été amené…

Ø On conclura en se demandant s'il est très cohérent de proposer à la fois une école de danse et une Maison de la Danse (138) et la suppression du Ballet…

Conclusion provisoire

Un Opéra est-il nécessaire à Genève ? Un Ballet est-il nécessaire à cet Opéra ? Une ville a besoin d'un service du feu, d'un service de voirie, d'un service des eaux -elle n'a pas besoin d'un Opéra : elle en a envie, elle choisit d'en avoir un. Et un Opéra a besoin de chœurs, d'une scène, d'une machinerie de scène -il n'a pas besoin d'un Ballet. Il choisit d'en avoir un. Ni l'existence du Grand Théâtre, ni celle du Ballet ne relèvent d'une obligation, d'une nécessité, ni même d'une quelconque rationalité économiques, et l'une comme l'autre relèvent d'un choix politique, parfaitement volontariste. Genève pourrait se passer du Grand Théâtre et de son Ballet (et de la Comédie, et de l'OSR, et de l'Usine). Si elle a décidé de ne pas s'en passer, elle n'était nullement contrainte à cette décision. Si Genève a un Opéra, c'est parce qu'elle en a fait le choix politique. Et que cet Opéra ait, ou accueille, un Ballet permanent, ce devrait être aussi le fait d'un choix politique de laCollectivité. C'est-à-dire, dans cette République où " la culture est l'affaire de la commune ", du Conseil municipal. Du Conseil municipal,. pas du Conseil de fondation du Grand Théâtre.

A qui doit revenir, en effet, la capacité, le pouvoir, de faire les choix de politique culturelle ? S'agissant du Ballet du Grand Théâtre : qui doit décider de son sort et du maintien ou non d'une troupe chorégraphique permanente et publique à Genève ? La Ville (qui la paie) ou la Fondation du Grand Théâtre (qui est désormais payée pour le maintenir) ? Le Conseil municipal est dépossédé de la capacité de faire le choix politique de maintenir ou non le Ballet du Grand Théâtre. Cette situation n'est ni acceptable, ni fatale. Il revient donc au Conseil municipal lui-même d'y mettre fin. Il convient donc :

Ø d'accorder au Grand Théâtre une subvention (et non une garantie de déficit) affectée au Ballet, dans le cadre d'une Convention entre la Ville et la Fondation du GTG, ou tripartite, incluant le canton. La suppression du Ballet entraînerait la suppression de la subvention, qui ne serait pas incluse dans l'actuelle subvention régulière au GTG mais serait une subvention spécifique, s'exprimant par une ligne budgétaire spécifique, en tant que subvention du Ballet du Grand Théâtre. La Convention, bipartite au départ, pourrait (et devrait) ensuite être élargie à de nouveaux partenaires, privés ou publics (canton, ACG). Mais on ne peut " élargir " à de nouveaux partenaires qu'une convention existante. Le " modèle ", ici, c'est la convention concernant l'OSR.
Ø L'engagement du canton dans un financement conventionné devrait impliquer la représentation du canton au Conseil de fondation du GTG, et donc un changement des statuts de la fondation. Cette représentation contribuerait à assurer dans la durée la participation du canton au financement du GTG.
Ø Il convient en outre d'exiger de la Fondation qu'elle présente des budgets et des comptes faisant clairement apparaître le coût réel, total, du Ballet.
Ø A terme, il convient de rendre le Ballet formellement autonome du Grand Théâtre, en le constituant en fondation de droit public, passant avec le GTG une convention permettant au Ballet d'utiliser les locaux et l'infrastructure du GTG, et au GTG de faire intervenir le Ballet dans sa programmation -y compris dans les ouvrages lyriques.

" Il y a des gens qui s'ingénient à faire capoter " le Grand Théâtre, s'indignait le Maire de Genève (alors Pierre Muller) devant le Conseil de Fondation. Mais c'est en refusant d'admettre la nécessité de la recherche d'autres sources de financement public que l'on met le plus gravement en danger l'institution que l'on affirme par ailleurs vouloir préserver : cela vaut pour le Grand Théâtre en général comme pour son Ballet en particulier.
C'est aussi en refusant d'admettre la nécessité d'une " autonomisation " statutaire et budgétaire du Ballet à l'égard (ou au sein) du Grand Théâtre que l'on condamne, à terme le Ballet : qu'on le condamne à servir de fusible budgétaire à la fondation, et qu'on le condamne, avant même cet ultime court-circuit, à l'insignifiance au sein du paysage culturel genevois. Car si le Ballet du GT se justifie dans la durée, c'est en tant qu'élément central d'un paysage chorégraphique régional recomposé -et il est évident qu'il ne pourra s'insérer dans ce paysage, et y être un élément central, en restant à la fois marginalisé et instrumentalisé par sa totale absence d'autonomie à l'égard du Grand Théâtre. L'ambition exprimée par le directeur du Ballet en 2004 (" Rendre la compagnie indispensable à Genève. (en faire) un vrai pôle de création, un lieu qui compte dans le paysage genevois et européen" (139) a son prix, et ce prix est non seulement " du temps, de l'argent, des prises de risques ", mais aussi plus d'autonomie du Ballet au sein du Grand Théâtre, et des garanties matérielles qui ne peuvent être données que par la collectivité subventionnante.

Pour paraphraser Charles Beer (qui évoquait le Mamco) : " Que l'on condamne (le Ballet) en refusant une subvention est une chose, mais qu'on le condamne par non-décision, c'est intolérable ! " … (140)


NOTES

(103) Proposition de résolution du Conseil administratif du 23 mars 2005 concernant la garantie de déficit de 1 000 000 de francs pour la saison 2005-2006 du ballet du Grand Théâtre.

Exposé des motifs
Lors de sa session d'octobre 2003, le Conseil municipal a accepté trois motions et une résolution en faveur du Grand Théâtre et, en particulier, de son ballet.
Il s'agissait de la motion M-393, intitulée "Pour une gestion du Grand Théâtre ouverte aux collectivités locales", de la résolution R-59, également intitulée "Pour une gestion du Grand Théâtre ouverte aux collectivités locales", de la motion M-394, intitulée "Soutien du Canton au maintien du ballet du Grand Théâtre", et de la motion M-395, intitulée "Coût du ballet ou coup de balai au Grand Théâtre?"
Dans sa réponse du 9 mars 2004, le Conseil administratif annonçait avoir répondu à la demande du Conseil municipal en prévoyant d'accorder un montant de 1 million de francs, sous la forme d'une garantie de déficit pour la saison 2004-2005 du ballet du Grand Théâtre. Le versement de ce montant en 2005 sera nécessaire et il apparaîtra aux comptes de l'exercice 2005.
Dans la mesure où l'engagement de sauver le ballet a été pris pour deux années, le Conseil administratif demande au Conseil municipal son accord pour maintenir cette couverture de déficit de 1 million également en 2006 pour la saison 2005-2006.
Cette mesure de précaution sera bien évidemment accompagnée de toutes les discussions nécessaires avec l'Association des communes genevoises, l'Etat et la Fondation du Grand Théâtre, afin que les compléments de financement qui avaient pu être trouvés auprès d'eux pour la saison 2004-2005 soient renouvelés également.

Proposition de résolution
En considération de l'exposé des motifs ci-dessus, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux, à voter la résolution suivante:
PROJET DE RÉSOLUTION
A l'instar de ce qui a été réalisé pour la saison 2004-2005, le Conseil municipal accepte de reconduire en 2006 la couverture de déficit de 1 000 000 de francs en faveur de la saison 2005-2006 du ballet du Grand Théâtre.

Projet de résolution amendée par la Commission des Finances
Le Conseil municipal demande au Conseil administratif:
- de transformer la garantie de déficit proposée en subvention régulière annuelle de 1 million de francs affecté au ballet dès la saison 2005-2006;
- de faire apparaître cette ligne au budget 2006 de la Ville de Genève. Cette subvention ne sera pas incluse dans l'actuelle subvention du Grand Théâtre. Il s'agit donc d'une ligne spécifique. La suppression du ballet entraînera la suppression de la ligne. La participation municipale est conditionnée à un apport tiers, privé ou public;
- que, par ailleurs, la subvention soit accompagnée d'une convention de subventionnement, bipartite dans un premier temps, ensuite élargie à de nouveaux partenaires publics (Association des communes genevoises, Canton) et privés, notamment.

(104) On trouvera le rapport de la commission sur le site du Conseil municipal :

(105) Rapport PR-404 A de la Commission des Finances du Conseil municipal de la Ville de Genève, p. 4

(106) Au 1er janvier 2009, l'effectif du Ballet était de 23 danseurs et danseuses.

(107) La Grange, mars-avril 2004

(108) qui ajoute, comme nous pourrions le faire, que cela demandera " du temps, de l'argent, des prises de risques " : le jeu en vaut la chandelle.

(109) Tribune de Genève du 25 octobre 2007

(110) " Quoi de plus risible qu'une ville suisse -avec ce que ces deux mots évoquent de confort matériel- s'amputant d'une troupe de seulement 23 danseurs faute de moyens pour l'entretenir ? Aberrant " (Benjamin Chaix, Tribune de Genève du 17 septembre 2003

(111 Philippe Cohen : " Le Ballet du Grand Théâtre est le seul (…) en Suisse, à fréquenter certains chorégraphes du passé et à explorer le domaine contemporain " (La Grange, mars-avril 2004)

(112) Ou, pour le dire avec d'autre mots que les nôtres (ceux, en l'occurrence, de Claude Ratzé dans le Journal de l'ADC de janvier-mars 2004), mais pour dire en gros la même chose : " la danse, matière première, est utilisée comme un accessoire. Une fois encore, elle a joué le rôle qu'on ne cesse de lui demander de jouer et cela au moins tous les cinq ans : apitoyer les politiques, les journalistes et l'opinion publique, afin de débloquer des mécanismes financiers visiblement grippés "…

(113) " Il faut que les décideurs concernés cessent de voir en la suppression du Ballet une solution de facilité pour faire des économies. Et que le Conseil de fondation du Grand Théâtre ne perde pas de vue qu'il joue avec le feu en envisageant le premier cette éventualité " (Benjamin Chaix, Tribune de Genève du 17 septembre 2003)

(114) En réalité, la subvention a augmenté de 1,65 millions, soit de 16 %, entre les budgets des saisons 1999-2000 et 2004-2005 (cette augmentation s'est faite en deux temps : 950'000 FS de plus au budget 2000-2001 par rapport au budget précédent, puis 700'000 FS de plus au budget 2003-2004). La subvention ne la Ville de Genève n'est donc pas " quasi stagnante "… Quant à l'apport global de la Ville au financement du Grand Théâtre, budgété à 33,441 millions FS pour 2003 et 34,063 millions sur le projet de budget 2004, il l'est encore moins, ne serait-ce que par la seule vertu de la progression et de l'indexation salariales du personnel affecté au GT mais payé par la Ville… Entre 2003 et 2004, la part du budget de la Ville directement affectée au GT augmente de 1,8 %, la masse salariale du personnel affecté au GT mais payé par la ville augmentant de 2,5 %

(115) l'apport de l'ACG n'est pas " extérieur " à la Ville de Genève puisque la Ville de Genève est membre, et plus grosse contributrice, de l'ACG…

(116) Tribune de Genève du 8 juin 2005

(117) La Tribune de Genève, 29 septembre 2003

(118) Lettre de la FONDATION DU GRAND THEATRE DE GENEVE au CONSEILLER ADMINISTRATIF PATRICE MUGNY
30 septembre 2005
Concerne: Pérennisation du million de garantie de déficit
" Monsieur le Président,
Cher Monsieur,
Nous donnons suite au récent vote du Conseil municipal, intervenu lors de sa séance du 14 septembre dernier, à l'occasion du projet de résolution PR 404.
Nous tenons tout d'abord à vous remercier pour votre engagement personnel dans ce débat qui aura abouti à la pérennisation du million de garantie de déficit que vous aviez consenti à accorder au Grand Théâtre pour la saison 2004/2005 et la suivante. En effet, en ayant accepté par son vote que ce million soit intégré dans la subvention d'exploitation ordinaire du Grand Théâtre et ceci dès le budget 2006, le Conseil municipal nous donne les moyens de maintenir notre activité et de conserver notre compagnie de danse.
Le Conseil municipal a mis un certain nombre de conditions à la pérennisation de ce million supplémentaire, conditions que nous nous engageons bien entendu à respecter et qu'il est opportun de rappeler ici :
· Dans l'attente qu'une convention d'abord bipartite qui fixe dans la durée les obligations mutuelles de la Ville et du Grand Théâtre, il est convenu que le million de subventionnement supplémentaire est conditionné à l'existence du Ballet du Grand Théâtre de Genève.
. Le Ballet devra garder sa structure professionnelle et son effectif ne pourra descendre au-dessous de 18 danseurs.
. De manière à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes danseurs, le Ballet du Grand Théâtre accueillera chaque saison des stagiaires qui compléteront son effectif pour lui faire atteindre le niveau minimum de 22 danseurs.
. Compte tenu du niveau de subventionnement public aujourd'hui connu, le Grand Théâtre s'engage à équilibrer son budget soit par des apports extérieurs nouveaux, soit par des économies réalisées. sur son fonctionnement , soit par des recettes supplémentaires.
La confiance que nous ont témoignée les Conseilleurs municipaux et le Conseil administratif en cette occasion nous touche et est un encouragement à poursuivre notre engagement de service public.
Réitérant nos remerciements pour votre action et votre soutien, nous vous prions d'accepter, Monsieur le Président, Cher Monsieur, l'expression de notre parfaite considération. "
Bruno de Preux
Président

(119) En février 2002, une convention tripartite a été signée entre l'OSR, la Ville et le canton, assurant un financement quadriennal de l'OSR (une convention comparable dans la forme -mais non pour ce qui concerne le volume des subventions, vingt fois moins élevée, devait être signée entre la Ville, le canton et l'Orchestre de Chambre de Genève, ex Collegium Academicum). En ce qui concerne l'OSR, dès la saison 2001-2002 et jusqu'en 2005, Ville et canton devaient se partager moitié/moitié une subvention de 17 millions de FS, pour un budget de l'OSR de 22,6 mios. La subvention municipale à l'OSR lui est désormais directement versée (elle transitait auparavant par le GT, qui la reversait à l'orchestre : en 2000, sur 7,2 mios FS accordés à l'OSR, 4,5 mios étaient passés par l'Opéra). En 2001, la subvention municipale à l'orchestre romand avait augmenté d'un million et atteint 8,2 mios, contre 7 mios pour la subvention cantonale. En 2002, les deux subventions ont été augmentées
et égalisées : 8,5 mios pour la Ville (+ 300'000 FS) et autant pour le canton ( + 1,5 mio).

(120) Rapport PR-404 A de la Commission des Finances du Conseil municipal de la Ville de Genève, p. 7

(121) Tribune de Genève du 11 avril 2005

(122) La Grange, mars-avril 2004

(123) Comme dirait Karl Marx, " l'histoire se répète " (en farce ou en tragédie, ajoutait-il) : " On entend chuchoter des reproches à l'adresse du Conseil administratif relativement à la suppression du ballet en entier ainsi qu'à celle d'un mois d'opéra, au cours de la saison 1925-1926. On estime que cette décision regrettable est de nature à porter un préjudice grave à la réputation artistique du Grand Théâtre et l'on ne peut comprendre que soit ainsi rabaissée au niveau des plus petites scènes de province, celle de Genève, capitale du monde "… " Nous répétons que Genève, siège de la S.D.N. et du B.I.T. ne peut pas et même ne doit pas envisager cette éventualité ! La fermeture !… Mais au point de vue moral aussi bien qu'au point de vue artistique, ce serait d'un effet désastreux au dehors. (…) Mais ce serait inhumain, parce que ce serait aussi vouloir jeter brusquement sur le pavé tout ce personnel qui ne doit payer de la perte de son emploi, l'indifférence que le public m
anifeste à l'égard de certains spectacles. " (Emile Jacques-Dalcroze, en 1925 ou 1926, cité par Serge Arnauld en 2004, in Miroirs)
(124) Cette proposition n'a pas fait l'unanimité du Conseil de fondation, puisque trois de ses membres (dont l'auteur du présent rapport) ont voté contre. On notera aussi qu'elle n'a pas donné lieu à un débat " gauche-droite ", puisqu'elle a été soutenue par des représentants de partis de droite comme de gauche, et combattue -pour des raisons différentes- par d'autres représentants de droite et de gauche.

(125) Les prestations en nature de la Ville de Genève, hors budget de la Fondation (mais pas hors budget de la Ville) sont évaluées par la fondation à 2,846 millions de FS (qui représentent donc une sorte de subvention additionnelle, portant le total de la subvention réelle de la Ville à plus de 17 millions. Sur le budget 2003 de la Ville, le Grand Théâtre " pèse " 33,441 millions de francs aux dépenses, 4,005 millions aux recettes (le patrimoine administratif figure dans les deux colonnes).

(126) La seule mise à disposition gratuite du bâtiment de Neuve constitue une subvention de prestation en nature équivalant à 1,656 millions de FS en 2002 (sur la base d'une valeur locative annuelle de 150 FS le m2, ce qui paraî La seule mise à disposition gratuite du bâtiment de Neuve constitue une subvention de prestation en nature équivalant à 1,656 millions de FS en 2002 (sur la base d'une valeur locative annuelle de 150 FS le m2, ce qui paraît largement sous-estimé). A cela s'ajoutent les frais de consommation d'eau, d'électricité et de combustibles pour le chauffage, supportés par la Ville, soit une nouvelle subvention sous forme de prestations en nature de 261'000 FS pour 2002. La Ville met en outre, toujours gratuitement, à disposition du GT des bâtiments et des locaux pour les ateliers, les répétitions, les stocks et les dépôts, et prend en charge les frais de consommation d'eau, d'électricité et de combustible, pour l'équivalent théorique de plus de 1,2 million d
e FS (318'000 FS pour le 6-8 rue Ste-Clotilde, 801'450 FS pour le 7-9 rue Michel Simon, 117'000 FS pour les charges).

(127) De même, l'engagement de l'Etat auprès du Grand Théâtre, à hauteur de deux millions affectés au Ballet, ne remettrait nullement en cause le principe de subsidiarité en vigueur à Genève dans le domaine culturel (le seul domaine d'ailleurs où ce principe ait quelque réalité dans la Parvulissime République), puisque dans cette hypothèse la " manne " culturelle de l'Etat n'atteindrait toujours pas la moitié de celle de la seule Ville de Genève… Les subventions et allocations relevant des " affaires culturelles " municipales représentent plus du tiers de toutes les subventions et allocations assurées par la Ville, et étaient en augmentation de 2 % en 2004 par rapport au budget 2003. L'effort culturel de la Ville ne se relâche donc pas, s'il se redéploie (prudemment).

(128) Notamment celles évoquées -également pour les écarter- par Patrice Mugny : l'exportation de la production de décors et/ou la réduction des coûts du lyriques par celle de la qualité ou du nombre des spectacles.

(129) Cette attente n'est pas seulement nôtre : dans le Journal de l'ADC (janvier-mars 2004), Claude Ratzé ne dit, sur le fond, pas autre chose : " Dès lors que les pouvoirs publics et les privés assument leurs responsabilités, ne serait-il pas temps que le Conseil de Fondation et la direction du Grand Théâtre offrent à son corps de ballet un véritable projet, une ligne artistique claire, des perspectives et, pourquoi pas, des objectifs ? Bref, donnent à son ballet une valeur indiscutable au sein de l'Institution "…

(130) Antonio Soragni…

(131) Mme Auphan, MM Demole, Duchêne, Passard et Mancini, le 3 février 2000

(132) La motion affirmait notamment " la nécessité et la légitimité de faire assumer par l'autorité politique elle-même, c'est-à-dire par le Conseil municipal, et non par la Fondation du Grand Théâtre, les conséquences sur le Ballet des choix budgétaires de la Ville à l'égard du Grand Théâtre " (133) y compris cependant les chorégraphes engagés pour les spectacles lyriques n'impliquant pas le Ballet

(134) Journal de l'ADC, mars 2001

(135) Cela écrit sans préjuger des conditions de travail et de rétribution des danseurs de ces compagnies : comme le rappelle Rosita Boisseau (Telerama du 15 décembre 2004), " quel que soit le pays (…) (les danseurs) sont toujours (les) artistes les plus mal payés de la catégorie 'spectacle vivant'. Et l'instabilité pesante de l'emploi intermittent crée en outre un certain désenchantement ". Un quart seulement des danseurs gagnaient plus de 10'000 euros dans l'année en France en 2000. Et en Suisse, la nouvelle association faîtière " Danse Suisse ", résultat de la fusion de l'ASD et de la VSBT, réclame un salaire minimum de 4000 FS brut par mois, après formation et trois ans de pratique. Mais le salaire moyen payé à un danseur, le temps de son engagement, plafonne à 3200 FS/mois, et certains sont encore engagés à 1800 FS/mois (Journal de l'ADC janvier-mars 2005). Le Grand Théâtre, toutefois, se situe pour son Ballet au-dessus de ce niveau (en 2005, le salaire " plancher " es
t d'un peu moins de 4500 FS/mois) L'Association pour la Danse Contemporaine ajoute que le subventionneur pourrait avoir, concernant la rétribution des danseurs, un rôle de " régulateur ". S'agissant du Grand Théâtre et de son Ballet, le subventionneur étant la Ville et le Grand Théâtre accordant déjà des salaires se situant au-dessus de ce que réclame " Danse Suisse " -mais dans une ville plus chère que la moyenne des villes suisses), le rôle de " régulateur " de la Ville consisterait à veiller à ce que le niveau des salaires pratiqués pour les danseurs reste, en termes réels, au moins ce qu'il est actuellement.

(136) " Quand je vois le nombre de gens qui suivent les spectacles de danse contemporaine, la jeunesse de ce public, je me demande pourquoi ces gens ne viennent pas tous chez nous ", s'interroge Philippe Cohen (La Grange mars-avril 2004), qui répond ainsi à sa propre interrogation : " c'est certainement une question d'image. (ce public) ne se reconnaît pas dans l'image qu'il se fait du Grand Théâtre "

(137) En fait, le " nouveau public " dont il est ici fait mention est constitué de trois nouveaux publics : un nouveau public amené au Ballet de Genève, un nouveau public amené au Grand Théâtre par l'intermédiaire du programme du Ballet, un nouveau public venu de l'opéra et amené à la danse, en tant que forme d'expression artistique…
(138) Certes, " La Maison de la danse n'est pas construite " et " il n'y aura pas de compagnie dans cette Maison de la danse ", observe Philippe Cohen (La Grange mars-avril 2004). Conclusion : " Donc, nous sommes complémentaires. (…) A nous de faire du Ballet du Grand Théâtre un pôle de création solide ".

(139) La Grange mars-avril 2004

(140) Dans Le Courrier du 24 septembre 2003, où l'on signale également que " Charles Beer refuse (…) de pérenniser la situation actuelle qui voit le Mamco quémander son soutien année après année ". Accepterait-il pour le Ballet ce qu'il refuse pour le Mamco ? De toutes manières, que le Conseiller d'Etat juge " intolérable " la condamnation du Ballet par " non-décision " ne peut que nous rappeler la récurrente " non-décision " du canton de subventionner le Grand Théâtre (ou le Ballet). La disparition éventuelle du Ballet a en outre provoqué une interpellation urgente d'un député libéral (Michel Halpérin), évoquant un " désengagement unilatéral de la Ville " (quel désengagement de la Ville ? c'est la Fondation qui menaçait de supprimer le Ballet, non la Ville) et demandant au Conseil d'Etat (ou au Département de l'Instruction publique), non de faire un geste financier, mais " d'intervenir auprès de la Ville pour la rappeler à ses devoirs ". Quels devoirs ? Celui de supporte
r seule la charge de la première institution culturelle du canton ? Dans sa réponse, le Conseiller d'Etat estime qu'il faut " faire preuve d'imagination " pour " trouver une solution qui nous permette de sauver à la fois le ballet et la crédibilité ". Certes… mais on en reste là au stade des belles paroles. Et on ne prend aucun engagement financier, fût-il de l'ordre de quelques pour mille du budget cantonal…

Mémorial du Grand Conseil :
55e législature - 2e année - Session 11 (septembre 2003) - Séance 67 du 18.09.2003 à 20h45
IU 1476 Interpellation urgente de M. Michel Halpérin : Disparition éventuelle du Ballet du Grand Théâtre
M. Michel Halpérin (L) . Je suis presque gêné de venir avec ma petite interpellation après ce débat de poids lourds - je parle naturellement des moyens de transport, non de ceux qui les utilisent ou qui les évoquent. Mon débat, en comparaison, représentera plutôt un entrechat, mais ce sera d'autant plus bref. Ce qui constituera ma manière à moi de rappeler le traitement que je réserve d'habitude à ce mode d'expression qu'est l'interpellation urgente. Mon interpellation urgente s'adresse à M. le Président du département de l'instruction publique, suite à la lecture des journaux, hier. Cette lecture a suscité inquiétude, et même consternation, en découvrant la probabilité de la disparition des ballets du Grand Théâtre. Je sais bien que c'est un problème qui relève de la compétence exclusive de la Ville ou de la Fondation du Grand Théâtre. Il n'empêche que le désengagement unilatéral de la Ville pose un problème, dans la mesure où il touche à une institution qui est un des phares par lesquels la République s'éclaire et s'honore, en Suisse et à l'étranger. Dès lors qu'il ne s'agit pas de transférer à l'Etat des charges qui sont celles de la Ville, je me demande simplement, Monsieur le conseiller d'Etat, si votre département ou le Conseil d'Etat, dans son ensemble, envisagent d'intervenir auprès de la Ville, pour la rappeler à ses devoirs, au moins aussi longtemps que la conférence, qui s'est mise en route pour essayer de procéder à une nouvelle répartition des compétences culturelles entre les communes et le canton, n'aura pas abouti.
Dans l'intervalle, il faut que la Ville fasse ce pour quoi elle est faite, ou alors qu'on envisage une sérieuse reconsidération - qui n'est d'ailleurs pas du tout exclue, à mon sens - mais enfin le Grand Conseil en avait décidé autrement autrefois. Jusque là il me semble que la Ville doit faire son travail et que le Conseil d'Etat pourrait l'y aider.

M. Charles Beer , conseiller d'Etat. Je vous remercie de votre interpellation qui traite d'un sujet particulièrement important. Elle relève de la culture dans notre canton, plus particulièrement de l'art lyrique au sens large du terme. Il relève du Grand Théâtre, de son aspect le plus vulnérable: le ballet.
Dans ce choix, il faut déplorer un certain nombre de déterminations au sein même du Grand Théâtre. Mais il ne faut pas s'arrêter à cela, et on doit s'interroger sur le sens de la disparition éventuelle du ballet de notre canton. Ce d'autant plus que, dans le cadre de la conférence culturelle que vous évoquiez, un des sujets prioritaires est de construire et de réaliser, en collaboration avec la ville de Lancy, la Ville et le canton de Genève, la maison de la danse. La danse et l'opéra, en tant que tels, sont des arts pas assez vivants dans notre canton. Nous sommes plutôt, à ce jour, conscients des efforts qui doivent être faits, en complément de ce qui a été fait jusqu'à maintenant.
Il va de soi que l'annonce d'une possible disparition, en tant que telle, est fort fâcheuse pour cette politique de priorité. Vous relevez la question de la compétence qui incombe à la Ville de Genève et à une fondation à caractère municipal, qui ne nous permet pas d'intervenir directement.
Au-delà de cela, il paraît difficile pour le canton d'intervenir de façon péremptoire, face à la Ville de Genève. Nous n'en avons ni le statut ni les moyens. En revanche, comme vous l'avez évoqué, je crois qu'il s'agit de mettre d'emblée en avant l'esprit de la conférence culturelle et de chercher par là à trouver des solutions pour sauver le ballet.
A ce jour, je peux vous dire que nous venons d'envoyer une lettre à nos partenaires de la Ville de Genève et de l'Association des communes genevoises, pour une réunion urgente où nous traiterons à nouveau de ce sujet, de manière que nous puissions trouver une solution qui soit à la hauteur des sommes que nous engageons en matière culturelle à Genève et à la hauteur de notre prétention politique en la matière.
Nous devons faire preuve d'imagination. Il existe un certain nombre de ressources, qui devraient permettre, si l'ensemble des acteurs est responsable, de trouver une solution qui nous permette de sauver à la fois le ballet et la crédibilité, dans notre souhait d'accorder une nouvelle priorité à la danse.


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