lundi 2 novembre 2015

Projet scientifique et culturel du MAH : Hâte-toi lentement ?


    

Tel que vous nous lisez, là, on était tout inquiets : on n'avait aucune nouvelle du projet scientifique et culturel  (PSC) du Musée d'Art et d'Histoire, annoncé il y a un an, proposé par un Conseil scientifique, soumis à consultation auprès du personnel, et qui devrait être validé en ce moment. Partant du principe qu'un projet tel que celui de la rénovation et de l'extension du MAH doit témoigner d'une ambition culturelle le justifiant, et qu'avec un musée on a affaire à tout autre chose qu'à un centre commercial, on a demandé à notre Conseiller administratif préféré (le Che Kanaan, donc) de calmer notre angoisse et de nous assurer que ce projet scientifique et culturel nous sera communiqué à temps pour que nous puissions en débattre, et pour qu'il soit débattu lors de la campagne précédant la votation référendaire municipale du 28 février. Parce que c'est la condition sine qua non pour que le débat sur le sort de la rénovation et de l'extension du Musée d'Art et d'Histoire ne prenne pas le tour calamiteux d'un populisme "anticulturel" -du genre de celui qu'on entend et lit à propos de la Nouvelle Comédie. Ou de l'Usine.

...
en un temps où le concept d'"industries culturelles et créatives" fait son chemin en le traçant comme une autoroute...

Le 22 septembre (premier jour de l'an, au cas où on ne vous l'aurait pas déjà dit...), une quinzaine de directeurs des vingt musées regroupés dans la Conférence des musées genevois (
Il y a une quarantaine de musées à Genève, visités chaque année par 1,2 million de personnes) ont présenté leurs programmes de saison 2015-2016. Le budget municipal genevois consacré aux musées publics ascende à 80 millions et représente plus du quart du budget total du Département de la Culture (et du sport). Pour autant, la Genève muséale n'a pas d'institution "phare", dont les expositions temporaires, plus que les collections (celles des musées genevois en général, et du MAH sont quantitativement considérables) attireraient un public massif -l'atout de Genève, s'agissant de ses musées, c'est sa diversité. Le "projet scientifique et culturel" (PSC) qu'on attend pour le MAH en fera-t-il un axe privilégié ? Mystère

Où en est-on d'ailleurs de ce projet qui doit exprimer et définir les ambitions du MAH, et dont nous avons déjà eu l'occasion de dire que lui seul pouvait justifier un projet de nouveau musée tel que celui qui sera soumis au vote populaire fin février ? Un calendrier, transmis à la commission des arts et de la culture du Conseil Municipal, avait détaillé le processus d'élaboration de ce document : En octobre 2014, "premières réflexions sur les grandes lignes", par un Conseil scientifique*, puis, dans les quatre mois suivants, une consultation du personnel sur ces "grandes lignes". En février 2015, examen d'un rapport intermédiaire, puis nouvelle consultation du personnel. On passe ensuite à la définition même des grandes lignes du PSC, avec en mai 2015, toujours par le Conseil Scientifique, une réflexion sur ses développements, puis une nouvelle consultation du personnel et enfin, en octobre -on y est, donc...- la validation du document final. Ce calendrier a-t-il été tenu ?  Le personnel a-t-il été consulté comme il était prévu ? Le Conseil municipal pourra-t-il s'exprimer, ne fût-ce qu'en commission, sur son contenu, avant le vote populaire ? Un peu de flou s'est dissipé -mais il en reste encore suffisamment pour qu'au risque de lasser notre patient lectorat, nous "remettions la compresse" de nos interrogations. Interrogé (gentiment) au Conseil Municipal, le Che Kanaan nous a répondu qu'on aurait notre pitance. Pas encore un vrai projet scientifique et culturel "à la française", dont l'élaboration prend des années et qui s'appuie sur un PSC précédent, mais des éléments substantiels d'un tel PSC, capables de faire débat. Et nous voilà rassurés. Impatients, mais rassurés. Alors on attend. Et dès qu'on les a. ces éléments substantiels d'un PSC, on ouvre le débat. Sur une page Facebook dédiée, parce qu'on est modernes.

Un musée n'est pas une Maison de quartier ou un centre de loisirs. Il n'importe guère à sa fonction qu'il soit doté d'un restaurant panoramique (même offrant "une vue unique sur le Vieille-Ville et la rade, de jour comme de nuit", ainsi que le MAH vante celui dont il espère être doté)-et un conservateur est autre chose qu'un chargé de com'... Pour un musée comme pour n'importe quel équipement culturel, il ne suffit plus d'exister, il faut aussi pouvoir justifier son existence et le soutien matériel reçu de la collectivité. De cette justification, sans doute la fréquentation, l'audience, peuvent-elle être un critère (en en tout cas un argument pour obtenir un financement), mais à en faire le critère essentiel, on ravalerait l'institution (le musée) au rang d'un centre commercial ou d'un parc d'animation -or on  parle ici du MAH, pas de Disneyland... il est vrai qu'en un temps où le concept d'"industries culturelles et créatives" fait son chemin en le traçant comme une autoroute, il devient difficile d'affirmer une "mission culturelle" irréductible au délassement... Raison de plus, cependant, de l'affirmer.
Alors on va l'affirmer. Et on espère que le projet scientifique et culturel du MAH, à tout le moins ses "grandes lignes", l'affimera aussi.

* Cécile Aufaure, directrice du projet de rénovation du Musée de l'homme (Paris), Isabelle Graesslé, directrice du Musée international de la Réforme (Genève), Marie-Paule Jungblut, directrice du Musée historique de Bâle, Roger Mayou, directeur du Musée international de la Croix-Rouge (Genève), Andreas Spilmann, directeur du Musée national suisse...

Aucun commentaire: