vendredi 26 février 2016

MAH : On efface tout et on recommence ?


   
Tabula rasa !

On saura donc dimanche si le projet de rénovation-extension du MAH pourra être réalisé ou s'il finira aux archives... mais en fait, on ne le saura pas grand chose d'autre  : un "non" ne "sauvera" pas plus le bâtiment de Marc Camoletti qu'un "oui" ne répondra au besoin genevois d'un nouveau "grand musée moderne". Dans un courrier de lecteur à la "Tribune de Genève", le patron de Vacheron Constantin, particulièrement intéressé à la possibilité d'un musée de l'horlogerie dans le MAH, estimait que "le projet soumis au vote (...) est une réponse concrète à des besoins devenus urgents". Nous, ici, on l'a plutôt considéré comme une mauvaise réponse à une question mal posée et mal comprise...  De toute façon, que ce soit "oui" ou "non" à ce qui reste du projet Nouvel-Jucker initial, le MAH devra être fermé : pour rénovation si c'est "oui", ou parce qu'il sera devenu inutilisable, faute d'être rénové, si c'est "non"... Peu importe donc le résultat du vote de dimanche : au terme d'un vrai débat de merde, ce résultat aura confirmé le vieux slogan d'"Hara-Kiri Hebdo" (ou était-ce déjà "Charlie" ?) : "votez con, vous n'avez pas le choix". A part le choix de la "table rase", bien sûr : on n'a pas si souvent l'occasion de chanter l'Internationale dans une votation municipale...

On a donc parlé dans le vide. Disons qu'on  s'est parlé à nous-mêmes.

Ce fut sans doute le débat le plus médiocre auquel, en 45 ans de militantisme, il nous fut donné d'assister (et même de participer, ce qui nous interdit de nous innocenter de sa médiocrité, et ne nous laisse guère que la ressource d'en ricaner). Ce n'était pourtant pas une fatalité : l'enjeu se prêtait à un véritable débat de politique culturelle, mais qui n'a jamais eu lieu, et il aura fallu attendre le dialogue entre Charles Bonnet et Pierre Huber, dans la "Tribune de Genève" de lundi dernier, pour qu'on parle, enfin, et en connaissance de ce dont en parle, d'art, de culture, de patrimoine autrement qu'en termes fétichistes.

Alors les gens, vous faites ce que vous voulez, forcément, et pour les raisons que vous trouvez, avec qui vous voulez. Vous prenez en marche le train du "non" et d'une campagne à base de poujadisme culturel et financier (elle n'était pourtant pas si mal partie que cela...),  ou vous restez au bord de la voie, entre les vaches, à regarder ce train passer et vous ne votez pas ou vous votez blanc, ou, troisième attitude, vous grimpez dans la draisine cahotante du "oui" et vous pompez à contre-courant jusqu'à la collision fatale, parce que vous aimez les combats perdus d'avance (et il faut bien avouer que celui-là était fort mal parti, depuis le début -pas de concours, juste un appel d'offre- et que ça ne s'est pas amélioré depuis -ficelage de la rénovation et de l'extension  dans un seul crédit), parce que les chants désespérés sont les chants les plus beaux et parce que, s'il peut se trouver des perdants magnifiques, il se trouve aussi des vainqueurs médiocres : l'argument massue du "non", celui qui, sans doute, va emporter le vote, est aussi celui qui nous importe le moins : l'argument du fric. Un argument de droite et qui le reste même brandi par des gens de gauche, face à tous les projets et tous les engagements culturels, quels qu'ils soient :  MAH ou Nouvelle Comédie, fonds généraux ou subventions, c'est kif kif, c'est trop d'argent pour la culture, faut penser au sport. Et balancer le crédit pour le MAH et celui pour la Nouvelle Comédie dans le trou du Stade de la Praille. Cela dit, on n'était pas dans un débat gouverné par le clivage gauche contre droite, ou  démocrates contre garde-chiourmes, ou cultureux contre analphabètes... on avait en guise de fronts un agglomérat contre un autre. Le partisan de gauche du projet se retrouvait avec le MCG et Gandur, l'adversaire de gauche du projet avec l'UDC et Barbier-Muller...

Comme on est objectifs et, dans la draisine à contre-voie et au-dessus des parties, on a tout de même fourni aux adversaires du projet MAH+ quelques arguments qu'on pensait solides pour le combattre, en même temps qu'aux partisans quelques arguments qu'on trouvait pertinents pour le soutenir... Las ! on parlait de projet culturel, de politique muséale, de rôle du musée -bref, de ce qui n'intéresse que nous. On n'a pas eu les réponses aux questions innocentes qu'on posait (quel musée, pour quoi faire, quoi dire, et à qui ?), ou alors on n'a obtenu que des réponses insatisfaisantes, convenues. On a donc parlé dans le vide. Disons qu'on  s'est parlé à nous-mêmes. Et qu'on était entièrement d'accord avec nous. Et qu'on va le rester. Parce que le vote de dimanche ne va rien régler du tout, quel qu'il soit, et que si le projet d'extension est refusé, celui de rénovation l'est aussi, puisque les deux ont été ficelés.  Or la rénovation du musée restera urgente -et de plus en plus urgente, forcément, au fur et à mesure du temps qui passe sans qu'elle se fasse. Et il faudra bien qu'un nouveau crédit d'étude soit voté, qu'un nouveau projet sorte d'un concours d'architecture, soit accepté par le Conseil administratif, soumis à examen par les commissions du Conseil municipal et par la commission des monuments, de la nature et des sites, que les demandes d'autorisations soit déposées, que le délai de recours soit passé (et si des recours sont déposés, qu'ils soient examinés -leur refus pouvant lui-même faire l'objet d'un recours) puis qu'un nouveau crédit de réalisation soit proposé, qui devra trouver une majorité au Conseil municipal, et qui, s'il la trouve, sera soumis lui aussi à référendum... Gageons que référendum alors il y aura, qu'il aboutira, et qu'on se retrouvera (mais dans vingt ans...) avec un débat ne portant toujours pas sur un projet culturel, mais toujours sur son coût. Sachant qu'un projet culturel est toujours "trop cher". Et suscite forcément une campagne négative à base de poujadisme culturel et financier.

Alors, finalement, peut-être que la solution est celle de la "tabula rasa" : on ne rénove pas, on n'étend pas, on laisse pourrir le bâtiment Camoletti, on attend qu'il tombe tout seul, on rase les ruines et plutôt que bricoler l'existant, on construit ailleurs (pas forcément au centre-ville, et même pas forcément du côté suisse de la frontière qui clive la Genève réelle...) quelque chose de tout nouveau tout beau, ou au moins d'une mocheté intéressante, pas ce machin construit au début du XXe siècle dans le goût pompier de la fin du XIXe siècle, pour que la bourgeoisie genevoise puisse exhiber qu'elle ne s'intéresse pas qu'au fric, qu'elle s'intéresse aussi à l'art et à l'histoire...

Aucun commentaire: