samedi 30 juin 2007

DU NEUF A NEUVE

Cessez-le-feu à Neuve : la guerre de clans au Grand Théâtre s'interrompt. Une nouvelle présidence (1), un nouveau Conseil de fondation (2), s'ouvrant enfin à une représentation du personnel (3), l'engagement de directeurs ou directrices des ressources humaines et des finances épaulant, dans une direction collégiale, un directeur général se consacrant pleinement à sa fonction essentielle de directeur artistique : autant de mesures pouvant assurer la transition vers une autre structure, d'autres pratiques, un statut unifié du personnel, d'autres rapports entre l'Opéra et la Cité… et surtout d'autres modes de relations sociales à l'intérieur de la maison et avec les organisations syndicales.

Le GTG peut sortir d'une crise qui menaçait de le réduire à un lieu d'accueil de spectacles au succès garanti par leur conformisme et reproduisant un patrimoine intangible. Le Grand Théâtre n'était pas menacé en tant que scène lyrique, il l'était comme lieu où l'on ose innover et provoquer en risquant de déplaire : ce prix est celui de tout choix artistique ambitieux. L'excellence et l'ambition artistiques ne sauraient toutefois se déployer dans le mépris de celles et ceux qui l'assurent : l'Opéra de Genève, avant d'être un bâtiment, une structure juridique, un budget, des comptes, c'est plus de 300 personnes travaillant pour 100'000 spectateurs…

Le GTG était entré en crise parce qu'aucune des instances de régulation interne (le Conseil de fondation, la direction générale) ou externe (le Conseil administratif) n'avait pris la mesure de la situation vécue par le personnel, ni perçu les causes du conflit, ni même, longtemps, voulu entendre les plaintes et reconnaître les droits des travailleuses et travailleurs. De cette crise, le Grand Théâtre n'a finalement trouvé les moyens de sortir que parce que le personnel et les syndicats ont contraint les acteurs politiques à intervenir, et les pouvoirs internes de l'opéra à entériner la remise en cause de leurs propres pratiques, et à admettre le constat de leurs insuffisances. Ce sont les membres du personnel et leurs organisations qui ont finalement imposé à la Ville, à la Fondation, à la direction une révision globale des structures, des fonctionnements, et des pratiques internes du GTG. De leur opiniâtreté, c'est la Cité toute entière qui est redevable : la secousse subie par le Grand Théâtre a révélé l'obsolescence de sa structure institutionnelle, le tribalisme des chefferies, le féodalisme des fonctionnements, le folklore de corps de garde prospérant dans les coulisses, l'absurdité du double statut (public et privé) du personnel, la réduction du Conseil de fondation à une chambre d'enregistrement des décisions d'un bureau se confinant lui-même dans un rôle semblable à l'égard de la direction générale.

De toute crise, il y a un bon usage possible. De celle qu'a traversée l'opéra, ce bon usage est celui de la réforme de ses instances, de son financement, de ses rapports sociaux. Le nouveau Conseil de fondation, la Municipalité, la direction générale, les syndicats et la commission du personnel du GTG ont deux ans pour opérer, ensemble, les changements nécessaires : réformer la fondation, unifier le statut du personnel, obtenir un meilleur équilibre du financement de l'opéra, (entre financement privé et public, financement par la Ville de Genève et par d'autres collectivités publiques).

Une nouvelle direction générale entrera en fonction dans deux ans. Elle doit pouvoir hériter non seulement d'une institution transformée dans ses structures et dans ses pratiques, mais également des acquis de ces dernières années : des choix artistiques imaginatifs, des programmations laissant place à l'inattendu, l'établissement de liens de collaboration avec d'autres institutions culturelles genevoises, l'ouverture à de nouveaux publics. Ce sont précisément ces acquis qui justifient la pérennité d'une institution qui n'aura été menacée que par l'archaïsme de ses structures, de ses pratiques et des comportements révélés par la crise qu'elle a traversée.

(1) Le Conseil administratif propose au Conseil de fondation de nommer Lorella Bertani à la présidence de la Fondation. Le 29 août, lors d'une réunion informelle, la quasi unanimité des membres du Conseil qui entrera en fonctiuon le 1er septembre ont accepté cette proposition -de même que celle de nommer Guy Demole à la vice-présidence, et Bernard Lescaze comme troisième membre du bureau du Conseil (bureau auquel siègent également les deux Conseillers administratifs délégués au Conseil de fondation, Patrice Mugny et Manuel Tornare, et qui s'adjoindra la collaboration de Guzy-Olivier Segond). Ces désignations doivent encore être formellement validées lors de la première réunion du Conseil de fondation, début septembre.

(2) Membres désignés par le Conseil administratif : Lorella Bertani, Guy Demole, François Duchêne, Martine Koelliker, Guy-Olivier Segond.
Membres désignés par le Conseil municipal : Jacques Haemmerli (UDC), Pascal Holenweg (PS), André Klopmann (Verts), Florence Kraft-Babel (parti libéral), Bernard Lescaze (parti libéral), Jean Spielmann (A gauche toute !), Jean-Luc von Arx (PDC)
Représentants du Conseil administratif : Patrice Mugny, Manuel Tornare

(3) dans un premier temps, le présidente de la CPTA sera invité à siéger à titre consultatif (comme le directeur général et la secrétaire générale) au Conseil de fondation. Dans un deuxième temps, après modification des statuts, la représentation du personnel sera assurée par un-e membre de plein droit (avec droit de vote, donc) du Conseil de fondation.

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