mardi 5 juin 2007

Lettre des syndicats aux Conseillers municipaux de la Ville

Lors de la première séance du nouveau Conseil municipal, le 4 juin, une lettre des syndicats SIT et SSP, et de la Commission du personnel du Grand Théâtre, a été distribuées aux membres du Conseil. Cette lettre (voir ci-dessous) concerne les derniers développements de la crise du Grand Théâtre, derniers développement devant arriver fin juin au Conseil municipal sous forme de proposition du Conseil administratif, proposition présentée sous forme de "paquet ficelé" reprenant les propositions faites par David Lachat et les exigences présentées par Jean-Marie Blanchard.

Il serait étrange (pour ne pas dire plus) que le Conseil municipal accepte (ou refuse) "sur le siège" (c'est-à-dire sans le faire examiner par une commission) fin juin ce "paquet ficelé", compte tenu de ses implications politiques, financières et sociales, quelque "chantage à la fermeture du Grand Théâtre" qu'on exerce sur le Conseil municipal. Un tel "chantage" repose en effet sur un pur fantasme : la saison prochaine (2007-2008) est d'ores et déjà "sur rails" (les abonnements ont été renouvelés, les spectacles sont annoncés, les contrats signés depuis longtemps, les plannings établis), et la saison suivante quasiment bouclée.

Quant aux implications des propositions qui seront soumises au Conseil municipal fin juin, elles sont en gros les suivantes :

IMPLICATIONS POLITIQUES : le "paquet ficelé" implique une considérable perte de contrôle de la municipalité sur le Grand Théâtre. Cette perte peut être acceptée, mais elle ne peut l'être qu'au terme d'un débat approfondi, sur son sens, et sur ses conséquences. Concrètement, tout le personnel municipal affecté au GT passerait sous contrôle de la Fondation, sans pour autant cesser d'être un personnel municipal, jouissant des droits accordés par le statut du personnel, et tout en continuant à être payé par la Ville. En outre, le nombre de membres représentant la Ville au Conseil de fondation serait considérablement réduit (ceux représentant le Conseil municipal passant de sept à deux, par exemple). En résumé, on demande à la Ville de payer et de se taire, et aux partis politiques d'accepter (en se taisant) que la Ville paie (et se taise).

IMPLICATIONS FINANCIÈRES : les changements proposés impliquent des dépenses qui se chiffrent à au moins deux millions, sans aucune recette supplémentaire. Comme le Grand Théâtre n'a absolument pas les moyens de financer ces dépenses, c'est la Ville qui va devoir s'y coller, en augmentant sa subvention au GT, en lui accordant un prêt ou en faisant passer au budget ordinaire des dépenses supplémentaires pour le GT. Là encore, on ne peut l'accepter sans un débat et un examen approfondi.

IMPLICATIONS SOCIALES : les syndicats manifestent une opposition claire à plusieurs des propositions de David Lachat et du CA. Ils relèvent à juste titre que plusieurs de ces propositions sont contradictoires, sur le fond et sur la forme, de l'accord passé entre la Fondation, la Ville et les organisations du personnel dans le cadre de l'audit du GTG. En outre, le passage de tout le personnel municipal sous responsabilité (mais pas sous statut) de la Fondation est source de conflits inévitables, du même type que ceux qui ont déclenché la crise actuelle, mais également de conflits nouveaux entre la Ville employeur du personnel et la Fondation utilisatrice du personnel municipal.

Enfin, il faut insister sur le fait que plusieurs propositions faites par David Lachat et le CA impliquent une modification des statuts du Grand Théâtre, lesquels reposent sur une loi, et ne peuvent donc être modifiés que par le Grand Conseil (sur proposition, certes, du Conseil municipal -mais seulement sur proposition). Les décisions prises par le seul Conseil municipal n'auraient aucun effet avant que le Grand Conseil se soit prononcé. Or statutairement, le mandat de l'actuel Conseil de fondation prend fin le 31 août, et ne peut être prolongé. Et la Fondation ne peut, statutairement, se passer de Conseil. Comme même la création d'un Conseil de fondation intérimaire doit faire l'objet d'une modification des statuts actuels, et donc d'une décision du Grand Conseil, sur proposition du Conseil municipal (mais après étude par celui-ci de la proposition), on risque donc de se retrouver soit avec un Conseil de fondation illégalement constitué et ne pouvant prendre aucune décision valable, soit sans Conseil de fondation du tout.

On ne saurait donc inviter trop ardemment le Conseil municipal à ne pas voter "en bloc", sans réel débat et sans examen attentif, des propositions qui modifient complètement (ils en ont besoin, mais pas comme ça) les rapports entre la Ville et le GTG, et à renvoyer le paquet en commission pour étude, et pour "déficelage".


SYNDICAT DES SERVICES PUBLICS - SSP-VPOD
SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DE TRAVAILLEUSES & TRAVAILLEURS - SIT
COMMISSION DU PERSONNEL ADMINISTRATIF ET TECHNIQUE DU GRAND THEATRE DE GENEVE - CPTA

Genève, le 4 juin 2007

A l'attention des Chef-fe-s de groupe et du Conseil municipal de la Ville de Genève

Concerne : Grand Théâtre de Genève

Madame et Messieurs les Conseillers administratifs,
Mesdames les Conseillères municipales,
Messieurs les Conseillers municipaux,

Les syndicats SIT et SSP, ainsi que la Commission du personnel technique et administratif du Grand Théâtre de Genève (CPTA), en qualité de représentants du personnel, souhaitent vous faire part de leur plus vive inquiétude au sujet des développements récents que connaît cette institution.

1.) Dès janvier 2006, nos organisations dénonçaient les conditions de travail inacceptables faites au personnel, en particulier en matière de surcharge de travail et de management. Les rapports d'audit ont confirmé la réalité de ces disfonctionnements. Malgré ces constats accablants pour la Direction du Grand Théâtre, nous devons constater que le Directeur général, Monsieur Jean-Marie Blanchard, est toujours en place. Il persiste dans une attitude de déni de la réalité et entrave les réformes urgentes qui s'imposent.

La fin de saison 2006-2007 est à ce point surchargée que les chef-fe-s de service ne savent plus comment compenser les milliers d'heures supplémentaires rendues nécessaires par une programmation démesurée et la saison 2007-2008, telle qu'elle est envisagée, sera pire encore. Les plannings de travail ne respectent pas les dispositions légales, ce qui oblige par exemple certains employés à travailler 10 jours de 12 heures de travail de suite, sans jour de congé. Avertie depuis un an et demi, la Direction générale n'a pris aucune mesure, et elle n'a toujours pas fait de réelle proposition pour ralentir le rythme de travail, comme le préconise l'audit. La majorité du personnel a aujourd'hui totalement perdu confiance dans la capacité de cette Direction à mener les réformes qui s'imposent.

2.) Dans le cadre du protocole d'accord signé par les parties, il avait été convenu que la Ville, la Fondation et les organisations du personnel se retrouvent pour discuter la mise en œuvre des recommandation de l'audit. Des séances tripartites de négociation ont été mises sur pied à cet effet. Si quelques positions de principe ont bien été adoptées, peu de mesures concrètes ont vu le jour, à l'exception de l'examen des problèmes de sécurité et de la situation de 8 employé-e-s et quelques fonctions. Or dans le cadre des réformes structurelles envisagées, nous apprenons que le DAC prévoit de se retirer des négociations tripartites, au profit d'un Conseil de Fondation remanié. Cette proposition est inacceptable pour les raisons suivantes :

Outre le fait que cela ne respecte par le protocole signé par les parties, il est légitime que le personnel continue à négocier directement avec ses deux employeurs que sont la Ville et la Fondation. Un tel retrait, échéance électorale passée, démontrerait que le DAC se désintéresse de la crise du Grand Théâtre et renonce à mettre en œuvre les intentions déclarées jusqu'à ce jour.
La composition envisagée du futur Conseil de Fondation de transition, réduisant drastiquement les représentant-e-s du Conseil municipal et supprimant la représentation du Conseil administratif, ne peut que nous conforter dans cette impression. La présence de un ou deux hauts fonctionnaires au sein du Conseil de Fondation, ainsi que d'un représentant du personnel, n'est pas de nature à combler ce déficit de représentant-e-s politiques.
Par ailleurs, de nombreux statuts et règlements internes obsolètes doivent être renégociés. Or, il appartient au Conseil administratif et au Conseil municipal de décider sur ces textes. Nos organisations entendent négocier ces textes, pour toutes les questions qui touchent directement le personnel, avec le Conseiller administratif en charge du DAC, sans devoir passer par le seul intermédiaire de la Fondation.
Enfin, un contrat de prestation est envisagé pour définir le cadre des activités du Grand Théâtre. Là également, le contenu de ce contrat de prestation aura des incidences directes sur les conditions de travail du personnel. Une négociation tripartite s'impose pour tout ce qui concerne directement le personnel.

3.) Le personnel, comme le préconise l'audit, demande l'engagement rapide par la Ville de Genève d'une Direction du personnel pour le Grand Théâtre, qui puisse être garante que les statuts et règlements du personnel soient respectés, qu'un organigramme et des cahiers des charges cohérents soient mis en place, que les rapports de travail soient exempts d'atteinte à la personnalité et que les contraintes en matière d'effectifs et de moyens financiers soient respectés par la Direction artistique dans la programmation envisagée.

Afin de combler l'une des lacunes à l'origine de la crise, nous demandons que cette Direction soit engagée en droit public, qu'elle rende des comptes à la Ville de Genève et non pas seulement à la Direction générale et à la Fondation comme jusqu'à ce jour, et que la position hiérarchique de cette Direction du personnel soit équivalente à la Direction artistique de l'institution. Ce rééquilibrage est indispensable et urgent. Jusqu'à ce jour, les intentions déclarées par le DAC, par la Direction générale et par nos interlocuteurs de la Fondation ne semblent pas prendre en compte la nécessité d'un tel rééquilibrage. Elles sont de nature à provoquer un fort mécontentement du personnel, en particulier celui engagé par la Ville, qui craint un statu quo dommageable.

En vous remerciant de prendre en compte nos préoccupations dans le cadre de vos travaux, nous vous prions d'agréer, Mesdames et Messieurs, nos salutations distinguées.

Pour les organisations du personnel
Valérie Buchs et Denis Chevalley

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Que va t'il se passer si la Fondation, La Direction, Le Conseil Municipal et le Conseil Administratif ne bouge pas et s'entete.

Quelle action concrète, les syndicats et la commision du personnel ont ils pour faire pression.

La fin de saison s'approche et tout s'enlise.

Ne faut t'il pas dressé un calendrier avec échéance avant la fin de saision pour faire appliquer les préconisations de l'audit.

Et dans peu de temps il sera trop tard.

Pascal Holenweg a dit…

Le Conseil de fondation actuel est en fin de course, et ne peut plus prendre aucune initiative. Le Conseil de fondation restreint proposé par David Lachat et Patrice Muigny ne peut pas agir avant que les statuts de la fondation soient modifiés -et ça va prendre au moins deux mois, dans le meilleur des cas. Le 31 août à minuit, l'actuel Conseil de fondation est caduc, et s'il n'y a pas de nouveau Conseil de fondation prêt à entrer en fonction le 1er septembre à 0 heures, la fondation est hors-la-loi et ne peut plus décider de rien... Tout dépend donc des décisions qui seront prises le 25 juin par le Conseil municipal, et surtout de la volonté du Conseil administratif (divisé. Mais tout dépend aussi de la capacité des syndicats de poser clairement le problème : si la Ville se met "hors jeu", les négociations sont rompues, et la saison 2007-8 commence dans un merdier intégral...

Anonyme a dit…

Et alors..... tristement l'immobilisme s'ancre.

C'est déprimant .... et dire que le personnel sera en vacance dès fin juin.

Qui à intérêt à jouer la montre ?????

Pascal Holenweg a dit…

Deux groupes ont intérêt (ou croient y avoir intérêt) à jouer la montre : le groupe de ceux qui veulent que rien ne change, et le groupe de ceux qui veulent abattre l'institution, ou qui ont des comptes personnels à régler. C'est le genre de conjonctions perverses de deux minorités qui n'ont rien en commun, mais qui si elle s'additionnent peuvent faire une majorité...